Ukraine, 1918. La misère règne aussi bien à la campagne qu’en ville. Le pouvoir est aux mains d’un gouvernement provisoire qui défend les intérêts de la bourgeoisie. Timoch, récemment rentré du front, travaille dans l’usine Arsenal de Kiev et s’inscrit au parti bolchevik. Il dénonce au Congrès panukrainien la politique du gouvernement. L’usine Arsenal devient le centre de l’organisation armée des ouvriers révolutionnaires de Kiev. C’est l’insurrection. Les ouvriers défendent héroïquement leur usine contre les cosaques au service du pouvoir. Le combat est inégal, et bientôt les ouvriers n’ont plus de munitions, ils sont sauvagement massacrés. Timoch est encerclé par les contre révolutionnaires ; dans une scène devenue mondialement célèbre, il ouvre sa chemise et tend sa poitrine nue aux ennemis. Mais, comme si il était invincible, les balles ne l’atteignent pas.
Commentaire du réalisateur : Arsenal tient une grande place dans mon activité de cinéaste. J’ai écrit moi-même le scénario de ce film en deux semaines et je l’ai réalisé en six mois. Arsenal a un caractère politique nettement accusé. J’y ai fait œuvre, en premier lieu, de militant politique. Je m’étais tracé un double but : combattre le nationalisme et le chauvinisme réactionnaires ukrainien et chanter et glorifier la classe ouvrière ukrainienne qui avait accompli la révolution socialiste. Dans les circonstances et les conditions du moment, je considérais ces tâches comme les plus importantes pour moi. Incapable encore, pendant cette période, d’étayer théoriquement mes recherches formelles, j’agissais souvent comme le fait le combattant en pleine bataille, sans me soucier si les coups que j’assénais étaient ou non conformes aux règles. Si l’on m’avait alors demandé comment je travaillais, et ce que je pensais, j’aurais pu répondre, comme Courbet l’avait fait à une dame qui lui avait demandé à quoi il pensait quand il peignait un tableau : « Madame, je ne pense pas, je suis en proie à l’émotion ». Cette émotion pénètre aussi toutes mes œuvres. Elle est suscitée par l’élan invincible de la révolution et de ses grandes forces créatrices.
Autre commentaire :
"Le plus grand mérite de Dovjenko comme scénariste et comme metteur en scène est qu’il a su lier de façon organique la forme et le contenu. Le sujet a trouvé un style et une forme admirables à l’écran. L’originalité des procédés esthétiques pour la présentation du matériel utilisé est littéralement inépuisable.
Il suffit de se souvenir des images de la première partie. Pas de dynamique extérieure : les portraits figés de la mère, du moujik, dans leur mobilité, passent devant nous en quelques secondes et nous rappellent plutôt des photographies faites avec une grande maîtrise. Mais en même temps, elles sont pleinement justifiées du point de vue cinématographique. Quelle maîtrise étonnante dans la science de la disposition des lumières, de la caractérisation des personnages, du montage, des angles de prise de vues! Dovjenko prive ces images de toute dynamique (...) il n’y a plus de mouvement, seule la photographie reste, et en même temps, par les procédés cités plus haut, il les transforme en une œuvre authentiquement artistique et cinématographique. Il y a là de quoi apprendre. Cependant, il y a un « mais » sur lequel il faut porter son attention. Ce film a été fait pour des spectateurs qualifiés. Si les spectateurs veulent totalement comprendre Arsenal, il leur faut une culture et une préparation. (…) Dovjenko, séduit par la forme, la complique tant quelquefois, qu’elle se détache presque du contenu." Henri Barbusse, 1929