Une ville de province à l’époque de la NEP. Katia, jeune ouvrière de l’atelier de filature de coton et Andreï vivent au grand jour leur amour, sans souci des ragots provinciaux. Mais Katia tombe enceinte et Andreï refuse d’assumer ses responsabilités de père, qu’il trouve indignes de lui. Ses « copains », paresseux et chahuteurs, le persuadent de contraindre Katia à céder à leurs avances pour lui permettre de nier sa paternité. Katia refuse, écoeurée, mais la rumeur court dans la ville de son indignité et son père la chasse. Elle est soutenue par les komsomols de l’atelier, mais c’est Kirik, le cordonnier sourd-muet, surnommé « le parisien », qui lui rendra son honneur : amoureux de la jeune fille, il prouvera, dans son langage, fait de gestes et de mimiques, l’innocence de la jeune fille. Katia retrouve la confiance des siens et Andreï est exclu du rang des komsomols.
Il faut faire de telle sorte que les masses voient le Cordonnier de Paris. Il faut qu’il soit l’objet de discussions, d’analyses, il faut étudier ces problèmes, les développer, les approfondir. Ce film est magnifique. (…)
Le travail de l’opérateur est presque irréprochable. Les jeunes acteurs jouent admirablement : le portrait du sourd-muet, Kirik, est vraiment remarquable ; on sent tous les personnages comme s’ils vivaient là, à côté de nous. Et tout cela se fond dans la construction audacieuse et significative du réalisateur. La scène du développement de la calomnie est étonnante. La scène de l’interrogatoire de Kirik, de laquelle un autre opérateur aurait pu faire une obscénité totale, est saisissante. Et cela nous donne le droit de dire que ce qu’on dit « risqué », « osé », « dangereux », « douteux », peut se transformer dans les mains d’un véritable artiste, tel le réalisateur communiste Ermler, en armes justement contre cela même.
Deux mains essuient des lunettes. Oui, il faut essuyer les lunettes de beaucoup de gens : il faut savoir la vie. Il faut savoir voir l’être humain dans la vie. Tout ce que nous construisons, c’est pour lui, l’homme de demain, avec tous ses défauts et ses plaies qu’il faut aussi savoir voir, pour les exterminer, les faire disparaître.
A. Bezymenski, Komsomolskaïa Pravda, 24/12/1927 (extrait de Le cinéma russe et soviétique, J-L.Passek, l’Equerre, Centre Georges Pompidou, 1981)