Opérateur
Né en 1974 
 
Décédé en 2002
Daniel GUREWITCH
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Даниэль ГУРЕВИЧ
Daniel GUREWITCH
Extrait de la filmographie
 
Opérateur
2003 - Boumer (Бумер) de Piotr BOUSLOV [fiction, 110 mn]
2002 - Connection (Связной) de Sergueï BODROV (jr.) [fiction, long métrage]
2000 - Une lourde besogne des déesses du destin (Тяжелая работа старых мойр) de Piotr BOUSLOV [fiction, 16 mn]

Biographie
Daniel Gurewitch est né à Saint-Pétersbourg, le 5 juin 1974. A l'âge d'un an et demi, il part pour la France avec ses parents. La famille s'installe à Paris.
Le choix de la France n'est pas dû au hasard. Son arrière grand-père, Pierre Choumoff, arrive à Paris en 1906 venant de Russie. Passionné par la photographie, son travail est bientôt remarqué par Rodin dont il devient le photographe attitré. Plus tard, dans son atelier se retrouveront des gens célèbres, beaucoup de Russes, intellectuels et artistes de passage à Paris tels que Maïakovski, Tsvetaeva, Stravinsky, Babel, et d'autres dont il réalise les portraits. Daniel perpétue l'histoire familiale en se passionnant lui-même pour la photographie et, en 2000, à Moscou, il assiste à l'inauguration de l'exposition "Un Parisien russe", consacrée au travail de son arrière grand-père.
La grand-mère de Daniel, née à Paris, fuit en Russie au début de l'occupation allemande en 1940 et s'installe à Saint-Pétersbourg. Là, elle travaille comme interprète et traductrice de livres d'art. Elle aura deux fils dont Pierre, le père de Daniel.
Arrivé en France Daniel marche sur les traces de ses aïeux. Il fait ses études à Paris, mais à la maison la famille parle russe. Dès l'enfance, il adore le cinéma et participe activement à une troupe de théâtre lycéenne. Après le bac, cherchant sa voie, il étudie à l'INALCO, travaille au service culturel de la FNAC. A 23 ans, il décide de se consacrer au cinéma. Il part pour Moscou, s'inscrit au VGIK, Institut Cinématographique de Moscou, pour y suivre le cursus de chef opérateur.
Son film d'école, primé au VGIK, est remarqué au festival du court métrage d'Angers en 2000. Pendant ses années d'études, il est sollicité comme chef opérateur pour tourner des clips publicitaires.
En 2001, il tourne son premier long métrage, "Boumer" avec le réalisateur Piotr Bouslov. Présenté hors concours au Festival International de Moscou en juin 2003, le film aura un succès immédiat en Russie. Il devient un film culte, désigné comme le meilleur de l’année. Sélectionné pour la « Semaine du cinéma russe », « Boumer » est présenté à New York, puis à l’Espace Pierre Cardin à Paris en novembre 2003.
Après avoir visionné les rushes de "Boumer", le réalisateur Serguei Bodrov Jr. (connu comme comédien dans «Frère», « Est-Ouest », « le Prisonnier du Caucase ») engage Daniel Gurewitch comme directeur de la photographie pour son nouveau film "Agent de liaison". Tous les deux et 41 membres de l'équipe de tournage périront dans l'avalanche survenue en Ossétie du Nord (Caucase) le 20 septembre 2002.

L'Association Dan Revival Projects :
L'Association DAN REVIVAL PROJECTS a été créée par les parents et amis de Daniel Gurewitch disparu le 20 septembre 2002, à l'âge de 28 ans, pendant un tournage.
Ce jour-là, se produisit une immense catastrophe naturelle. Dans sa chute, le glacier Kolka, d'un volume de 20 millions de mètres cube, a anéanti en 20 minutes toute la vallée de Karmadon, d'une longueur de 30 km. Personne ne pouvait ni prévoir ni imaginer un tel désastre.
C'est justement cette vallée qu'avait choisie le réalisateur Sergueï Bodrov Jr. pour tourner des scènes de son nouveau film "Agent de liaison". Avant de se lancer dans la réalisation, S. Bodrov était, en tant que comédien, une légende vivante pour des millions de jeunes russes. Pour S. Bodrov, en qualité de réalisateur, aussi bien que pour son directeur de la photographie, D. Gurewitch, "Agent de liaison" était le deuxième long métrage.
La société de production CTV, prestigieuse et novatrice, a fait appel pour le tournage à de jeunes professionnels talentueux et motivés. Pour toute l'équipe de tournage, ce film, doté d'un budget important, devait représenter un tremplin pour une carrière à venir.
S. Bodrov a engagé Daniel après avoir visionné les rushs de "Boumer", réalisé par Piotr Bouslov. Avec Daniel, une partie de l'équipe de "Boumer" a rejoint S. Bodrov.
Le 20 septembre 2002, lors du premier jour de tournage en montagne, ces destins se sont brisés.
L'Association DAN REVIVAL PROJECTS, créée après cette tragédie, souhaite, par son action, honorer la mémoire des disparus et aider d'autres jeunes talents à se réaliser.
Inspirée par l'histoire personnelle de Daniel où s'unissent les cultures française et russe, l'Association cherche à favoriser les échanges culturels et artistiques franco-russes, en particulier dans le domaine du cinéma.
danrevivalprojects@hotmail.com


Prix Daniel Gurewitch pour le festival "Message to Man"
L’Association DAN REVIVAL PROJECTS a créé en 2004 le prix de la meilleure photographie pour le festival de Saint-Pétersbourg "Message to Man". Ce festival international de courts métrages, de films d’animation et de documentaires a lieu chaque année depuis 1990 dans le cadre des Nuits Blanches.
La récompense prévoit la remise au lauréat du trophée, ainsi qu'un voyage en France pendant lequel seront organisées des rencontres avec des professionnels et des projections du court métrage primé dans des salles françaises.
Le trophée, un bas-relief en bronze représentant Pégase, est une œuvre créée spécialement pour l’Association par le plasticien de grande renommée Vassili Azemsha. Le gagnant se voit décerner un Diplôme de l’Association indiquant l’année de sa victoire.
Pour célébrer le lancement du Prix, un concert a été donné par Anatoli Gerassimov et ses musiciens dans la grande salle du Cinéma « Rodina ». Produit par l'Association, le disque "Karmadon Blues", composé et interprété par ce remarquable musicien de jazz, a été mis en vente lors de cette manifestation.
En 2004, dans le cadre du Festival "Message to Man", l'Association a organisé deux expositions photo dans le hall central de la Maison du Cinéma. La première présentait les photos du tournage de "Boumer" (réalisateur Piotr Bouslov), Daniel Gurewitch étant Directeur de photographie. La deuxième était une exposition personnelle de Natacha Vautrin, assistante opérateur de Daniel, de clichés réalisés sur le tournage de "l'Agent de liaison" (réalisateur Sergeï Bodrov). Ces images ont été prises la journée du 20 septembre 2002, quelques heures avant la catastrophe.
En 2005 le Festival "Message to Man" aura lieu à Saint-Pétersbourg du 15 au 22 juin.
 

Commentaires et bibliographie
 
Témoignages :

Première, N°62, août 2003
"Dania est arrivé de Paris pour faire ses études au VGhIK. Il me fascinait. C'est lui qui m'a appris ce qu'est une approche professionnelle dans un tournage. …Daniel Gurewitch aurait pu devenir le meilleur opérateur du nouveau cinéma" P. Bouslov, réalisateur de BOUMER

Calendrier de Saint-Pétersbourg, N° 16-17, 2003
"…Un excellent film tourné par le directeur de la photographie Daniel Gurewitch avec une négligence raffinée toute masculine, empreinte de teintes sombres et sans joie.."

Vedomosti, 1er août 2003
"<…>Boumer apparaît comme un événement particulier dans le cinéma russe contemporain. D'abord, parce que c'est tout simplement un beau film, ce qui paraît invraisemblable dans la mesure où il a été tourné par une équipe de débutants. Et ensuite parce que Boumer sera à tout jamais marqué par la tragédie qui a frappé une partie de son équipe engagée par S. Bodrov jr. pour le tournage de son nouveau film "Agent de liaison". Maintenant que "Boumer" sort dans les salles, on découvre le niveau professionnel du directeur de la photographie dont on déplore la disparition. Daniel Gurewitch, qui a passé pratiquement toute sa vie à Paris, a su en fait filmer les routes russes, la Russie profonde, les jeunes russes avec une maîtrise que peu de ses confrères pourraient égaler. L'héritage de Daniel comprend un long métrage "Boumer", un court métrage "Le dur labeur des Moires" et des rushes de la première journée de tournage d' "Agent de liaison". Il s'agit de la seule séquence qui, d'après le scénario, se déroulait à la montagne.. "Boumer" est habité d'une vraie passion des extrêmes d'où provient cet élan que l'on ne retrouve pas dans d'autres films russes, fussent-ils très réussis…"

Ogoniok, 18-24 août 2003
"… Personne n'a de beau rôle dans ce film… Et pourtant il y a bien, dans BOUMER, un héros incontestablement positif, c'est la photographie. Daniel Gurewitch, le directeur de la photographie disparu dans la vallée de Karmadon, a filmé d'une manière exceptionnellement expressive. L'image n'est pas "glamour" mais impeccable. Les paysages, la voix de Chnourov (compositeur et interprète de la bande son), les flashs d'anticipation (flash-future) forment un personnage extrêmement sympathique de l'auteur-narrateur qui sait tout d'avance et qui a déjà enterré tout le monde…

Kinoprocess, N° 5/6, 2002
"Dania avait froid en permanence. L'hiver, ma parka sur le dos, il maugréait: "Je suis français et je n'arrive pas à m'y faire. C'est ça le froid! Je comprends bien Napoléon". Il disait qu'il ne tournerait plus aucun film en hiver. Mais justement, il se trouvait que l'on ne tournait qu'en hiver. Une anecdote amusante est arrivée juste deux ou trois semaines avant le départ de Dania avec Bodrov pour l'Ossétie. Lors d'une discussion j'ai dit à Dania: "Tu ne comprends pas parce que tu es français". Ce à quoi il m'a répondu : "Mais c'est fou, çà! En France, on me traite de Russe. Ici, de Français. Alors qu'en fait, je suis juif!". Ca nous a bien fait rire et nous nous sommes mis à tourner en dérision le sionisme, l'antisémitisme, le racisme, toutes ces attitudes qui consistent à juger les gens en bloc et non pas en individus.
Dania disait aussi qu'en France, il aurait dû travailler une quinzaine d'années comme deuxième assistant avant qu'on ne lui confie la caméra. "Et ici, c'est la deuxième année de suite que je tourne un long métrage. C'est pas super, ça?". Il a acquis une liberté créative. Quand on tourne son premier film, le principal souci, c'est d'aller jusqu'au bout, d'éviter des bourdes techniques. Mais quand, avec l'expérience, vient le sentiment d'assurance, on commence à se consacrer à la création proprement dite. Et je pense que sur le film de Bodrov, il avait cette liberté du savoir-faire. Comme un bon pianiste qui s'exprime à travers son instrument".
A.Migatchev, scénariste

"…Et ce qui me cause une douleur particulière, c'est Dania, Daniel Gurewitch, directeur de la photographie. Boumer, c'est son début. Il vit en France, mais est venu à Moscou pour étudier au VGhIK. Dès qu'on le voit, on comprend tout de suite que c'est un opérateur. Le plus souvent ils sont maigrichons. Dania aussi était comme ça, petit et mince. On se demande comment il arrivait à trimballer la caméra.
Sergueï Bodrov m'a demandé : "Trouve-moi un opérateur, tu as plein de débutants". Je lui ai fait voir tous nos derniers films, y compris "Boumer". Et Bodrov a choisi Dania. Ils ne se connaissaient même pas. Bodrov ne l'avait jamais vu. Il a juste regardé les images et dit: "Celui-ci conviendrait".
Pendant que le film de Bodrov était en préparation, j'ai proposé à Dania de tourner un clip. Il m'a répondu: "Je ne peux pas. Je suis pris". Et moi: "Mais en attendant tu ne fais rien!". "Je ne peux pas", dit-il. "Je ne veux pas me disperser". Et il a refusé. Il était comme ça, ce garçon".
S. Tchliantz, producteur

Le technicien du film, N° 528, du 15 décembre 2002 au 15 janvier 2003
"…cette disparition touche toute une génération qui s'efforçait de renouveler le cinéma en Russie".
 

Images et vidéos