Producteurs : Майк Дауни, Сэм Тейлор, Гийом де Сиель, Ева Норвилене / Mike Downey, Sam Taylor, Guillaume de Seille, Ieva Norviliene
Production :
«Компания Новые люди» при поддержке Министерства культуры РФ / Compagnie "Novyié lioudi" ("Les Gens nouveaux") avec le soutien du Ministère de la Culture de Russie; Arizona Productions, F&ME
Dennis a grandi dans un orphelinat où sa mère l’a abandonné peu après sa naissance. Il est atteint d’une maladie rare qui le rend insensible à la douleur. Un jour, la mère débarque et emmène le garçon à Moscou où elle est associée à un gang de fonctionnaires corrompus qui extorquent de l’argent à des gens riches. Le jeune homme est amené à participer à ce trafic en se jetant sur des voitures pour faire chanter leur conducteur.
Cela fait déjà quelques années qu’un jeune cinéma russe, porté par une urgence sociale, a entrepris de dénoncer la corruption généralisée qui sévit au pays de Poutine. Ivan I. Tverdovsky fait partie de ces artistes qui documentent la morose réalité d’une nation malade. Depuis son premier film Classe à part, poignante évocation d’une jeunesse massacrée, le metteur en scène a su imposer son style sans concession, qui trouve dans l’histoire d’un individu physiquement insensible, matière à réflexion sur un délitement du lien social. De la première à la dernière scène, la thématique de l’enfermement, si prégnante dans le cinéma russe contemporain (on pense notamment au récent film de Youri Bykov, Factory) est lestée d’une fonction éminemment symbolique, qui transforme la vie du personnage en destin implacable.
Nourrisson abandonné dans un orphelinat, soumis par ses camarades à des épreuves physiques insupportables, Denis ne dispose jamais d’un libre arbitre qui lui permettrait de s’émanciper. Lorsque sa mère entreprend de le récupérer, ce n’est absolument pas pour rattraper le temps perdu, mais pour le compromettre dans une escroquerie particulièrement tordue, l’idée étant d’extorquer de l’argent à des riches, en provoquant des accidents de la route. Le jeune homme jouera le rôle de la victime, puisque son insensibilité à la douleur lui permet d’être renversé par un véhicule. Chaque tentative est comme un saut dans le vide, rendue obligatoire par la situation précaire du jeune homme.
Face à cette corruption qui associe juges, avocats, policiers, le conducteur piégé arguera en vain de sa bonne foi : on le verra s’époumoner dans des simulacres de procès, sur lesquels des ralentis s’attardent pour en étirer la dimension surréaliste, quasiment farcesque. Dans ce monde à front renversé, les figures tutélaires vacillent, en premier lieu la mère, sans repères, si ce n’est son obsession de gagner de l’argent par tous les moyens. Tour à tour doucereuse puis menaçante, elle entretient avec son fils une relation quasi incestueuse, qui n’est pas consommée, Denis choisissant la fuite, pour se préserver.
Plutôt le retour à l’orphelinat qu’une existence corrompue. La morale est cruelle. Dans la dernière scène, un autre nourrisson est déposé dans une boîte à bébés. Comme le cycle sans fin d’une malédiction.
Source : https://www.avoir-alire.com/