Sergueï PARADJANOV
Сергей ПАРАДЖАНОВ
Sergey PARAJANOV
URSS (Ukraine), 1964, 97mn 
Couleur, fiction
Les Chevaux de feu

Les ombres des ancêtres oubliés

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Тени забытых предков

 

 Shadows of Forgotten Ancestors

 Teni zabytykh predkov

Autres titres : Wild Horses of Fire
 
Réalisation : Sergueï PARADJANOV (Сергей ПАРАДЖАНОВ)
Scénario : Sergueï PARADJANOV (Сергей ПАРАДЖАНОВ), Ivan TCHENDEI (Иван ЧЕНДЕЙ)
D'après la nouvelle de l'écrivain ukrainien Mikhaïl KOTZUBINSKY (Михаила КОЦЮБИНСКОГО) Les Ombres des ancêtres oubliés
 
Interprétation
Nina ALISSOVA (Нина АЛИСОВА) ...Paliychouk
Spartak BAGACHVILI (Спартак БАГАШВИЛИ) ...Yourko
Tatiana BESTAEVA (Татьяна БЕСТАЕВА) ...Palagna
Leonid ENGUIBAROV (Леонид ЕНГИБАРОВ) ...Miko
Aleksandr GAI (Александр ГАЙ) ...Paliychouk
Nikolaï GRINKO (Николай ГРИНЬКО) ...Batag
Larissa KADOTCHNIKOVA (Лариса КАДОЧНИКОВА) ...Marichka
Ivan MIKOLAITCHOUK (Иван МИКОЛАЙЧУК) ...Ivan
 
Images : Youri ILIENKO (Юрий ИЛЬЕНКО)
Décors : Mikhaïl RAKOVSKI (Михаил РАКОВСКИЙ), Gueorgui YAKOUTOVITCH (Георгий ЯКУТОВИЧ)
Musique : Miroslav SKORIK (Мирослав СКОРИК)
Ingénieur du son : Sofia SERGUIENKO (Софья СЕРГИЕНКО)
Production : Studio Dovjenko
Distribution en France : Films sans frontières
Date de sortie en Russie : 18/10/1965
 
Langue ukrainien
Sites : Page Allociné, page IMDb
Date de sortie en France : 1966-03-25, Site

DVD avec sous-titres
Editeur : Ruscico. 2003.
Langues : RU EN
Sous-titres : RU EN FR ES IT DE
Bonus :
Documentaire sur Paradjanov
Editeur : Editions Montparnasse. 2013. Titre : Paradjnov. Coffret

Synopsis
Au siècle dernier dans un village des Carpates deux familles Goutsoules nourrissent une haine irréconciliable, mais leurs enfants Maritchka et Ivan tombent amoureux l’un de l’autre. Devenu homme, Ivan doit partir sur des terres lointaines pour gagner sa vie. Soudain il pressent un drame et rentre précipitamment à la maison, mais il est trop tard Maritchka s’est jetée à la rivière. Longtemps fidèle à la mémoire de sa bien-aimée, il finit par se marier mais son épouse le trompe avec le sorcier qui, jaloux, tue Ivan.
 

Commentaires et bibliographie
10 of Harvard University’s favorite Soviet and Russian films, Alexandra GUZEVA, RUSSIA BEYOND, 2017
Les Chevaux de feu de Sergueî Paradjanov, Olivier BITOUN, dvdclassik.com, 2013
Les Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov, Ciné-club de Caen, 2013
 
Septième adaptation cinématographique du nouvelliste Mykhaïlo Kotsioubynskyi, Les Ombres des ancêtres oubliés est l’œuvre par excellence qui lancera une nouvelle vague dans le cinéma ukrainien, appelée tantôt cinéma poétique ou métaphorique, tantôt pictural, et plus connue sous le vocable École de Kiev. Jusque-là, Paradjanov avait été un réalisateur peu remarqué, engagé par le Studio Alexandre Dovjenko de Kiev. D’abord assistant d’Igor Savtchenko et de Volodymyr Braun, il avait aligné coup sur coup trois documentaires et quatre longs métrages de fiction de commande, lesquels portaient déjà les prémices d’un cinéaste, dont la capacité de création allait croissant avec la génération montante, imprégnée de culture occidentale et à l’écoute de la dissidence.
Paradjanov découvre chez Kotsioubynskyi une sorte de prose rythmée dont il faut, comme pour les peintres, connaître les couleurs parce qu’elles viennent à la rescousse des mots. Choisissant la solution picturale plutôt que la solution littéraire, il va donner libre cours à son interprétation du récit à partir de couleurs qu’il attribue à chacun des chapitres et dont la matière sera rigoureusement respectée : Les Carpathes oubliées de Dieu, Les Alpages, Solitude, Demain le printemps, Le Sorcier, L’Estaminet, La Mort d’Ivan, La Vie quotidienne, Noël, Ivan et Palagna, La Pietà.À première vue, le film impressionne par l’abondance kaléidoscopique des tons, par la symphonie des sons, la complexité technique, le souci du détail et, surtout, par la diversité des rites, les superstitions, l’art des Houtsoules, une ethnie carpathique méconnue, primitive mais raffinée, vivant en étroite communion avec la nature et l’univers de ses ancêtres. Au fil des séquences, une matière filmique semble se dégager dans des cycles de traitement de couleurs indissociables de la dramaturgie. Les références picturales sont choisies à l’origine du projet : Botticelli, Bosch, Bruegel, Goya, Chagall, Caravage, mais aussi les portraits de Houtsoules rencontrés dans les tableaux des peintres ukrainiens Ivan Trouch, Olena Koultchytska, Ossyp Kurylas. Cette débauche de couleurs, de broderies et de costumes chamarrés, est inspirée par le jeune décorateur Heorhiї Yakoutovytch et la costumière Lidia Baїkova. L’image se dissout dans des ocres, des bleus, des rouges, des gris, donnant au film une unité chromatique rythmique et plastique. Le film commence par une gamme de gris-argent soulignant l’âpreté du paysage puis un marché de Noël aux couleurs bariolées avec le premier choc émotionnel et visuel : un filet de sang coulant sur la lentille frontale de l’objectif et se transformant en chevaux rouges galopant (d’où le titre français Les Chevaux de feu) – trouvaille commune du réalisateur, du décorateur et de l’opérateur. Pourtant, il serait trop réducteur de ne voir que des couleurs, des figurants typés dans un contenu ethnographique hypertrophié, car il s’agit bien de la restitution de la culture d’un peuple de tradition orale, sublimée par le délire baroque d’un cinéaste enfin libéré du carcan réaliste socialiste. Le réalisateur se laisse emporter avec toute son équipe dans la matière première du récit en fondant littérature, histoire, ethnologie et métaphysique en une vision cinématographique totale. Et si c’est un Arménien déraciné travaillant en Ukraine qui réalise un film national dans sa forme comme dans son contenu, c’est justement parce que son histoire tend à l’universalité, à l’instar des tragiques grecs et des histoires d’amour légendaires de la littérature occidentale, Roméo et Juliette, Tristan et Iseult.
Le véritable thème du film est celui de la mort en forme de long adieu à la beauté et à la vie qui s’éteint dans un combat inégal avec les forces du mal. Ici, les rites funéraires ont une forte connotation économique et sociale : magie, sorcellerie, démonologie ordonnent la veillée et les levées des corps. Du point de vue anthropologique, le vérisme de la transe collective pendant la mise en bière du corps d’Ivan est un morceau d’anthologie inégalé. Au thème de la mort omniprésent tout au long du récit, s’ajoutent ceux de l’amour, de la fidélité et de la solitude, tenant à la fois du drame shakespearien et de la tragédie racinienne. Si Ivan croque une pomme après l’amour avec Palagna, c’est pour admettre qu’il a trahi le souvenir de Maritchka. Il est condamné à vivre dans un sentiment d’abandon et d’autodestruction. L’univers de Palagna lui demeure étranger, et la fidélité à son amour perdu devient la manifestation la plus accomplie de ses passions, celle qui soustrait à la temporalité et projette vers l’éternel.
Natif de la région où se tourne le film in situ, le jeune premier Ivan Mykolaїtchouk interprète le rôle d’Ivan. Il est l’incarnation même de son homonyme, connaît les us et les coutumes, se signe nonchalamment à la houtsoule, parle le dialecte local. D’emblée son jeu imprime au film un style économe qui ébranle l’archétype de l’acteur soviétique, coincé dans un académisme désuet. Entouré de paysans houtsoules qui interviennent et exigent leur propre vision et la vérité absolue, il a pour partenaires Laryssa Kadotchnikova (Maritchka) et Tetiana Bestaieva (Palagna), toutes deux d’une exceptionnelle beauté. Comparé au comédien russe Vassili Choukchine et au Polonais Zbigniew Cybulski, il devient très vite une star de l’écran et sera lié à plusieurs films à succès.
La conception du film est due tant au réalisateur qui jette les fondements de la mise en scène frontale, avec peu de gros plans et une absence totale de raccords dans l’axe, qu’à son opérateur Youriï Illienko. Cependant, tout deux entrent en conflit. Alors que Paradjanov veut une caméra statique et contemplative, Illienko la rend très mobile. Enivrée par ses propres mouvements, elle vacille de plongée en contre-plongée, avance, recule dans des travellings époustouflants. Souvent portée, elle balaie tout sur son passage, exécutant des filages, des décadrages, des panoramiques à 360°, comme dans la séquence de la veillée funèbre. Au montage, la technique de la caméra coup de poing et les astuces optiques, notamment les images solarisées, donneront raison à Illienko qui applique la théorie de la caméra émotionnelle, marquant le retour au cinéma de poésie qui tend à revaloriser le point de vue visuel et l’impact émotionnel de la couleur contre l’envahissement du bavardage. Ce visuel émotionnel est accompagné par la musique symphonique de Myroslav Skoryk, doublée de plaintes lugubres des trembites, de glas de cloches et de guimbardes de bergers.
Présenté hors concours au Festival de Moscou en juillet 1965, le film reçut un accueil mitigé, pour ne pas dire hostile, et fut démoli par le critique moscovite Mikhaïl Bleiman. Les instances cinématographiques qui souhaitaient voir Paradjanov réintégrer le réalisme socialiste qualifieront cette œuvre d’expression du nationalisme ukrainien. Paradjanov avait notamment refusé de doubler le film en russe, car, selon lui, le doublage aurait été dévoyé, aurait vulgarisé le sens des mots et détourné la force des images. Néanmoins, ce film culte obtiendra un succès international en Occident, notamment en France. Il orientera la production ukrainienne vers un cinéma de qualité à consonance plus nationale qu’auparavant, mais restera un cas isolé dans l’histoire du cinéma ukrainien, accompli par une équipe de cinéastes trentenaires exaltés.
Lubomir Hosejko

Deux enfants s’aiment. Hélas, le père de Marie tue le père d’Ivan. Les jeunes grandissent et leurs sentiments perdurent malgré les familles ennemies qui s’opposent farouchement à cet amour. Alors qu’Ivan est parti en estive, Marie se noie accidentellement. Morte en état de péché puisqu’elle n’a pu se confesser, elle devient roussalka, une ondine condamnée à errer, l’âme en peine. Ivan se résout à épouser Palagna mais Marie le hante. Inconsolable, il se débat, tiraillé entre une morte et une vivante. Découpé en douze chapitres comme autant de mois, le film évoque un cycle de vie et de mort. L’action se passe autrefois chez les Houtzoules, une population montagnarde de Bucovine et Ruthénie, dans les Carpathes. C’est le premier chef-d’œuvre de Sergueï Paradjanov. Le voilà bien le creuset soviétique à son meilleur. Rien de tel qu’un Arménien de Géorgie, formé à Moscou, pour ressusciter un monde ukrainien disparu. On évite ici une reconstitution appliquée où ne manquerait aucune écuelle en bois. Car c’est un film habité où jamais les acteurs n’ont l’air déguisé. Une partie du mérite en revient à la caméra agile de l’opérateur Youri Ilienko, élève du génial Sergueï Ouroussevski (Quand passent les cigognes). Ce travail pousse Ilienko à devenir réalisateur. Encore un talent de Paradjanov, révéler les gens à eux-mêmes. Et vous garderez dans l’oreille le son des cors traditionnels en bois et de la guimbarde. p.s. : Mikhaïl Kotsioubinski est l’auteur d’une nouvelle qui a inspiré le film Le cheval qui pleure (1958) de Marc Donskoï. Françoise Navailh

Sélections dans les festivals ou événements :
- Centenaire de Sergueï Paradjanov (1924-1990), kinoglaz.fr (France), 2024
- Festival du film russe pour une autre Russie (anciennement Festival du film russe Paris et Ile de France), Paris (France), 2024
- Centenaire de Sergueï Paradjanov (1924-1990), kinoglaz.fr (France), 2024
- Festival 'Il Cinema Ritrovato', Bologne (Italie), 2024
- Les films du Dégel : 1953-1968, kinoglaz.fr (France), 2023
- Univerciné à l'Est, Nantes (France), 2023
- Festival international du film de Venise / Mostra Internazionale d'Arte Cinematografica, Venise (Italie), 2023
- Cinéma d'ailleurs, le cinéma russe au Lucernaire, Paris (France), 2021
- Festival Bridges. Bozar. East of West films festival, Bruxelles (Belgique), 2019
- Festival international des films des Etats Membres de la CEI ''Premières de Moscou'', Moscou (Russie), 2019
- Festival international du film "Molodist", Kiev (Ukraine), 2017
- URuSSie. Panorama du cinéma russe d’hier et d’aujourd’hui, Penmarc'h (France), 2016
- Soirées du cinéma russe de Bordeaux, Bordeaux (France), 2016
- Ukraine : un cinéma en quête d'indépendance au Forum des images, Paris (France), 2014
- Cinémathèque de Toulouse : Tarkovski et autres poètes du cinéma soviétique, Toulouse (France), 2014
- Festival International du Film d'Odessa, Odessa (Ukraine), 2013
- Festival ''Cinéma et littérature'', Gatchina (Russie), 2012
- Festival international du film de Sao Paulo (Mostra), Sao Paulo (Brésil), 2011
- Week-end Hommage au cinéma ukrainien, Marseille (France), 2011
- Cinéma russe au Kursaal de Besançon, Besançon (France), 2011
- États généraux du film documentaire, Lussas (France), 2010
- Festival international des films des Etats Membres de la CEI ''Premières de Moscou'', Moscou (Russie), 2010
- Rencontres internationales du cinéma du patrimoine, Vincennes (France), 2009
- Festival du film d'Europe Centrale et Orientale , Wiesbaden (Allemagne), 2008
- Cinéphilies de Grenoble, Grenoble (France), 2008
- Cycle de cinéma russe à l'Arlequin, Paris (France), 2007
- Cycle de cinéma russe à l'Arlequin, Paris (France), 2005
- Festival du cinéma de la CEI, Estonie, Lettonie et Lituanie "Kinoshock", Anapa (Russie), 2005
- Sortie en France en salle du film :, Différentes villes (France), 1966-03-25

Images et vidéos