La bibliographie qu’on lira ci-dessous doit beaucoup au livre Sergueï Paradjanov de Patrick Cazals publié en 1993 par Les Cahiers du cinéma.
Sarkis Paradjanov, (devenu ensuite Sergueï Paradjanov) est né le 9 janvier 1924 à Tbilissi, en Géorgie, de parents arméniens. Ses ancêtres portaient le nom de Paradjanian. C’est son grand-père qui, pour obtenir le titre de marchand de la deuxième guilde, avait russifié son nom.
Le père de Sergueï, après avoir été officier cadet dans l'armée du tsar, est devenu commerçant après la Révolution. Il achetait et revendait divers objets d’occasion, objets d’art ou antiquités. La mère de Paradjanov était actrice et d’une très grande beauté. Il avait deux sœurs plus âgées que lui.
Très jeune, Serguei étudie le chant et le violon, il suit également des cours de peinture, de danse et d'art dramatique. Pendant la guerre il joue avec une troupe de théâtre ambulante dans les hôpitaux pour les soldats blessés.
Suivant les recommandations de son professeur d’art dramatique Chota Atchkabadzé, Paradjanov entre, en 1945, au VGIK (l'Institut d'études cinématographiques de Moscou) alors qu'il avait entrepris des études à la faculté du bâtiment de l'Institut des transports ferroviaires... Au VGIK, ses maîtres seront Igor Savtchenko, Alexandre Dovjenko et Mikhaïl Romm. Il sort diplômé du VGIK en 1951.
Au cours de l'été 1947, il est arrêté avec d'autres étudiants, est accusé d’homosexualité et fait un premier séjour en prison jusqu’au début de l’année 1948. Savtchenko l'engage alors comme assistant pour Le Troisième Coup et lui délègue pour ce film la réalisation d'une séquence de dix minutes. En 1951, il lui confie un second assistanat sur son film Tarass Chevtchenko. Paradjanov réalise à nouveau plusieurs scènes et sera chargé de terminer le film après la mort du réalisateur.
Premier mariage à Moscou avec une étudiante tatare. Par représailles, la jeune fille sera tuée par sa propre famille.
Entré en 1951 aux studios Dovjenko de Kiev, où il travaillera jusqu’en 1962, il devient d’abord l'assistant de Vladimir Braun pour Maksimka puis co-réalise avec Iakov Bazelian son premier court-métrage, Andriech, sous-titré conte Moldave, qui lui permet d'obtenir cette même année son diplôme de fin d'études du VGIK, signé par Dovjenko. En 1954, il en co-réalise (toujours avec Iakov Bazelian) une version longue (63 minutes).
Il tourne, en langue ukrainienne, plusieurs courts métrages sur les arts ukrainiens, et des longs métrages de commande : Le Premier gars (1958) évoque la jeunesse campagnarde, Rhapsodie ukrainienne (1961) raconte la métamorphose d’une simple paysanne ukrainienne en cantatrice de réputation mondiale, Une fleur sur la pierre (1962) décrit la vie d’une petite cité minière et dénonce l'influence néfaste des sectes sur les mineurs du Donbass.
En novembre 1955 Parajanov se marie pour la deuxième fois avec la très jolie fille d’un diplomate ukrainien Svetlana Chtcherbatiouk, qui a ce moment n’a que 17 ans. Leur fils Souren est né le 10 novembre 1958. Il deviendra architecte. Les époux divorceront en 1964.
Pour célébrer le centenaire de la naissance de l'écrivain ukrainien Mikhaïl Kotsioubinski (1864-1910), les studios A. Dovjenko de Kiev confient à Paradjanov l'adaptation d'une nouvelle de cet auteur, publiée l'année de sa mort : Les Ombres des ancêtres oubliés. Le film est tourné au village de Jabie (rebaptisé Verkovina) dans les Carpates orientales avec l'étroite collaboration de la population goutzoul. Le film est remarqué pour la qualité exceptionnelle de la couleur et plus généralement de l’image due au jeune chef opérateur Youri Ilienko, influencé par Sergueï Ouroussevski. L’histoire fait renaître Roméo et Juliette dans le milieu paysan du début du siècle, violent et superstitieux.
Les Ombres des ancêtres oubliés font connaître le cinéaste auprès de la critique internationale. Mais à Moscou le film, sorti en juillet 1965, reçoit un accueil mitigé et ne bénéficiera pas d’une large distribution. Le film sort en France en mars 1966, sous le titre Les Chevaux de feu, dans une version ramenée à quatre-vingt-quinze minutes. La version originale du film durait cent dix minutes.
Le 4 août 1965, soir de la première à Kiev des Ombres des ancêtres oubliés, Paradjanov prend publiquement parti, aux côtés d'Ivan Dziouba, contre les arrestations abusives et incarcérations d'intellectuels ukrainiens. En octobre 1965, il réaffirme les mêmes positions.
Pour célébrer Kiev, les studios A. Dovjenko proposent à Paradjanov, soutenu par le premier secrétaire de la République d'Ukraine P. Chelest, de réaliser une évocation poétique de la naissance et du destin de la cité, Fresques de Kiev. Le tournage débute au cours de l'hiver 65-66 mais est très vite interrompu, jugé « trop personnel et refusant la vérité objective ». Seules deux bobines seront impressionnées, aussitôt saisies par la direction des studios. Plusieurs années plus tard, Paradjanov réalisera un court métrage de même titre.
Au cours de l’été 1967, il tourne pour les studios documentaires d'Armenfilm un court essai cinématographique de neuf minutes en hommage au peintre portraitiste de Tiflis : Hagop Hovnatanian (1806-1881).
En avril 1968, Paradjanov signe une pétition, adressée à la troïka Brejnev-Kossyguine-Podgorny, pour protester contre l'arrestation du journaliste ukrainien Viatcheslav Tchernovil et plus largement la répression dont sont victimes les intellectuels en Union Soviétique..
En 1969, Paradjanov est invité par les studios arméniens à réaliser un film pour le bicentenaire de la naissance du grand poète arménien Haroutioum Saïadian, connu sous le nom de Sayat Nova qui donnera son titre au film. Cependant, les autorités reçoivent mal l’œuvre, non conforme au réalisme socialiste, suspecte aussi de nationalisme et d’idéalisme spirituel. Paradjanov accepte alors, avec l’aide de Youtkévitch, de remanier le film pour lui donner « un aspect logique et rationnel ». La nouvelle version sortira sous le titre Couleur de la grenade en 1971.
Au cours de ces années Paradjanov présentera plusieurs projets qui seront refusés ou différés. Citons Intermezzo, adaptation d'une nouvelle de Mikhail Kotsioubinski, La Fontaine de Bakhtchisaraï (adapté de Pouchkine), Le Démon (adapté de Lermontov), Ispovied (confessions autobiographiques), Le Dit du régiment d'Igor...
A la mi-novembre 1973, au cours du procès de l'historien ukrainien Valentin Moroz, Paradjanov refuse de charger l'écrivain lors de sa déposition. Le 17 décembre 1973, au retour d'un bref voyage à Moscou, Paradjanov est interpellé puis emprisonné dans la capitale de l'Ukraine.
A partir de janvier 1974 se constitue un comité de défense auquel participent de nombreuses personnalités du monde entier. Après six mois de prison préventive, il est condamné le 25 avril 1974 à cinq ans de privation de liberté. Envoyé d'abord dans un premier camp dit « de travail et de redressement », Paradjanov est ensuite interné dans un second camp « à régime sévère », à Dniepropetrovsk, en Ukraine.
Le 9 mai 1975, à l'occasion du trentième anniversaire de la victoire, une importante amnistie est proclamée en URSS. Paradjanov ne peut en bénéficier, l'attestation de bonne conduite nécessaire ne lui ayant pas été délivrée par le chef de camp. Il ne sera libéré que le 30 décembre 1977.
De 1978 à 1982 Paradjanov survit en vendant des objets personnels et grâce à l'aide de ses voisins et amis. Il ne tourne qu’un court-métrage, Le Signe du temps (1979).
Le 11 février 1982, Paradjanov est arrêté à Tbilissi, après perquisition à son domicile. Il est accusé par le KGB d'avoir versé des pots de vin à un fonctionnaire pour favoriser l'entrée de l'un de ses neveux à l'université. Détenu à Vorochilovgrad, il est finalement libéré en novembre 1982, l'instruction l'ayant innocenté.
En 1983 le premier secrétaire du Parti Communiste de Géorgie, Edouard Chevardnadzé, soutient le projet de film Le Repentir de Tenguiz Abouladze, et obtient du Goskino et des studios de Tbilissi l'autorisation pour Paradjanov de tourner à nouveau.
En mai 1984, en vingt-neuf jours, avec pour co-auteur son ami le comédien David (Dodo) Abachidze, il réalise l'adaptation d'un conte populaire géorgien : La Légende de la Forteresse de Souram.
Au cours du premier trimestre 1985, une importante exposition des dessins de Paradjanov, boîtes, collages et chapeaux est présentée au foyer de la Maison de l'Union des cinéastes géorgiens à Tbilissi.
Le samedi 23 mars, la projection en première à Moscou de La Légende de la Forteresse de Souram, est ovationnée.
Fin janvier 1986, La Légende de la Forteresse de Souram est présenté au Festival de Rotterdam.
Le studio des films documentaires de Tbilissi confie à Paradjanov la réalisation d'un court métrage de vingt minutes consacré au peintre géorgien Niko Pirosmanachvili : Arabesques sur le thème de Pirosmani.
Le 5 octobre 1987, au village de Chrili, en Azerbaïdjan, Paradjanov débute le tournage d'Achik Kerib, avec pour chef-opérateur Albert Yavourian. Les prises de vues sont terminées avant la fin de l'année.
En janvier 1988 débute à Erevan, au Musée des Arts et Traditions Populaires, la présentation des collages, poupées, céramiques et dessins de Paradjanov. L'exposition remporte un très vif succès.
Le 5 février 1988, pour la première fois, Paradjanov est autorisé à sortir d'URSS pour présenter son court métrage : Arabesques sur le thème de Pirosmani au Festival de Rotterdam.
Il est reçu triomphalement par le public et la critique internationale.
Le 1er juillet 1988, en première mondiale, à l'occasion de la rétrospective organisée par le Festival de Munich, il présente son film Achik Kerib.
1989-1991. Paradjanov reçoit plusieurs propositions de co-production. L'Allemagne souhaite lui voir adapter Faust, l'Italie La Divine Comédie, la France Les Fables de La Fontaine et les Etats-Unis Le Chant de Guaïavatée. Mais aucun de ces projets ne se réalise.
C'est finalement un de ses anciens scénarios, Confession, qu'il met en préparation dans le cadre d'une collaboration entre les studios Kartuli de Tbilissi et Haïfilm d'Erevan.
Le 4 juin 1989 débute le tournage de Confession dans la maison même de Paradjanov. Trois jours plus tard, Paradjanov est hospitalisé et le tournage interrompu. Ses problèmes pulmonaires et cardiaques se sont aggravés. Dans la nuit du 23 mai, un avion sanitaire français le conduit à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Au 13 juillet, son état devient critique. Paradjanov souhaite alors être ramené à Erevan. Il y meurt le vendredi 20 juillet 1990.
Les obsèques de Paradjanov ont lieu le 25 juillet à Erevan. Elles sont suivies par plus de 50 000 personnes.