Sur l’île de Gotland, le temps a suspendu son cours : c’est ce qu’Alexandre, journaliste, écrivain, ancien comédien, cherche à croire. C’est le miracle qu’il a voulu accomplir en quittant Londres avec sa famille, son épouse Adélaïde, sa fille Marta et son fils, Petit-Garçon, un enfant muet à qui son père parle sans fin, arrosant avec lui un arbre japonais, un arbre mort. Le film se déroule le jour de l’anniversaire d’Alexandre. Le facteur, Otto, ancien professeur d’histoire et philosophe, Victor, médecin et ami de la famille, Julia la servante, sont réunis pour fêter l’événement. Les cadeaux, un livre d’icônes, une carte de l’Europe du XVIIème siècle divertissent un moment le héros, en le plongeant dans un passé pétrifié : celui de l’histoire, celui de la religion, ancestrale. Le temps en effet semble arrêté mais il étouffe les conversations, les gestes, les sentiments. L’atmosphère est lourde des ressentiments de l’épouse frustrée, des désirs de la jeune fille, de l’absence de l’enfant, dont l’innocence muette stigmatise l’impuissance des adultes enfermés dans leurs névroses. Soudain, tout craque : une violente secousse ébranle la maison, la radio annonce qu’un conflit nucléaire vient d’éclater, les personnages sont tour à tour victimes d’attaques nerveuses. Alexandre, désespéré, a la révélation de l’absurdité des biens matériels et culturels dont il jouit, oripeaux qui l’ont exilé de la vérité spirituelle qu’il cherchait sans le savoir. Il se réfugie chez Maria, une jeune servante au regard visionnaire, dont le silence et les bras accueillent les sanglots enfantins de l’homme du monde. Il obtient là la rédemption : il a la force d’accomplir le sacrifice de soi, délivrant-peut-être- son fils de ses entraves. La mer purificatrice baigne le paysage dans lequel l’enfant prononce, au pied de l’arbre, mort, qu’il vient d’arroser, les mots bibliques, ceux des origines : « Au commencement était le verbe. »
A la fin du film on peut lire : "Ce film est dédié à mon fils Andrioucha. Avec mon espoir et ma confiance".
Tarkovski a dit de ce film : "La question que je pose dans ce film est à mon sens la plus aiguë : il s'agit de l'absence, dans notre culture, d'un espace réservé à la vie spirituelle. Nous avons étendu l'espace des biens matériels, nous avons développé les expériences matérialistes sans nous rendre compte de la menace que cela faisait peser sur l'homme en l'amputant de sa dimension spirituelle. Il en souffre, et il ne sait pas de quoi il souffre. Il ressent un manque, une absence d'harmonie, et il en recherche la cause... J'ai eu envie de montrer qu'on peut renouer avec la vie en restaurant l'alliance avec soi-même, en retrouvant une source spirituelle. Et pour acquérir cette espèce d'autonomie morale où l'on cesse de considérer uniquement les valeurs matérielles, où l'on échappe au statut d'objet d'expérimentation entre les mains de la société, une voie - parmi d'autres - est la capacité de s'offrir en sacrifice."