"Ce film n’use d’aucun des procédés cinématographiques racoleurs : pas de femmes nues ni de lovelaces vieillissants, ni de forces maléfiques.
Alors que contient ce film ?
Pour les amateurs d’art cinématographique, il contient beaucoup.
En premier lieu les noms de Sergueï Paradjanov et de Youri Ilienko. Leur première rencontre au début des années soixante nous a fait cadeau de cet extraordinaire film : Les chevaux de feu. Le régisseur, alors peu connu, était Paradjanov, et Ilienko était un opérateur débutant. Au début des années 90 le grand réalisateur Ilienko met à l’écran des souvenirs du réalisateur Paradjanov.
En second lieu, ces souvenirs de la prison dans laquelle le célèbre Etat soviétique croyait possible de cacher le fameux cinéaste.
En troisième lieu, ces souvenirs de Paradjanov, mis en scène par Ilienko, de façon tout à fait évidente, nous font voir de ce cinéma poétique ukrainien, qui semblait définitivement anéanti par les productions du cinéma de masse bruyant et idéologique de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix.
Le Lac des cygnes. La zone est indiscutablement le signe d’une renaissance artistique. Paradjanov est mort. L’orientation qu’il a montrée dans le cinéma écrasée. Mais encore vivante.
Bien sûr, dans la zone d’Ilienko, le réalisme des détails les plus affreux de la vie en prison n’est atténué. Au contraire les détails sont horribles. Mais, comme il sied au cinéma poétique, tous les détails s’inscrivent dans un type élevé de représentation cinématographique, et l’histoire de l’évasion du prisonnier, de sa relation amoureuse, de sa capture dépassent par leur description le cadre des événements habituels.
Et d’ailleurs, de quels événements habituels pourrait-il s’agir, quand le fuyard se cache dans un monument représentant la faucille et le marteau, symbole alors d’un grand Etat inviolable ?"
Sergueï Lavrentiev, Encyclopédie du cinéma russe.