A noter : Film incomplètement conservé, sonorisé par Taras Bouevski (1995) et Alexeï Aïgui (1997)
Une musique originale a été composée par les musiciens russes Dimitri ARTEMENKO et Vadim SHER. Ils ont eux-mêmes exécuté cette musique lors de différents ciné-concerts en France.
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Dans un immeuble de la rue Troubnaïa cohabitent ouvriers, employé, et nepmen. L’escalier central est un point de rencontre d’où le réalisateur nous fait observer cette cohabitation. Le coiffeur Golikov et son épouse cherchent une femme de ménage non syndiquée. Au même moment arrive en ville Parania Pitounova (appelée Paracha), jeune et naïve paysanne qui ne trouve pas l’oncle qu’elle était venue voir mais perd le canard qu’elle lui avait apporté et le poursuit au risque de se faire écraser par les autobus. Elle retrouve son canard et en même temps son compatriote Byvalov. Celui-ci l’emmène chez lui rue Troubnaïa. Golikov devinant la proie idéale, l’embauche aussitôt et aussitôt l’exploite sans scrupule tant à la maison que dans le salon de coiffure. Mais la déléguée syndicale Fénia veille et syndique Paracha. Un soir elle l’emmène au théâtre de quartier où jouent Byvalov et Golikov lequel remplace un acteur absent. Mais quand Paracha voit que l’acteur Golikov, « tue » l’acteur Buivalov, elle ne résiste pas, se précipite sur la scène et roue Golikov de coups, applaudie par tout un groupe de spectateurs. Paracha comprend bientôt son erreur, mais le coiffeur ne pardonne pas et licencie sur le champ Paracha qui erre toute la nuit sans oser rentrer rue Troubnaïa. Au matin, Fénia la découvre et l’emmène à l’élection du Soviet local. On apprend alors qu’une certaine Parania Pitounova est élue au soviet local comme représentante des femmes de ménage. Aussitôt les habitants de la rue Troubnaïa se mettent en quatre pour laver et décorer l’immeuble. Le coiffeur et son épouse organisent une réception par laquelle ils félicitent Paracha tout en l’écartant de la salle où un buffet convoité attend quelques convives triés sur le volet. C’est alors qu’on apprend que l’élue du soviet n’est qu’une homonyme de Paracha qui est donc aussitôt chassée pour la seconde fois.
« Le film devait servir de propagande en faveur des élections au Soviet de Moscou. Il est aussi difficile de s’en rendre compte aujourd’hui qu’il l’était à la sortie du film en 1928. A l’époque le film du réalisateur Boris Barnet, encore jeune, a été considéré comme peu réussi. Aujourd’hui La maison de la rue Troubnaïa est considérée comme comme l’un des chefs d’oeuvre du maître. Après plus de 70 ans le film n’a rien perdu ni de son charme, ni de sa légèreté, ni de son humour.
Le contenu idéologique du film, malgré les bonnes intentions du scénario apparaît bien faible (...) Au centre de La maison de la rue Troubnaïa, se trouve l’immeuble lui-même avec sa vie excentrique. Avec le coupage du bois à la hache sur le palier et « l’activiste » Fenia qui n’a pas l’air d’être une représentante du pouvoir soviétique. Mais dans chaque immeuble, il doit y avoir une « activiste ». Le patron de Paracha, lui-même ne donne pas du tout l’impression d’être un méchant exploiteur. Au contraire, il inspire quelque pitié quant on le voit avant l’arrivée de Paracha obligé de s’occuper de tout à la maison. L’immeuble lui-même nous est présenté en coupe, autour de l’escalier. Et ce procédé n’apparaît ni artificiel, ni inventé. Il est en harmonie avec les procédes amusants dont le film abonde. Tout le film a l’air d’un jeu sans la moindre allusion idéologique. En abordant le thème de la vie quotidienne, Barnet évite les procédés caractéristiques du cinéma de cette époque, les gros plans, les situations critiques, les détails hypertrophiés et symboliques. C’est chez lui une sorte de néoréalisme de la fin des années vingt. Tandis que d’autres maîtres du cinéma soviétique traitent des masses-héros ou des équipes-héros, Barnet se contente de montrer la vie des Moscovites ordinaires avec un regard à la fois léger attentif et compatissant.
Dans ce film, comme d’ailleurs dans d’autres films de Barnet, il n’y a pas de sentiments exclusifs. Chaque personnage, même ceux qui sont les plus repoussants, sont « à leur façon malheureux », le réalisateur les accepte et les comprend, ce faisant il les rend aussi acceptables et compréhensibles au spectateur . Barnet fait confiance à son spectateur, et c’est vraisemblablement pour cela qu’il ne fait pas appel au pathétique contrairement à ce que font beaucoup de contemporains. Il ne trouve même pas nécessaire de chercher à plaire par des histoires amoureuses triangulaires, auxquelles il n’y a dans le film que de légères allusions. Comme dans beaucoup de ses films les héros sont tellement occupés par des gamineries (comme par exemple l’arrosage au tuyau d’une caméra) qu’il ne leur reste guère de temps pour la vie sentimentale des adultes. Comme s’ils étaient en train s’assimiler un monde nouveau pour eux. Dans ce monde ils cherchent un foyer. Même dans une maison aussi bruyante et mal entretenue que la maison de la rue Troubnaïa. » (Anna Philimonova, Encyclopédie du cinéma « Kirill et Mefodi », traduit par Kinoglaz)