Prix et récompenses : Premier prix au Festival de l'Union soviétique, 1984
A noter : Au Festival de Cannes 2014, présentation par le Centre National du Film Géorgien de la version restaurée effectuée par le Gosfilmfond de Russie.
Editeur : Soundmedia. 2017. Titre : Les Montagnes bleues, ou une histoire invraisembla
Synopsis
Un jeune romancier hante la maison d’édition dans laquelle il espère faire publier son roman Les montagnes bleues. Plein d’une juvénile ardeur, il distribue son manuscrit à tout le personnel du comité de lecture : il reçoit un accueil favorable, tous s’empruntent le manuscrit, dont le nombre d’exemplaires est insuffisant, pour le lire le soir même. Mais constamment entravés dans leur « méditation littéraire » par les multiples problèmes matériels qui retardent leur travail, les employés ne lisent rien et recréent dans leurs bureaux un univers rassurant où leurs petites occupations personnelles envahissent le temps du travail. Le directeur général fait face à tous les problèmes, d’intendance, d’édition et de repas d’affaires avec un imperturbable sang-froid, et une inefficacité qui semble justifier l’incompétence générale. Le jeune écrivain erre toujours dans les couloirs, en quête d’un avis sur son œuvre, que personne n’a lue, que tous ont perdue, et d’une décision du comité de lecture qui, enfin réuni, ne parvient qu’à approuver le titre, et s’en remet, pour le contenu, à une improbable instance supérieure. La situation matérielle s’aggrave, l’immeuble, dont les murs sont attaqués à la fois par le terrain de motoball voisin qui les ébranle, et par la construction d’un métro qui ruine leurs fondations, s’effondre au moment où un cortège d’invités de marque vient boire et danser avec l’élite intellectuelle du pays ! Tous se sauvent sous les gravats, éperdus, mais liés enfin par une solidarité, que le seul instinct de conservation mobilise…
"Eldar Chenguelaïa, (...), s'ébroue dans la satire avec Les montagnes bleues (...) Rosserie et humour font bon ménage dans cette percutante mise en cause de l'inertie bureaucratique. "
Marcel Martin, Le cinéma soviétique de Khrouchtchev à Gorbatchevev , L'Age d'homme, 1993.
Commentaire de kinoglaz :
Le titre déconcertant du film Les montagnes bleues qui annonce la poésie des crêtes et l’élégie pastorale ne nous donne en vérité à voir que le désordre et la poussière des bureaux d’une maison d’édition en déroute. Le burlesque ne s’installe que progressivement dans le film, puis s’accélère pour sombrer dans la farce pathétique du « sauve-qui-peut » engendré par la catastrophe finale. Le titre banal du roman que l’écrivain veut faire publier, trouve dès le début, un écho métaphorique et ironique, dans le tableau suspendu, comme une épée de Damoclès, au-dessus de la tête du bureaucrate. La croûte, censée représenter la beauté des paysages romantiques, se charge peu à peu de la fureur de l’employé « rond-de-cuir », de la peur de l’imprévu et du danger du destin. Son pouvoir menaçant est démultiplié encore par le nombre de formulaires à remplir, de signatures à obtenir, de précautions à prendre pour s’en délivrer sans l’insulter. Emblème de l’imprévisible et du destin inéluctable , le tableau du « Groënland » indique l’échec absurde et pathétique des rêves du poète, livrés à la veulerie de la bureaucratie éditoriale. Ce titre constitue aussi une métonymie ironique : le directeur de la maison d’édition investit l’auteur des Montagnes bleues d’une mission de confiance imposée par l’urgence de la situation. A défaut d’être honoré en tant qu’écrivain, ce dont personne ne se soucie, l’auteur est « élevé », pourvu d’un formulaire administratif en bonne et due forme, à la fonction d’explorateur des sous-sols. Un deuxième personnage qui se dit « arpenteur des mines » hante lui aussi la maison d’édition : étranger au personnel et inconnu de tous, il joue le rôle d’oiseau de mauvais augure : il attire l’attention sur les fissures des plafonds, il répare les pannes d’ascenseur, il annonce avec douceur et ténacité la catastrophe. Dans cette débâcle, la vie quotidienne ne perd jamais ses droits : elle est rythmée, imperturbablement, par une musique grinçante et têtue, que justifie le leitmotiv du tramway, qui amène au bureau le matin et remmène le soir des employés condamnés à une existence absurde.