Okraïna : Prix du programme des films soviétiques au Festival de Venise, 1934
Biographie
Boris Barnet est né le 18 juin 1902 à Moscou dans une famille d'imprimeurs. Il a un frère et deux sœurs.
Son arrière-grand-père, irlandais, était arrivé en Russie au début du 19e siècle ; selon certaines sources il était légionnaire dans l’armée française et serait resté en Russie après la défaite de Napoléon à Moscou en 1812. .
En 1916, Boris Barnet s'inscrit à l'Ecole des beaux-arts et d'architecture où il suit les cours de peinture d'Abraham Archipov. .
Après la Révolution de 1917, Boris trouve du travail chez Stanislavski au Premier Studio du Théâtre d'Art où il peint des décors et fait des bruitages. Il veut être acteur, mais un défaut de prononciation l'en empêche. .
En 1920, il part comme volontaire sur le front de l’Armée Rouge. Il est démobilisé en 1921 et entre à l'Ecole militaire d'éducation physique des travailleurs où il rencontre Sergueï Komarov, l'un des premiers membres de l'Atelier Koulechov qu'il retrouvera au studio Mejrabpom et avec lequel il collaborera souvent de Miss Mend (1926) au Vieux jockey (194O).
Il pratique la boxe et participe à des spectacles de boxe. Koulechov, ayant assisté à l’un de ces spectacles «Duel du siècle: boxe contre lutte » qui s’est mal terminé pour Barnet, il lui propose de jouer le rôle du cow-boy dans Les Aventures extraordinaires de Mister West au pays des Bolcheviks et de participer à la décoration. Barnet après un premier refus accepte et commence à suivre les cours de l’Ecole de cinéma (ancêtre du VGIK) dirigée par Koulechov.
Barnet épouse Ada Gorodetskaïa qui enseigne la danse au Théâtre Meyerhold, installé dans le même bâtiment que l'Atelier Koulechov. Elle mourra deux ans plus tard.
En 1923 Boris Barnet réalise un court métrage sur la culture physique où il est acteur. Le 15 décembre commence le tournage des Aventures de Mr West. Il sera terminé le 7 avril 1924. Le montage prendra sept jours.
L’incident célèbre de la corde gelée qui devait servir à Barnet à traverser sans trucage une rue à la hauteur du cinquième étage précipite un certain désaccord entre Koulechov et Barnet qui quitte l'Atelier.
Il présente un scénario intitulé Les quatre bandes à la maison de production Rouss. De ce projet visiblement inspiré des Aventures de Mr West (une bagarre entre bandes qui se termine par la victoire de la milice), Barnet dira à Sadoul en 1959 qu'il l'avait écrit pour Koulechov.
1926 – 1927 : Otsep et Barnet co-réalisent Miss Mend et Barnet y joue un rôle aux cotes de Natalia Glan qui devient sa deuxième femme.
Le Narkomfin, Commissariat du peuple aux finances, commande à Barnet un film destiné à stimuler l'achat d'obligations à lots, Ce sera La jeune fille au carton à chapeau.
Barnet réalise ensuite en quarante jours pour l'anniversaire de la Révolution de 1917 Moscou en Octobre qui sera un échec.
En 1928,Barnet réalise La maison de la Place Troubnaïa. Bien que le scénario ait été préparé par quatre scénaristes (Chklovski, Erdman, Cherchéniévitch, Mariengov) les différences entre le scénario et le film sont soulignées par la critique.
A la fin des années vingt, Barnet a peu de travail. Il joue dans Le cadavre vivant d'Otsep (le rôle d'un pickpocket) et tourne en 1930 deux films documentaires sonores sur les instruments de musique, Les choses de la vie et La fabrication des instruments de musique.
En 1931, Mejrabpom, en retard sur les autres maisons de production pour traiter du thème de la collectivisation, demande à Barnet d'adapter à l'écran Liedolom (La débâcle), nouvelle de Gorbounov, qui évoque la lutte des paysans pauvres contre les koulaks. Barnet s'inspire de La Terre de Dovjenko tourné un an plus tôt. L’accueil du film est mitigé. On reproche à nouveau au cinéaste de s'être écarté du scénario. Barnet souffre d'une grave maladie qui interrompt son activité.
En 1932, Barnet travaille au scénario d'Okraïna, adaptation d'une nouvelle de K. Finn, à Odessa. C'est là que Barnet rencontre Elena Kouzmina, une actrice formée par la Feks qui deviendra sa femme.
Le tournage a lieu près de Tver, non loin de Moscou, pratiquement sans répétitions. On adjoint à Barnet Doubson, réalisateur de Mejrabpom qui par ailleurs faisait l’objet d’une enquête sur sa compétence. Barnet, chargé de diriger la commission d'enquête, écrira une lettre à la direction prenant la défense de Doubson.
En 1933, à la suite du succès d'Okraïna, on propose à Barnet de se rendre en Occident pour en préparer la sortie parisienne. Il passe dix jours en Allemagne et deux mois en France. Le film sort dans les salles à Paris en 1934 et reçoit un accueil enthousiaste. Cependant, la scène finale ouvrant sur la Révolution d'Octobre et la fraternisation des soldats allemands et russes est censurée.
En janvier 1935, au Congrès des travailleurs du cinéma présidé par Boris Choumiatski, nouveau responsable du cinéma, Barnet reçoit le titre d'Artiste émérite de la RSFSR.
On lui fait plusieurs propositions de scénarios. Il choisit celui d'un jeune auteur, Klimenti Mints, Au bord de la mer bleue. C'est une co-production Mejrabpom et Azerfilm, réalisée en Azerbaïdjan.
En 1936, Mejrabpom est dissous et c'est désormais à Mosfilm que Barnet doit proposer des projets. Aucun n'est accepté. Le cinéaste connaît une période de déprime. Il se remet au dessin, fréquente Babel, Olecha, Chklovski, Poudovkine, Batalov.
Le Studio du Théâtre de Khmélev — qui travaillait au Théâtre d'Art de Stanislavski — fait appel à lui. Un projet est amorcé, La longue route d'Arbousov. Le travail dure trois mois, mais la troupe éclate et la pièce ne se monte pas.
En 1939, après deux projets qui échouent Barnet accepte de réaliser Une nuit de septembre d'après une pièce d'Igor Tchékine sur le Stakhanovisme.
En septembre 1939, Barnet adhère au Parti communiste.
En 1940, Barnet tourne Le vieux jockey dont le scénario est écrit par Volpine et Erdman, son ancien camarade d'école et de culture physique. Le film rencontre un accueil très favorable.
Il est question que Barnet soit nommé directeur artistique des studios d'Odessa, mais il tombe malade, souffrant d’un ulcère.
A l’entrée de l'Allemagne hitlérienne en URSS, Le vieux jockey est retiré et ne ressortira qu'en 1959. Barnet est mobilisé sur son lieu de travail et monte la garde la nuit sur les toits de Mosfilm.
Il tourne deux courts métrages de fiction pour les ciné-journaux de guerre, Courage et Un chef inestimable (sur la résistance polonaise).
En 1942, Barnet tourne Les Novgorodiens, une comédie montrée au front avec succès, mais qui n'est pas sortie à ce jour dans les salles. On y voit un pilote français, abattu au-dessus de l'URSS et sauvé par des partisans nouer une idylle avec une kolkhozienne.
Barnet est évacué avec de nombreux cinéastes à Alma-Ata.
En 1944, Les studios d'Erevan invitent Barnet à réaliser un film d'après un scénario de F. Knorré, Une fois la nuit, histoire d'une ville occupée par les Nazis qui s'efforcent d'instaurer leur Ordre. Une institutrice sauve trois blessés au risque de sa vie.
Barnet fait de l'institutrice une très jeune fille qui a peur et qui est faite prisonnière. Barnet joue le commandant allemand; la jeune fille, Irina Radchenko, est une élève du VGIK.
1945. Jacob Protazanov veut adapter Les loups et les agneaux d'Ostrovski et demande à Barnet de l'assister. Ils préparent le film ensemble, mais Protazanov meurt et le projet est abandonné par la direction des studios. A cette époque Barnet fait la connaissance d'une actrice du Théâtre Vaghtankov, Ala Alexandrovna Kazantskaïa, et l'épouse.
En 1947, Barnet réalise à Kiev L'exploit d'un éclaireur qui est accueilli avec enthousiasme et deviendra un classique du cinéma destiné aux jeunes.
En 1950, on propose à Barnet de réaliser L'été prodigieux, qu'il n'aime guère. A Kiev, tentative de tourner un film lyrico-révolutionnaire. On impose alors à Barnet de réaliser Le concert des maîtres ukrainiens, une série de morceaux musicaux filmés pour l'anniversaire de Staline.
En 1954, tournage de Liana en Moldavie.
1955-1956 : Enseignement de la mise en scène au VGIK (Moscou), mais sans la responsabilité d'une classe.
En 1956, Barnet revient à Mosfilm pour tourner Poète sur un scénario de Kataev. Le film est mal accueilli.
En 1957, à la mort de Youdine, Barnet reprend le tournage du Lutteur et le clown. En 1959, Barnet accepte un travail de supervision au Kazakhstan. Il tourne Annouchka et reçoit le 12 mars le Prix Staline au titre d'artiste emérite de la République.
En 1961, Le Conseil artistique de Mosfilm critique le scénario d'Alienka qu'il se propose de tourner. Barnet demande qu'on lui fasse confiance.
En 1962 son entourage lui déconseille d'entreprendre la réalisation de La petite gare dont le scénario est unanimement jugé mauvais. Il le tourne tout de même.
1964-65, Barnet se rend à Riga où l'attend un scénario, Le complot des ambassadeurs. Ses difficultés avec Mosfilm se sont accrues et aggravent vraisemblablement son état dépressif.
Le 8 janvier 1965, Boris Barnet met fin à ses jours en se pendant dans sa chambre d’hôtel.
(Cette biographie utilise largement la chronologie établie par Francois Albéra, publiée dans Boris Barnet, par François Albera et Roland Cosandey, Editions du Festival international du film de Locarno, 1985)
A propos de son cinéma, Barnet a dit : "Je ne suis pas, je n'ai jamais été un homme de théories. J'aime avant tout la comédie, je me plais à introduire des scènes drôles dans un drame et des épisodes dramatiques dans un film comique".
"<…>La prévalence de la mise en scène sur le scénario et corrélativement la part prise par l’improvisation au moment du tournage, l'interaction entre la situation ou les acteurs sont mis dans la réalité du tournage et le reflet obtenu sur le plan du jeu, de la fiction, voila ce qui caractérise Boris Barnet. Ces positions ou ces engagements contrastent vivement avec les définitions canoniques du cinéma soviétique: muet — ou domine le montage court —, parlant — où règne la «dictature» du scénario. <…> Or, quand il tourne La jeune fille au carton à chapeau, Barnet écrit cette phrase «provocatrice» pour quelqu'un qu'on qualifie régulièrement (et abusivement) d’«élève de Koulechov»: «En travaillant nous avons découvert un fait surprenant et agréable pour nous: on peut construire une scène en impressionnant le spectateur non par le montage, mais par la mise eu scène elle-même» (Sovietski Ekran, n° 12, 19 mars 1927). Conséquence de cette prééminence du «jeu» «l'enjeu du travail, c’est l'acteur », le plan général est préféré au gros plan, unité de base du montage court. <…>" François Albera, Boris Barnet, Editions du Festival international du film de Locarno, 1985