La Russie au XIIIe siècle. Le prince Alexandre, guerrier qui doit son nom, Nevski, à ses exploits sur la Neva, vit retiré sur ses terres. La Russie est encore sous le joug mongol : des Tartares saccagent le pays. Cependant, un ennemi plus dangereux encore attaque à l’ouest : ce sont les chevaliers teutoniques. Pskov vient de tomber. Les Russes sont brûlés vifs et Novgorod, où des traîtres se sont infiltrés pour persuader les Russes de capituler est menacée. Les Norvégiens décident de faire appel à Alexandre. Il prend les pleins pouvoirs, lève ses paysans, rassemble ses troupes d’élite. L’armée teutonne progresse et a pris en embuscade une avant-garde russe. Alexandre décide de livrer bataille sur le lac gelé de Tchoudsk : le régiment de tête recevra l’attaque des chevaliers teutoniques, et son armée d’élite se rabattra sur les flancs de l’ennemi au plus fort du combat. La bataille dure une journée entière, mais la glace cède sous le poids de la lourde cavalerie allemande : les Russes sont victorieux. De retour à Novgorod, les deux soldats les plus vaillants trouvent chacun une épouse fidèle. Alexandre donne le signal des réjouissances populaires, châtie les traîtres et proclame l’inviolabilité de la terre russe.
Alexandre Nevski est l’emblème du cinéma épique soviétique : à travers l’hymne célébré à la gloire du peuple russe, et à son héros Alexandre Nevski (1220-1263), légendaire défenseur de la patrie, Sergueï Eisenstein célèbre la grandeur du peuple soviétique en 1938, au moment où menace l’invasion nazie. L’anéantissement des chevaliers teutoniques a pris une dimension prophétique et la bataille sur le lac de Tchoudsk est apparue comme une prémonition de Stalingrad.
Sur le plan esthétique, les recherches de Sergueï Eisenstein semblent trouver leur aboutissement. Georges Sadoul, dans son Histoire du cinéma mondial écrit : « Ses efforts tendaient à créer un genre nouveau, comparable à ce qu’est, au théâtre, le grand opéra alliant le récit, la musique, le chant, la figuration, les acteurs, les décors, la machinerie, bref, tous les moyens scéniques portés à leur paroxysme, pour un spectacle somptueux, noble et solennel ».
Le dynamisme des scènes de bataille fut obtenu par des effets d’accéléré absolument inédits. La partition de Prokofiev contribua de manière importante à la splendeur de la mise en scène. (Elle fut ensuite réinstrumentée sous forme de cantate). (op.cit.) Le compositeur l’écrivit spécialement pour le film et elle est parfaitement adaptée aux images. Sergueï Eisenstein a accompli ici les recherches sur le contrepoint qu’il poursuivait depuis le début de sa carrière. Georges Sadoul note : « Un montage minutieux, des cadrages recherchés s’allièrent en contrepoint audio-visuel avec la remarquable partition de Prokofiev. Cette œuvre splendide fut une sorte de symphonie en blanc majeur » (op.cit.).
Bardèche et Brasillach dans leur Histoire du cinéma saluent avec emphase la splendeur épique du film : « c’est l’Asie inventant l’Iliade ; Et il n’y a rien de plus beau en effet dans Homère, que cette bataille inhumaine, solennelle, ancestrale, où les Chevaliers Teutoniques, casqués comme des êtres d’un autre monde, s’avancent dans une nappe de silence, d’où la musique se dégage peu à peu, et s’enfle comme l’âme même du combat… »
On sait par ailleurs que Sergueï Eisenstein a disposé d’immenses moyens : ainsi la très longue scène du combat sur le lac gelé (37 minutes) exigea des recherches techniques exceptionnelles : elle fut tournée en plein été, avec de la glace artificielle, dans les environs de Moscou.