Mikhaïl Kobakhidzé est né le 5 avril 1939 à Tbilissi. Jusqu’en 1965, il étudie à la faculté de mise en scène du VGIK (Institut national du cinéma) dans la classe de Sergueï Guerassimov et Tamara Makarova. Pendant ces études il réalise deux courts métrages. Guerassimov favorise le jeune géorgien et fait en sorte qu’il passe par anticipation tous ses examens et devienne réalisateur professionnel avant la fin officielle des cours.
« Je suis arrivé à Tbilissi en 1963 pour tourner mon film-diplôme "Huit et demi" - écrit Kobakhidzé dans son article "Blanc et Noi"r paru dans le journal Cahier d’Europe (numéro 2, Printemps-Eté 1997) - (...) Le film n’a pas été accepté et de plus, avant d’avoir atteint Moscou, il a été détruit en Géorgie même. »
En 1964, Kobakhidzé tourne "Le Mariage" en Géorgie avec les moyens d’un amateur. Il achète la pellicule avec ses économies et ne paye pas ses acteurs. Primé à Oberhausen et à Cannes, ce film rencontre un vif succès dans le pays et à l’étranger ce qui permet à Kobakhidzé de commencer le tournage du film "Le Parapluie" dans de meilleures conditions. Mais "Le Parapluie" est mal perçu par la censure soviétique et seule l’aide du très influent Serguei Guerassimov permet de terminer son montage.
En 1968, Kobakhidzé se prépare à tourner son premier long métrage qui doit comporter quatre nouvelles. Au début il nomme celle qu’il tourne en premier "Guerre et paix", mais sous la pression de la censure, il est obligé de changer son nom. Finalement le titre retenu est "Les Musiciens". Mais le tournage est stoppé brusquement, après qu’une commission de Moscou l’ait visionné. Accusé de formalisme Kobakhidzé se trouve menacé d’être rétrogradé comme assistant. Il se défend en écrivant une lettre à Brejnev qui la transmet à un responsable chargé de la culture en URSS. Un article parait dans le quotidien Komsomolskaja Pravda déclarant le droit du cinéaste à travailler. Kobakhidzé semble être sauvé, mais, néanmoins, tous ses scénarios sont refusés par les studios. Pour vivre le cinéaste est obligé de travailler dans d’autres métiers, mais en même temps il écrit plusieurs scénarios de dessins animés.
Au début des années 80 la situation commence à s’améliorer et il a de nouveau l’espoir de tourner. Edouard Chevarnadzé, alors premier secrétaire du Comité central du Parti Communiste de Géorgie, lui promet son soutien et le réalisateur commence la préparation d’un court métrage sur la vieille ville de Tbilissi. Mais, suite à un tragique événement familial (son fils Guega, pressenti pour jouer dans "Le Repentir" de Tenguiz Abouladze, est condamné à mort pour détournement d’avion en 1983), il est licencié des studios et on lui retire sa carte professionnelle. Sa carrière en Union Soviétique est brisée définitivement.
Kobakhidzé part pour la France où il séjournera une dizaine d'années, en sauvant les copies de ses films qui ne sont pas à l’abri dans les archives soviétiques. Il est redécouvert en Occident grâce à plusieurs rétrospectives qui lui sont consacrées, notamment au festival de Venise (1996), festival Côté court à Pantin (1996) etc. Le Festival de Pantin réalise à ses frais un contretype à partir de la copie du film "Jeune amour", la seule que possédait le cinéaste. Le Festival International de Venise produit à son tour un contretype du film "Carrousel/Manège".
Le réalisateur fait plusieurs tentatives pour tourner un nouveau film et participe avec succès à différents concours de scénario. En 2001 Mikhaïl Kobakhidzé tourne son premier film en France, le court métrage "En chemin" (2002), une fable philosophique en noir et blanc. Du fait de la réorganisation des chaînes Canal+ et Arte Mikhaïl Kobakhidze n'a pas pu réaliser son projet de long métrage "Comme un nuage".
Ces dernières années, il était retourné en Géorgie où il enseignait la mise en scène. En 2005 , il publiera en guise d’épilogue un texte "Blanc et noir" où il retraçait son parcours. Ce texte a été publié dans Les Cahiers d'Europe en 1997 et repris dans la revue Théorème 8 dont on trouvera ici une présentation.
Il est décédé des suites d’une longue maladie à Tbilissi le 13 octobre 2019.
Commentaires et bibliographie
" ... Mikhaïl Kobakhidze, ... révèle un talent comique étourdissant dans des courts métrages drolatiques, Le Mariage et Le Parapluie où il incarne lui-même un huluberlu maladroit et malchanceux qui évoque Charlot et Tati; dans Les Musiciens aussi il manifeste un sens de l'observation ironique et attendrie qui l'apparente à Iosséliani. " (Marcel Martin, Le cinéma soviétique de Khrouchtchev à Gorbatchev, L'Age d'homme, 1993)
« Le cousin géorgien de Keaton et de Tati. Comme tous ceux qui ont eu le bonheur de découvrir les courts métrages de Mikhaïl Kobakhidzé, nous avons été éblouis, enchantés par cette gracieuse alliance entre la tendresse, l’humour, une certaine lucidité et ce que nous appellerons un grain de folie pour ne pas parler de poésie. Les 5 films de Kobakhidzé réalisés entre 1961 et 1969 marquent incontestablement la naissance d’une œuvre comique proche de la perfection. Il appartient à la tradition de cinéastes éminemment visuels. Sans paroles, ses films sont rythmés par des musiques aux vertus chorégraphiques. La mise en scène joue avec une virtuosité confondante des capacités d’expression de l’espace filmique : jeux de regards, variété subtile du filmage, précision dans les déplacements des personnages. Tout cela avec une élégance et une tendresse extrême ». (Jacques Kermabon, Bref, revue du court métrage, source: dossier de presse ARKEION films)