Editeur : DvdToile. 2004. Titre : Le Pré de Bejine.
Le père et son fil, l'un dans le camp des koulaks, l'autre dans celui des kolkhoziens s'opposent jusqu'à ce que le sang soit versé. Ce film, certainement detruit au cours de la Seconde Guerre Mondiale, n'existe plus pour le spectateur que sous forme de moyen metrage composé d'une partie explicative et d'un montage de photogrammes de plans fixes.
(https://dvdtoile.com/Film.php?id=7212)
Un coffret regroupant sur 4 DVD l`intégralité de l`oeuvre du réalisateur Sergeï M. Eisenstein :
- DVD 1 La Grève - Octobre - Le Pré de Bejine
- DVD 2 Le Cuirassé Potemkine - La Ligne Générale - Le Journal de Gloumov
- DVD 3 Que Viva Mexico! - Alexandre Nevski
- DVD 4 Ivan le Terrible I et II - Romance Sentimentale
Synopsis
Le film s'inspire de l'histoire du jeune Pavlik Morozov (1918-1932) décrit par la propagande communiste comme un héros-modèle de la jeunesse soviétique, qui selon la légende aurait été tué par son père Trofim Morozov qui avait été dénoncé par son propre fils comme koulak opposé au pouvoir. En fait les historiens ont établi que ce n'est pas son père qui a tué Pavlik mais un membre de sa famille. Dans le film, Pavlik s'appelle Stepok.
Il ne reste que des fragments du film tourné par Eisenstein entre 1935 et 1937 (voir le commentaire ci-dessous).
Ouverture sur des images de la nature au printemps : cerisiers en fleurs, rivières transparentes qu’ombragent des arbres aux troncs puissants.
Première séquence : l’enterrement de la mère de Stepok, tuée par son mari.
Deuxième séquence : l’affrontement silencieux du père, koulak, et du fils, qui quitte son père pour rejoindre les pionniers.
Troisième séquence : l’incendie du dépôt de fuel du kolkhoze. Les pionniers éteignent le feu allumé par les koulaks. Le jeune Stepok monte sur les toits en flammes pour libérer les pigeons prisonniers de leur colombier.
Quatrième séquence : les pionniers assaillent l’église où se sont réfugiés les koulaks incendiaires. Ceux-ci sont arrêtés et confiés à la garde des kolkhoziens.
Cinquième séquence : transformation de l’église en club. Le peuple s’approprie les objets du culte, descend le Christ de sa croix…
Sixième séquence : la scène tragique du dénouement. Les pionniers assurent la surveillance nocturne des chevaux et de la récolte. Les koulaks tuent leurs gardes et s’évadent. Parmi eux, le père de Stepok : il voit son fils juché sur l’échafaudage de surveillance, il tire sur lui.
Le film se ferme sur l’agonie et la mort de Stepok. Les dernières images montrent le lever du soleil sur les champs de blé, au milieu desquels repose le cadavre de l’enfant blond.
« Résurrection d’un film perdu ». C’est ainsi qu’a été intitulée la restauration du film, faite par S.Youtkevitch, ami de Sergueï Eisenstein et Naoum Kleiman, historien du cinéma. Les fragments ont été reconstitués à partir des notes de Sergueï Eisenstein, de vieilles photos et des bouts de pellicule composés de deux ou trois images.
L’histoire du film semble être placée sous le signe d’un tragique inachèvement. A son retour des Etats-Unis, en 1932, Sergueï Eisenstein voulait réaliser un « grand film chargé de sens ». Mais il se heurta à de multiples difficultés dans la recherche d’un sujet, et ce n’est qu’en 1935 qu’on lui proposa le scénario d’Alexandre Rjechevski, lequel racontait l’assassinat du pionnier Pavel Marozov par son père, ennemi de la collectivisation.
Le cinéaste entreprit le tournage avec passion. « Il voyait dans ce drame l’expression d’un conflit fondamental et tragique : la lutte féroce de l’ancienne campagne rétrograde, s’accrochant au passé, face à la campagne nouvelle, socialiste et soviétique. Dans l’image du père de Stepok, hirsute et terrible, entouré de vieilles mégères, il voyait la vieille Russie, tandis que la Russie nouvelle était incarnée par le pionnier Stepok, illuminé par le soleil de l’avenir, soutenu par les communistes et les komsomols de la nouvelle campagne soviétique. » (Rostislav Yourenev, présentateur du film Le pré de Béjine).
Cependant, la séquence où les kolkhoziens transforment l’église en club fut très mal jugée et Eisenstein réécrivit le scénario avec Isaac Babel. Il remplaça cette scène par celle de l’incendie contre le kolkhoze. Il changea également l’acteur qui jouait le rôle du père. Cette deuxième version fut tournée en l’absence du réalisateur, gravement malade.
La seule copie du film fut détruite lors du bombardement de Mosfilm pendant la deuxième guerre mondiale. La version qu’en a restituée S.Youtkevirch est dédiée à la mémoire de Pera Attacheva, à qui on doit les morceaux de pellicules rescapés.
Commentaires de Jay Leyda, assistant de S.M.Eisenstein, lors du tournage du film.
Jay Leyda, qui fut engagé comme apprenti-metteur en scène pour le tournage du Pré de Béjine précise que le thème et le sujet du scénario de Rjechevski étaient inspirés d’une nouvelle de Tourgueniev, Notes d’un Chasseur. L’écrivain y évoquait l’état d’esprit, hanté de superstitions, de la jeunesse campagnarde vers 1850. Rjechevski, qui avait séjourné pendant deux ans au village du Pré de Béjine avait observé et comparé la jeunesse paysanne telle que Tourgueniev l’avait vue et la jeunesse rurale contemporaine.
Jay Leyda raconte ensuite le travail du choix des acteurs, en particulier celui de Stepok. Deux mille enfants ont été proposés ; les assistants en ont sélectionné six cents, et Eisenstein en retint deux cents, mais, parmi ceux-ci, aucun ne convenait au cinéaste pour jouer le rôle de Stepok. Ce n’est qu’au moment de partir sur les lieux du tournage que Sergueï Eisenstein découvrit enfin Vitka. « C’est Stepok ! » s’exclama-t-il. Or tout semblait jouer en défaveur de Vitka : ses cheveux mal plantés, des défauts de pigmentation de la peau, une voix terne. Seul Eisenstein était sûr de son choix, dit Jay Leyda, qui ajoute que les « potentialités de Vitka apparurent plus tard à tous ». (Kino, histoire du cinéma russe et soviétique, L’Age d’Homme, 1976).