Quatre amis (un poète, un acteur, un peintre, un architecte et un metteur en scène primitiviste) sont de jeunes maximalistes ; ils cherchent dans le jeune pouvoir soviétique l’incarnation de leurs rêves et espoirs. La Révolution bouillonne comme une bouteille d’alcool de pomme ; chiens de garde avec des ailes et pommes de terre en forme de cœur, le joyeux Commissaire du Peuple à la Santé (le dénommé Semachko) et des anges tristes, l’amour pour l’Etat et l’amour pour la jolie secrétaire Annouchka, fusillades et grossesses ; tout cela s’est confondu et entremêlé !
1034 : Polina-Revolutsia, légendaire combattante communiste, est sollicitée par le tout jeune gouvernement soviétique afin de mettre de l’ordre dans l’extrême nord du pays. Les chamanes de deux populations indigènes, les Khantys et les Nénets, refusent la nouvelle idéologie. Polina convainc cinq de ses amis de l’accompagner. Ce sont d’anciens compagnons d’armes qui sont maintenant devenus des artistes à la capitale. Ils vont essayer de réconcilier la culture de l’Avant-garde russe avec l’ancien paganisme de ces peuples qui vivent dans une forêt immémoriale près d’un grand fleuve sibérien, l’Ob.
Les rêves des amis ne se réaliseront pas. Très vite la meule de l’Histoire les broie. Mais en attendant, nos héros vivent de Futur et d’Amour.
Basé sur une histoire vraie.
Commentaires et bibliographie
Le cinéaste raconte l'histoire vraie (liée à la guerre du Kazym) d'une expédition menée dans les années 30 pour soumettre au pouvoir soviétique ce dernier noyau de résistance que constituaient les tribus Khanty et Nenets déterminées à écouter la voie de leurs shamans. A la tête de cette mission, Polina « la révolutionnaire » entraîne avec elle des artistes, dont certains pensent que la culture peut être un bon moyen d'imposer une idéologie. Très loin du pompiérisme lugubre et du réalisme trash dominants dans l'actuel cinéma russe, Alekseï FEDORTCHENKO déploie un univers fantaisiste, presque aérien, plastiquement magnifique, révélant un goût pour des scénographies à la fois précises et décalées, naïves et raffinées, proches d'une certaine poésie burlesque. Sa mise en scène organise de subtiles et cruelles variations autour du motif du tableau - du tableau d'école au tableau vivant des scènes de théâtre avant-gardistes, en passant par l'image d'Epinal propagandiste, jusqu'au tragique tableau de chasse. « La beauté est au-dessus des idées » dit l'un des artistes envoyé en mission. Difficile de ne pas voir dans cette affirmation la ligne directrice du film, à condition de comprendre que la beauté ici est à la fois plus simple et plus insaisissable qu'elle n'en a l'air. Elle réside dans une insoumission naturelle, païenne et presque enfantine aux cadres et aux idées imposées qui finiront néanmoins par prendre le dessus via un tragique renversement des valeurs (esthétiques) : le visage vu à l'envers d'un shaman tué, l'apparition (documentaire) de la première yugra soviétique, produit de cette terrible entreprise de destruction d'un peuple. (http://www.chronicart.com/cinema/rome-2014-les-fantomes-de-la-liberte/)