Bonus : Interview de Pavel Loungine par Marc Iskenderian dans le magazine Quoi de Novo ?, diffusé sur Orange cinéma séries
Synopsis
1565. Ivan le Terrible, tsar de Russie, subit une défaite dans la longue
guerre qui l'oppose à la Pologne. Il ne voit autour de lui que trahison.
Pour lutter contre les traîtres, il crée une garde personnelle, "les Chiens
du tsar", dont le signe de reconnaissance est une tête de chien accrochée à
leur selle. "Les Chiens du tsar" plongent la Russie dans un bain de sang.
Effaré, le métropolite - le chef de l'Eglise russe - se réfugie dans un
monastère. Ivan le Terrible croit y voir le signe que le Jugement dernier
approche. Il envoie alors chercher Filipp, son ami d'enfance, supérieur du
monastère des îles Solovki, qui devient le nouveau métropolite. Ce dernier,
en tentant de sauver les innocents qui périssent à cause de la cruauté du
tsar, s¹oppose de plus en plus au pouvoir jusqu'à devenir lui-même victime
de la folie d'Ivan.
Note historique extraite du dossier de presse du film :
LE TSAR IVAN IV VASSILIEVITCH DIT “IVAN LE TERRIBLE”
GRAND-PRINCE (1533), PUIS TSAR (1547-1584) DE RUSSIE.
Ivan IV, dit “le Terrible”, n’a pas usurpé sa légende noire, mais le premier des tsars fut cependant le père de la Russie moderne et du nationalisme russe.
Né le 25 août 1530, Ivan IV n’a que 3 ans lorsqu’il succède à son père, le grand-prince de Moscou Vassili III. Dès l’âge de 16 ans, Ivan entreprend de restaurer le pouvoir monarchique en Moscovie : il se fait proclamer “tsar - c’est-à-dire nouveau César - et grand-prince de toute la Russie”, puis sacrer par le métropolite de Moscou, chef de l’Église orthodoxe russe.
Homme instruit, Ivan IV désire hisser la Russie au niveau de l’Occident, alors en pleine Renaissance. Il inaugure son règne par une série de réformes : il publie un nouveau Code, remanie l’administration locale, afin d’en éliminer la corruption, et réorganise l’Église orthodoxe.
Fort de son armée permanente, Ivan IV veut sortir son royaume de son isolement et éloigner les ennemis qui le menacent. Ses victoires éclatantes forgent la légende d’un tsar conquérant, chrétien triomphant dans sa croisade contre les infidèles. Moscou, devenue la capitale d’une nation victorieuse, s’agrandit.
Sur la place Rouge, Ivan IV fait édifier la cathédrale Basile-le-Bienheureux et ériger des enceintes fortifiées pour protéger les quartiers qui se sont formés autour du Kremlin, construit sous le règne de son grand-père Ivan III. À l’intérieur du royaume, l’opposition des boyards à Ivan IV fait basculer ce dernier dans une tyrannie qui n’épargne ni ses proches ni ses conseillers.
Exerçant un pouvoir sans limites, le tsar crée un nouveau territoire, l’Opritchnina, en accaparant les terres les plus riches où il installe des hommes à sa solde. Surtout, il institue l’opritchniki, une administration spéciale chargée de la sécurité intérieure ; dotée de pouvoirs d’exception, elle sera l’instrument au seul service de celui qui est désormais Ivan le Terrible.
Ivan IV a 53 ans lorsqu’il meurt, le 18 mars 1584.
Entretien avec Pavel Lounguine (extrait du dossier de presse du film) :
Que représente dans l’Histoire russe le tsar Ivan IV Vassiliévitch dit “Ivan le Terrible” ?
Le règne d’Ivan Le Terrible a eu un impact très fort sur la Russie. Il était le premier à porter le titre de tsar et a eu une grande influence sur la conception du pourvoir tsariste et du pouvoir en général. Le pouvoir en Russie est considéré comme de droit divin et exige l’adoration. Il représente Dieu sur terre, tout homme qui ne l’adore pas doit être puni. Si le pouvoir exercé n’est pas absolu, il n’existe pas.
Comment s’inscrit un personnage aussi violent et destructeur que ce tsar dans la littérature et la culture russe ?
Très peu d’écrits existent sur Ivan Le Terrible, le sujet paraît tabou. Le portrait le plus intéressant de ce dernier est le film d’Eisenstein, sans oublier qu’il s’agissait d’une commande de Staline, qui recherchait le même culte de la personnalité et exerçait le même pouvoir absolu. Mais l’oeuvre réalisée par Eisenstein est une oeuvre complexe qui ne pouvait donc plaire au commanditaire. Ce fut d’ailleurs son dernier film, il ne fut plus autorisé à tourner et mourut l’année suivante. La nature même de l’Orthodoxie russe est toujours à la fois religieuse et politique dans ce film, l’affrontement entre le tsar et le métropolite est très violent.
Est-ce qu’aujourd’hui, il existe toujours cette opposition entre le politique et le religieux ?
L’Orthodoxie, en Russie, balance toujours entre la religion et la politique. On peut considérer que deux mondes s’affrontent et en même temps deux Dieux, deux morales et en cela, le film est très contemporain.
Aujourd’hui, existe-t-il toujours cette opposition entre le fanatisme et la sainteté ?
En effet, ce dédoublement est la plus grande singularité de la vie politique et culturelle en Russie, et c’est pour cette raison que la Russie reste tellement difficile à appréhender pour les occidentaux. Ivan IV s’incarne à la fois dans la puissance du roi et dans la faiblesse de l’humain. Il ne justifie pas toujours ses agissements en tant qu’homme mais toujours en tant que tsar. Selon lui, le fait d’accepter qu’il peut se tromper en tant qu’homme prouve qu’il est un bon souverain : il institue ainsi une double figure divine, celle du pouvoir incarnée par le mal et celle de l’homme simple incarnée par le bien
Revenons à la mise en scène. Le film est enfiévré, puissant et en même temps, vous ne quittez jamais vos personnages. Est-ce pour cela que vous avez choisi Tom Stern, directeur de la photographie et collaborateur de Clint Eastwood ?
Je suis un grand admirateur des films de Clint Eastwood, et je me console de constater que plus il vieillit, meilleur il devient... Le chef opérateur Tom Stern a toujours su éclairer ses films avec profondeur et sobriété en créant une lumière à la Rembrandt. J’avais un peu peur de réaliser un film costumé, ridicule et j’ai donc pensé que Tom Stern lui donnerait une grande authenticité. Son travail a permis une fusion entre l’artistique et le documentaire qui m’a beaucoup aidée.
Est-ce rare de faire des films de ce niveau budgétaire en Russie (décors, costumes, scènes spectaculaires...) ?
Les films d’un tel budget sont évidement rares en Russie. Avec 15 millions de dollars pour TSAR, nous avons ainsi eu les moyens de créer des décors et des costumes magnifiques. Je ne voulais pas d’un spectacle numérique, mais authentique, et j’ai tenté de recréer la Russie telle qu’elle était au XVIème siècle. Contrairement à Eisenstein, votre vision d’Ivan le Terrible est moins manichéenne et plus trouble. Il est à la fois un tyran et en même temps un homme religieux.
Comment vous situez-vous par rapport à la fresque d’Eisenstein ?
L’oeuvre réalisée par Eisenstein, magistrale, est une biographie entière de sa vie, une saga, mais qui ne traite pas de la dimension psychologique du tsar. Dans mon film, je m’intéresse plus particulièrement à deux années de la vie d’Ivan le Terrible, à ses rapports avec le métropolite Philippe. J’ai voulu mettre en avant le dédoublement de sa personnalité, oscillant entre sincérité et cruauté. Ivan IV est un homme intelligent, certainement le plus lettré de son temps, à la fois écrivain et poète, il compose aussi de la musique mais rien n’est pire qu’un artiste au pouvoir. C’était aussi un monstre, qui a empêché la Russie d’évoluer vers la Renaissance en la maintenant dans le Moyen Age, et d’une certaine manière, nous y sommes toujours aujourd’hui. Depuis que le monde est monde, les hommes meurent pour leurs idéaux mais lorsque l’on est un prêtre, le sacrifice rapproche de Dieu.
Est-il donc inéluctable encore aujourd’hui de mourir pour le triomphe de la vérité ?
Mourir pour la vérité ? Je suis toujours en vie ! Il ne faut pas oublier que certains se sont sacrifiés de leur propre gré. Le métropolite Philippe est un héros, il se sacrifie délibérément pour sauver des vies. Il est avec nous, il est là !
Doit-on voir dans ce film une métaphore de la Russie d’aujourd’hui ? Peut-on penser que la manière dont Ivan le Terrible met à feu la Russie tout en lui rendant sa dignité n’est pas proche du monde d’aujourd’hui et des tyrans qui gouvernent ?
C’est une métaphore de la Russie tout court. La différence aujourd’hui est que l’exercice du pouvoir ne découle d’aucune idéologie : la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cependant, Tsar rappelle la période stalinienne, il n’y avait alors pas de stratégie de survie possible et on pouvait disparaître sans raison. Aujourd’hui, la situation reste difficile mais le mode d’emploi est clair : respecter les règles permet de conserver la liberté, mais il y aura toujours les règles du pouvoir et celles du peuple. Piotr Mamonov, qui joue le rôle du tsar interprétait le moine au lourd secret dans l’Île. Est-il celui qui incarne le mieux la transcendance que semble exhaler vos deux derniers films ? C’est lors du tournage de l’Île, en observant Piotr Mamonov, que l’idée du film m’est soudainement venue, j’ai vu en lui Ivan le Terrible. Dans la vie, c’est un homme modéré et bienveillant mais il porte en lui les facultés d’âme du tsar. C’est un acteur prodigieux qui vous donne la possibilité de visualiser Ivan le Terrible en chair et en os. En face, Oleg Iankovski, qui interprète le métropolite Philippe, est un acteur vénéré en Russie. Ce duo est captivant : Piotr Mamonov, ne joue pas, il incarne naturellement son personnage et à l’opposé, Oleg Iankovski est un immense comédien du théâtre et du cinéma.