Le Retour : Prix Luigi De Laurentiis 2003, décerné à une première œuvre de fiction
Elena : Winner of the 2010 Sundance/NHK International Filmmakers Award
Biographie
Andreï Ziagintsev a conquis une célébrité mondiale grâce à son premier film Le Retour qui a obtenu le Lion d’Or au Festival de Venise en 2003. Il dit qu’il a été servi par la chance et conduit par l’ambition. Sa biographie montre au moins une obstination passionnée –qui ressemble beaucoup à une vocation- dans la poursuite de sa carrière artistique.
Né le 6 février 1964, à Novossibirsk en Sibérie, il réalise son rêve d’enfance lorsqu’il quitte le lycée en fin de première pour entrer à l’école de théâtre de sa ville. C’est en 1980 : il a seize ans.
Très vite distingué par le directeur des études, Lev Belov, il interprète de multiples rôles, acquiert une célébrité locale dont il pressent déjà les limites. En 1983, à la sortie de l’école, il part donc pour Moscou où il a la révélation, au théâtre Maïakovski, de ce qu’est un grand spectacle. En 1986, il est admis au concours d’entrée du GITIS (le prestigieux institut de théâtre de Moscou) : il apprend son métier avec Levertov dans la classe d’Evgueni Lazarev. Diplômé en 1990, il refuse d’entrer dans la troupe de Mark Zakharov, le célèbre directeur du Lenkom de Moscou. Son ambition l’appelle à choisir des voies plus risquées : il fait du théâtre expérimental, mais ne peut, faute de moyens, produire de spectacle. Depuis 1988, il se passionne pour le cinéma : son premier choc a été L’Avventura de M.Antonioni.
En 1993, pour survivre, il doit accepter de réaliser des scénarios publicitaires avec un ami, ancien élève du VGIK. Ce travail qu’il accomplit comme un expédient lui ouvre les portes de la chaîne de télévision russe, la Ren-TV, et, enfin, celles du cinéma. En effet, à la Ren-TV, il est remarqué par le directeur, Dmitri Lesnevski, qui lui confie la réalisation de 3 épisodes d’une série à succès. Lesnevski est aujourd’hui le producteur du film Le Retour : il a soutenu le jeune cinéaste dans ses décisions, ainsi dans le choix des jeunes acteurs, Dobronravov (Ivan) et Vladimir Garine (Andreï), ce dernier particulièrement fragile. L’effort physique et moral qu’il demandait aux enfants était un risque dont Ziagintsev était conscient. Il a gagné son pari.
Le film, tourné en 40 jours, de juin à août 2002, a ensuite exigé trois mois de montage, puis un important travail de sonorisation (il y a moins de 10p.100 de son direct). Le film terminé le 19 mai 2003, a été projeté pour la première fois le 25 juin 2003, en l’absence dramatique du jeune acteur Vladimir Garine (Andreï) décédé accidentellement près de Saint-Pétersbourg dans les jours mêmes de cette projection.
Andreï Zviaguintsev évoque Godard dans Le Monde du 13 septembre 2022 :
« La neige tombait et je tapais mes pieds l’un contre l’autre pour éviter qu’ils ne gèlent sans cesser de regarder les images »
Le cinéaste, formé aux grandes rétrospectives du Musée du cinéma de Moscou, a notamment signé Le Retour (2003), Léviathan (2014) et Faute d’amour (2017).
« Un jour – on doit être en février 1989, par un hiver particulièrement neigeux –, je jette un coup d’œil au répertoire du Musée du cinéma de Moscou, accroché aux caisses, pour essayer d’y trouver quelque chose que j’aie envie de voir. Je ne me souviens plus si j’ai acheté un billet pour une séance ou si je l’ai fait pour le lendemain. Toujours est-il que je dois avoir pas mal de temps libre, car voici ce qui m’arrive. Je quitte les caisses et, une fois dans la rue, je remarque que, derrière la vitrine de ce Musée, des images noir et blanc défilent sur l’écran d’un gros téléviseur posé sur un meuble bas. Je m’arrête devant la vitrine. Je n’entends aucun son, je ne fais que regarder ce qui se déroule sur cet écran muet (je ne me souviens plus s’il y avait des sous-titres) : des rues de Paris, un paysage urbain, un jeune homme sortant de l’ordinaire, une jeune fille aux cheveux courts d’une insurpassable beauté. Bref, je reste devant cette vitrine jusqu’à ce qu’apparaisse le mot « Fin » à l’écran.
Je n’avais pas reconnu dans ce beau jeune homme Jean-Paul Belmondo, car je ne l’avais vu auparavant que dans des films grand public comme Le Professionnel ou Le Magnifique. Et je ne connaissais alors ni le nom de Godard ni sa place dans l’Olympe du cinéma. Un ou deux ans plus tard, Naoum Kleiman ouvre la rétrospective des films de Godard au Musée du cinéma – c’est à ce moment-là que Jean-Luc Godard offrit au musée le système Dolby qui, je crois, apparut pour la première fois à Moscou. Ce n’est qu’alors que je comprends que je suis resté debout dans le froid glacial devant le chef-d’œuvre du Maître, A bout de souffle, sans en entendre la moindre parole. Je l’avais alors vu presque en entier. La neige tombait, et je tapais mes pieds l’un contre l’autre pour éviter qu’ils ne gèlent, sans cesser de regarder les images. C’est donc après un certain temps que, dans le cadre de cette rétrospective, je recroise cette image comme on croise un ami qu’on reconnaît au moindre indice. » Traduit du russe par Joël Chapron.