Vlassov et son fils Pavel sont ouvriers dans une grande usine en 1905. Les conditions de travail sont inhumaines, Vlassov est devenu alcoolique tandis que Pavel milite pour la révolution. Sa mère, résignée fait face en silence aux brutalités de son mari et aux actions de son fils. Une grève se prépare et pour un peu de vodka Vlassov accepte, avec d’autres, de jouer les provocateurs pour révéler les meneurs révolutionnaires. Une bagarre-poursuite éclate dans la cour de l’usine. Vlassov poursuit son propre fils qui lui échappe avant de succomber lui-même à une balle perdue. Alors que le mère veille le corps de son mari, la police fait irruption à la recherche d’armes. Se fiant aux promesses d’un policier d’épargner son fils, la mère révèle l’endroit où celui-ci avait caché les armes. Pavel est aussitôt arrêté, jugé et condamné aux travaux forcés. Sa mère a compris son erreur. Elle a compris aussi que, seule la révolution, peut apporter la justice. En allant rendre visite à son fils en prison, elle le renseigne sur les activités de ses amis. Grâce à eux Pavel réussit à s’évader à temps pour participer au défilé du premier mai. Il marche à côté de sa mère et c’est dans ses bras qu’il mourra, atteint par une balle de la police tsariste. La mère, transcendant sa douleur et comme illuminée par sa foi en la révolution, relève fièrement le drapeau rouge avant d’être piétinée par la police montée.
Commentaire de Kinoglaz :
A propos de La Mère, son premier long métrage, Poudovkine écrivit : « Avant tout, je tenais énergiquement à m’écarter des voies ouvertes par Koulechov et Eisenstein. Je ne voyais pas la possibilité d’adopter l’expression sèche et inerte dont ils avaient coutume d’user ; bien au contraire, seul l’homme m’intéressait, mais dans la mesure où il faisait partie d’un ensemble et où il apportait en lui la possibilité d’expliquer l’atmosphère et le déroulement des événements historiques ». Ce film, comparé à La Grève d’Eisenstein illustre bien en effet comment les deux cinéastes ont pu traiter de façon radicalement opposée un même thème, à savoir le mouvement révolutionnaire en Russie tsariste au début du vingtième siècle. Pour Eisenstein les héros du film ce sont d’une part la foule des ouvriers en grève et d’autre part l’ensemble des dirigeants de l’usine ou de la ville. La perception de ces « héros » se forme progressivement dans l’imagination du spectateur comme résultat d’une suite d’images qui se superposent, se complètent, parfois s’opposent en un ordre et suivant un tempo minutieusement calculés pour provoquer l’effet voulu sur le spectateur. Le montage de ces images est fondamental et se fera à partir d’une sélection effectuée sur une grande quantité d’images filmées. Le film de Poudovkine est monté avec autant de minutie mais autour d’un scénario établi avec précision qui nous fait vivre le mouvement révolutionnaire à travers une expérience individuelle, celle de la mère du révolutionnaire. Le montage, s’il reste important apparaît plus comme une mise au point finale. Le rôle de l’acteur devient donc primordial. Les acteurs devaient, selon Poudovkine, être « des gens assez exceptionnellement doués pour vivre et non jouer ». Comme le dit l'historien du cinéma Paul Davay : « La Mère – ce fut une des raisons de son foudroyant succès mondial – montrait que Poudovkine faisait en sorte que ses comédiens vivent. »