Militaire en retraite, Alexandre Khanjonkov commence à vendre et louer des films produits par des compagnies étrangères à partir de 1906. En 1908, la maison Khanjokov & C° (devenue société par actions, A. Khanjonkov & C° en 1912) commence à produire ses premiers films en se spécialisant surtout dans les mises à l’écran de classiques russes, de contes populaires, de chansons et de romances. Elle devient assez rapidement la plus importante société de production russe.
En 1911, Khanjonkov, avec V. Gontcharov, tourne un film de 2000 mètres l’un des tout premiers longs métrages du monde, La Défense de Sébastopol ( Оборона Севастополя ) . En 1912 V. Starevitch sort son premir film d’animation tridimensionnelle (réalisé avec des animaux naturalisés et des maquettes) : Le plus beau des Lucanes ( Прекрасная Люканида ). De grands maîtres du début du cinéma russe ont travaillé dans la maison de Khanjonkov. Parmi eux Bauer, Tchardinine, Ouralski, B. Tchaïkovski, Zaveleve, Medzionis, Outkine, Kholodnaïa, Mozjoukhine, Karalli, Radine, Polonski, Perestiani...
En 1911, Khanjonkov, le seul parmi les plus grands industriels du cinéma, ouvre un service scientifique pour le tournage de documentaires, de films ethnographiques. Ce service a réalisé par la suite beaucoup de films, notamment sur l’agriculture, la géographie de la Russie, la zoologie, la botanique et la médecine. Certains des plus grands spécialistes russes, dont de nombreux professeurs de l’Université de Moscou ont participé à la réalisation de ces films. Malgré sa non rentabilité, ce service scientifique a existé jusqu’en 1916. Les films étaient généralement projetés pendant les séances matinales à des tarifs réduits dans la salle de cinéma Pégase appartenant à la société Khanjonkov. A partir de la fin 1910, cette société commence à éditer la revue Vestnik kinematographi. Et à partir de 1915 la revue des arts Pégase, unique édition russe sur les arts où une grande place était réservée au cinéma (notamment à la publication de scénarios), présenta également des articles sur le théâtre, la littérature, la peinture et l’ethnographie. En publiant des articles sur la musique de Rachmaninoff, la peinture de Kontchalovski, les romans de Senkievitch et les oeuvres d’autres grands maîtres de l’art contemporain, l’éditeur de Pégase, tendait à les prendre pour exemples pour le jeune art cinématographique.
Comme beaucoup d’autres industriels de cinéma durant les années de la Révolution, Khanjonkov part dans le sud de la Russie pour continuer à produire des films. En novembre 1920, il s’exile à l’étranger, d’abord à Constantinople, puis à Milan, ensuite à Vienne... où il essaya sans succès de continuer à produire des films.
A la fin de 1922, il loue une villa à Baden et y invite un groupe d’ingénieurs compatriotes qui ont commencé des expériences sur l’enregistrement du son. Mais faute de moyens, ces expériences ont dû être arrêtées. En 1923 Khanjonkov accepte l’invitation des représentants de la société Rusfilm et rentre en Russie pour travailler, pendant un certain temps, comme consultant à Goskino et comme chef de production de Proletkino.
En 1926, suite à une affaire d’abus de biens sociaux au sein de Proletkino, Khanjonkov ainsi que d’autres dirigeants et réalisateurs furent mis en prison et la société fut dissoute. Faute de preuve, Khanjonkov fut libéré aussitôt, mais toute activité cinématographique lui était interdite et il fut privé de ses droits civiques. A cause de cette affaire, en 1930, la deuxième femme de Khanjonkov, V. Popova, qui était à la tête du studio de montage de Vostok Kino, fut victime d’une épuration de cadres, comme épouse d’un condamné. Le changement de statut social et la dégradation de son état de santé obligèrent Khanjonkov à quitter Moscou pour s’installer à Yalta. En 1934, à l’occasion du quinzième anniversaire du cinéma soviétique, et pour son grand apport personnel à l’histoire du cinéma national, Khanjonkov fut réhabilité et obtint une pension d’État. Pendant les dernières années de sa vie, il a surtout écrit des mémoires qui ont été publiés dans le livre Les premières années du cinématographe russe ( Первые годы русской кинематографии ) (1937) ainsi que dans d’autres ouvrages. De 1941 à 1944. Invalide et non autonome, Kanjonkov a vécu sous l’occupation allemande. Des journalistes racontent : « Nous passons devant le célèbre studio de Yalta construit avant la guerre par le fondateur de l’industrie cinématographique russe Khanjonkov. Autrefois des films avec Mosjoukhine et Vera Kholodnaïa ont été tournés ici. Depuis lors, ce studio a peu changé... Les anciens pavillons sont délabrés et ont perdu leurs couleurs. Une vieille femme bien conservée pousse un fauteuil roulant avec un vieillard paralysé sur un trottoir qui longe le studio. C’est Khanjonkov lui-même, le fondateur de l’industrie cinématographique russe, l’ancien propriétaire de ce studio. Le pouvoir soviétique l’a spolié. Pendant de longues années, il est resté déchu de ses droits civiques.... » N. FevreSur les ruines du Bolchévisme. Au sud sur la côte. (Novoe slovo (Berlin) 28.02.1943. 6) Cité par Svetlana Skovorodnikova dans Velikiikinemo.