Bill Porter, alias O’Henry, incarcéré pour détournement de fonds, observe ses compagnons de prison : il commence là sa carrière d’écrivain. Dulcie, vendeuse de province, se console de la platitude de son existence en lisant des « contes roses ». Elle est transportée par les récits du « grand Consolateur » et elle rêve du prince charmant. O’Henry raconte, dans un de ses récits, l’histoire du casseur de coffres-forts Jimmy Valentine. L’écrivain avait d’ailleurs transformé en happy end l’histoire dramatique du cambrioleur, qui mourra de phtisie en prison après avoir collaboré avec la police sur promesse de libération. Dulcie, mêlant rêve et réalité, connaîtra un destin catastrophique : trompée par l’un des geôliers qui a abusé de sa naïveté, elle le tue.
Commentaires et bibliographie
Lev Koulechov a souligné l’originalité narrative de son film qui montre la fragilité des frontières entre la fiction et la réalité dans une histoire qui se déroule sur trois plans : la vie de l’écrivain William Sidney Portner, condamné à trois ans de prison, où il devient l’observateur de ses compagnons, les futurs personnages de ses récits; la vie de Dulcie, personnage d’un récit de O’Henry, que le cinéaste fait entrer dans la réalité ; la vie du cambrioleur de coffres-forts, Jimmy Valentine, qui a servi de modèle à O’Henry pour l’une de ses nouvelles et qui joue un rôle essentiel dans l’imagination de Dulcie qui, à son tour, mais naïvement, fait passer la fiction dans la réalité en essayant de concrétiser ses rêves. Koulechov conclut : « Ces trois lignes de montage, ces trois styles différents composent le film que je considère comme le plus intéressant de tous ceux que j’ai réalisés à l’époque du sonore. Je crois qu’on peut y trouver certains éléments d’anticipation de ce que l’on fait aujourd’hui. » (L.Koulechov, Le cinéma soviétique par ceux qui l’ont fait, éd ; Les Editeurs français réunis, 1965).
Par ailleurs, Jay Leyda rapporte que le cambrioleur Jimmy Connors, héros du récit de O’Henry, avait inspiré une nouvelle A Retriered Reformation, rendue célèbre par l’adaptation théâtrale qu’elle avait inspirée, Alias Jimmy Valentine. Il ajoute que la comparaison constante entre la réalité du fait divers et sa transformation en fiction par O’Henry, donne au film une véritable dimension philosophique sur la genèse de la création artistique.
Sur le plan technique, le Grand consolateur constitua une véritable performance : il fut tourné en quarante jours, monté et sonorisé en seize jours. La méthode de Koulechov constitua un modèle d’efficacité inégalée. Le réalisateur fit répéter toutes les séquences, dans l’ordre chronologique, sur un plateau de petites dimensions, comme pour une pièce de théâtre. Les scènes mises au point avec une précision méticuleuse pouvaient être ensuite enregistrées sans aucune erreur sur le lieu véritable du tournage. Poudovkine, qui admirait la méthode de Koulechov met cependant en garde les réalisateurs contre cette technique qui réduit obligatoirement le nombre des personnages à celui d’une pièce de théâtre, qui exclut les scènes de foule, et ne saurait servir de modèle à la création cinématographique dans son ensemble.