Une ville introuvable sur les cartes… Des maisons de style soviétique laissées à
l’abandon, des appartements au papier peint flétri, des routes délabrées et des
voitures dont on se demande comment elles avancent encore. Si quelqu’un s’y
trouve, c’est par hasard, ou au mieux, de passage. Tout autour, des espaces infinis,
où on peut crier dans le vide sans que jamais personne n’entende. C’est ainsi
qu’apparaît la province russe dans les films présentés au festival « Regards de
Russie » cette année.
La «fuite vers la province» est non seulement le leitmotiv de la Semaine, mais aussi du cinéma
russe récent. A la différence des films de la décennie écoulée, qui s’est consacrée aux « deux
capitales », la nouvelle vague russe se recentre sur la réalité de la province profonde, une réalité
sombre et un quotidien qui semblent difficilement « conciliables » avec la vie.
C’est dans une de ces contrées que voyage Iégor, le héros du film La trêve, réalisé par la
cinéaste moscovite Svetlana Proskourina. Iégor travaille comme chauffeur dans une petite ville
que les cartes semblent avoir oubliée. Là-bas l’on est littéralement « soûlé », à tout moment l’on
peut être dévalisé ou assassiné. D’ailleurs pas seulement par des bandits, mais même par la
police ou par ses proches. Là-bas on ne peut pas aller à la banque sans fusil, mais peu importe,
dans ce dangereux monde de fables se passent des choses qui n’ont pas d’explication
raisonnable. Ainsi, après une tentative infructueuse de voler les câbles d’une ligne à haute
tension, Iégor arrive véritablement à revenir du monde de morts.
La trêve de Svetlana Proskourina, devenue la lauréate du Grand prix du Festival du cinéma russe
« Kinotavr » en 2010, n’est pas le seul film où l’action se déroule à des centaines de verstes de
Moscou ou Saint-Pétersbourg. Larissa Sadilova elle-aussi passe au crible le quotidien de la
province russe avec son film Fiston, l’histoire des relations entre un père et son fils en pleine
adolescence. Pour se rapprocher au plus près de la réalité, la réalisatrice a distribué les rôles
principaux aux habitants de la ville de Troubtchevsk, à la frontière ukrainienne, où s’est déroulé
le tournage.
Le film présenté en ouverture de l’édition 2010 de « Regards de Russie », Le dernier voyage de
Tania se dédie aussi à ce thème. Le nouveau long-métrage d’Alekseï Fedorchenko a déjà reçu
plusieurs prix au Festival international de Venise, dont celui de la meilleure photographie. Dans
son film, la campagne russe est loin des lumières attirantes de la ville, mais ses habitants
conviennent parfaitement au rôle de l’homme « simple » qui suit ses sentiments et s’efforce de
se retrouver dans un monde en perpétuel changement.