Le colonel de la Garde Stepan Kassatski, exige sur son lit de mort que son fils fasse une carrière militaire. A 18 ans le jeune homme sort officier de l'Académie militaire et entre dans le corps prestigieux de la garde. Dominé par l'ambition, il fait la cour à la comtesse Korotkova, suivante de la tsarine. Ce n'est que quinze jours avant la date prévue de leur mariage que le prince apprend de sa fiancée qu'elle a été la maîtresse du tsar. Le prince renonce au mariage et entre au couvent où, trois ans plus tard, il est ordonné moine sous le nom de Serge. Toujours dévoré par l'ambition, il se retire dans le couvent de Tambino pour y vivre une vie d'ermite. Quelques années plus tard, il reçoit la belle et excentrique Makovkina. Pour ne pas succomber à la tentation il se coupe un doigt. La renommée du Père Serge se répand dans le peuple et sa cellule devient un lieu de pèlerinage. Un marchand lui amène sa fille neurasthénique qui essaie de le séduire. Bouleversé le Père Serge quitte le couvent et, vêtu en paysan, part mendier de village en village. Arrêté par la police et considéré comme vagabond il est déporté en Sibérie.
Opinion de Nikolaï Lebedev dans Histoire du cinéma muet soviétique (1947)
(citée dans Le cinéma russe et soviétique, Centre Georges Pompidou) :
"Le Père Serge, tourné un an après La Dame de Pique (1916), mais projeté seulement après la Révolution fut encore plus réussi et il est considéré comme le meilleur film du cinéma prérévolutionnaire. Le film était, dans l'ensemble, assez fidèle au récit de Tolstoï, qui raconte la vie du prince Kzatski, nature orgueilleuse et inquiète. Mozjoukhine qui jouait le rôle du père Serge, avait réussi à rendre, d'une manière nettement réaliste, les multiples modifications psychologiques et sociales du héros, depuis le brillant jeune homme de la haute société, jusqu'au vieillard déchu. L'époque historique, les costumes dans lesquels se déroule l'action, étaient bien recréés : c'est l'époque qui va des années trente à la fin du XIX ème siècle, depuis le bal aristocratique à la cour de Nicolas Ier jusqu'à la rixe dans une auberge au bord de la route. Tout cela faisait du Père Serge une œuvre importante dans le style réaliste. Dix ans plus tard, les spectateurs voyaient toujours volontiers ce film, et, même s'il paraissait un peu vieilli, il était toujours capable d'éveiller un plaisir esthétique. Le réalisme de Protazanov était un réalisme psychologique puisque au centre de son attention étaient l'homme et sa vie intérieure. Mais le côté conventionnel du cinéma muet en général, et en particulier celui de l'interprétation des acteurs de théâtre avec lesquels Protazanov travaillait le plus, limitait ce réalisme et soulignait la différence entre l'écran et la réalité.
Dans les films de Protazanov, la vie est embellie, rendue plus romanesque, «théâtralisée». Son réalisme ressemble au réalisme «théâtralisé» du Petit Théâtre de la période de Lenski Loujine. Et ce réalisme conventionnel peut aussi être défini comme étant «psychologico-théâtral».
Mais quelque limitées qu'aient été les tendances réalistes de Protozanov, elles se rapprochent plus que chez tout autre artiste du cinéma russe prérévolutionnaire, de l'art vraiment cinématographique. Ces tendances réalistes en faisaient le meilleur réalisateur de son époque et quelques années plus tard une place d'honneur lui était donnée parmi les pionniers de l'art cinématographique soviétique.