Lidia BOBROVA
Лидия БОБРОВА
Lidia BOBROVA
Russie / France, 2003, 97mn 
Couleur, fiction
Baboussia
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Бабуся

 

 Granny / Babusia

 Babusia

 
Réalisation : Lidia BOBROVA (Лидия БОБРОВА)
Scénario : Lidia BOBROVA (Лидия БОБРОВА)
 
Interprétation
Vladimir BARANOV (Владимир БАРАНОВ)
Nina CHOUBINA (Нина ШУБИНА)
Pavel DEREVIANKO (Павел ДЕРЕВЯНКО)
Sergueï GAMOV (Сергей ГАМОВ)
Vladimir KOULIAKOV (Владимир КУЛАКОВ)
Olga ONICHTCHENKO (Ольга ОНИЩЕНКО)
Anna OVSIANNIKOVA (Анна ОВСЯННИКОВА)
 
Images : Valeri REVITCH (Валерий РЕВИЧ)
Décors : Pavel NOVIKOV (Павел НОВИКОВ)
Ingénieur du son : Maksim BELOVOLOV (Максим БЕЛОВОЛОВ)
Montage : Tatiana BISTROVA (Татьяна БИСТРОВА)
Produit par : Jean BREA (Жан БРЕА), Andreï ZERTSALOV (Андрей ЗЕРЦАЛОВ)
Production : Lenfilm, 3B Production
Distribution en France : Tadrart Films
 
Date de sortie en France : 2004-02-04, Site

Prix et récompenses :
Prix du public Rencontres internationales de cinéma à Paris, Paris (France), 2003
Meilleur rôle féminin Anna OVSIANNIKOVA , Festival ouvert de cinéma russe Kinotavr, Sotchi (Russie), 2003
Grand prix du public et Prix Arte aux Rencontres internationales de cinéma à Paris 2003
Prix Don Quichotte, prix spécial du jury et prix oecuménique au Fstival de Karlovy Vary, 2003
Grand Prix du festival des festivals de Saint-Pétersbourg, 2003

DVD avec sous-titres
Editeur : Blaq Out

Synopsis
Baboussia a 80 ans. Toute sa vie elle s’est dévouée à sa famille. Après avoir vendu sa maison et distribué l’argent ainsi gagné à ses enfants et petits-enfants, elle est venue vivre chez sa fille Vera. Mais la maladie de celle-ci sert de prétexte au gendre pour se débarrasser de sa belle-mère : il la conduit chez sa sœur : Baboussia y apprend la mort de sa fille. Puis elle doit affronter, dans une douleur toujours muette, la séparation de sa sœur, malade à son tour. Baboussia doit alors chercher refuge auprès de ses petits-enfants (…). Mais aucun d'entre eux ne souhaite s'encombrer d'une vieille femme. Le regard clair et étonné qu’elle porte sur les événements qu’elle subit, le silence avec lequel elle accueille les épreuves familiales qui la frappent, font de Baboussia un être sublime : elle est une figure de la rédemption.
Baboussia se sacrifie pour sa famille. « Le fait de partir constitue en effet un sacrifice pour le bien de ses proches. Cette capacité de sacrifice est un trait de caractère de la nation russe. Dans le film, il porte ses fruits, et c'est là que je vois un espoir pour mon pays. » Lidïa Bobrova
 

Commentaires et bibliographie
Le cinéma russe, vingt-cinq ans déjà..., Marilyne FELLOUS, kinoglaz.fr, 2010
Le cinéma des années 1990-2000. Images dispersées, Françoise NAVAILH, Russie, peuples et civilisations, La découverte, 2005
Lidiia Bobrova: Granny (Babusia) (2003), Birgit BEUMERS, kinokultura.com, 2003
 
Interview de la réalisatrice
L'interview ci-dessous a été publiée dans le dossier de presse de la société productrice TADRART FILM

Qui est Baboussia ?

C’est l’héroïne de mon film, une grand-mère russe. Dans la vie, elle n’est pas actrice : elle vit dans le petit village de Podiougo dans la région d’Arkhangelsk, est mère de 7 enfants et cultive son lopin de terre.

Baboussia aurait-elle pu être d’une autre nationalité que russe ?
A en juger par la réaction des spectateurs dans différents pays, chacun se retrouve dans Baboussia. Les Russes n’ont pas l’apanage de la vieillesse. Mais le fait de cohabiter longtemps avec ses parents est assez fréquent en Russie. Toute leur vie les parents aident les enfants, qui souvent en contrepartie les hébergent. Il faut dire aussi que nos maisons de retraite ne sont pas reluisantes ! Ce sont vraiment des mouroirs. Si on a beaucoup d’argent, on peut trouver des structures d’accueil correctes. Pour les riches en tout cas, pas pour les grands-mères de la campagne comme dans mon film. On m’a raconté l’histoire de gens fortunés, qui, n’ayant pas le temps de s’occuper de leur mère, l’avaient placée dans un foyer où, tous les ans pour son anniversaire, ils payaient un couple d’acteurs pour venir la distraire et jouer le rôle des enfants. Je trouve cela terrifiant !

Ne dressez-vous pas un tableau très sombre de la Russie actuelle ?
C’est drôle, parce qu’en Russie, certains critiques me reprochent au contraire d’avoir donné une image trop rose, trop bucolique, avec ce village où les habitants sont si gais, chantent, dansent et sont pleins de vie. On m’a ainsi accusé d’embellir la réalité alors qu’il est d’usage en Russie de montrer tout en noir. Mais pour moi le peuple a du talent et aime la vie. Et si je filme l’alcoolisme ou la misère, ce n’est pas pour « vendre à l’Occident », pas plus que mon propos n’est d’opposer des gentils « vieux Russes » des campagnes à de méchants « nouveaux Russes » des villes.

Que pensez-vous de ces « nouveaux Russes » ?
Si certains ont réussi à améliorer leur situation grâce à leur intelligence, leur travail et leur capacité à s’adapter aux nouvelles conditions de vie, tant mieux pour eux ! La vieille génération a tant subi, avec la guerre et le communisme qu’elle n’aspire qu’à un peu de paix. Je déplore seulement le manque de gratitude de ces jeunes loups qui ne doivent leur réussite qu’aux sacrifices consentis par leurs parents. La génération de Baboussia et d’Anna a connu la guerre et de nombreuses crises : elle représente le passé de la Russie. Les petits-enfants sont notre présent. Quant à l’avenir, il est personnifié dans mon film par Olia, rescapé de la guerre en Tchétchénie.

Pourquoi la mise en parallèle de la dureté quotidienne dans les campagnes et l’horreur de la Tchétchénie?
C’est dans ces petits villages que l’on puise la chair à canon pour la Tchétchénie. Ce sont ces mêmes villageois qui voient revenir les cercueils avec leurs fils dedans, quand ils ont la chance de pouvoir récupérer les corps. Ils se sentent concernés de très près. La Russie est aujourd’hui un pays sur le sol duquel coexistent la guerre et la paix. C’est pourquoi je montre en parallèle la scène de la fête villageoise et la chronique de la guerre en Tchétchénie à la télévision. Les bulletins radio ou les informations à la télé parlent de la guerre et du nombre de disparus, mais avec le même détachement que pour les prévisions météo. On n’y fait même plus attention, sauf ceux qui ont des enfants en âge d’être appelés. Ceux-là se demandent : pourquoi ? Pendant la seconde guerre mondiale, on défendait son pays, son territoire, on savait pourquoi on mourait, mais là ? Ceux qui ont perdu un enfant maudissent les instigateurs de cette guerre, sans savoir s’il s’agit de Dieu, de leur propre gouvernement ou des Tchétchènes. D’ailleurs leur question n’est pas de savoir qui est responsable, mais simplement « pourquoi »?

Ces enfants sacrifiés par la Russie sont-ils les mêmes que ceux participant à la fête du village ?
Exactement. On voit tout d’abord une exposition avec des dessins d’enfants, notamment ceux d’Ivanov et Semionov, noms que l’on retrouvera quand le policier regarde les passeports des disparus en Tchétchénie. Les enfants qui dansent habillés en matelots évoquent inévitablement, pour les Russes, la tragédie du Koursk. Les jumeaux sur scène rappellent à Baboussia ses petits enfants morts en Afghanistan. Vitia n’est pas qu’un alcoolique, il était doué pour le dessin et aurait pu tourner autrement. Cette fête n’est pas un étalage du folklore russe, c’est mon cri du cœur : notre jeunesse a du talent, au nom de qui, de quoi, la sacrifiez-vous ?

Le thème du sacrifice est récurrent dans vos films…?
Oui, parce que je ne parle que d’amour. Or, l’amour engendre des sacrifices. Baboussia sacrifie tout à ses enfants et ses petits-enfants. Elle peut sembler très à plaindre, mais je ne crois pas que ce soit la plus malheureuse. C’est la seule qui n’ait pas vécu pour rien dans la mesure où elle a beaucoup aimé. Toute sa vie tourne autour de l’amour qu’elle a pour ses proches et des sacrifices qu’elle a consentis pour eux. Et cela fait sa force. Alors que Liza, qui a renoncé à son véritable amour pour Nicolas pour aller faire carrière à Moscou, n’est pas heureuse. On peut se sacrifier par amour, mais pas sacrifier l’amour. Baboussia personnifie l’amour, l’âme du peuple, une certaine image de la Russie.

Vitia et Liza symbolisent-ils le fait qu’à la campagne il n’y pas d’autre choix que boire ou partir?
Non. Prenez Nicolas ! Il ne boit pas. Il chante, danse, joue de la musique, forme les jeunes pour que ceux ci n’oublient pas leur folklore ni leurs traditions. Il a mieux réussi que certains, même s’il n’est pas heureux en amour. Mais l’alcool fait partie intégrante de notre vie. Comment filmer la vie du village sans ça ? Le plus important n’est pas que les gens boivent, mais pourquoi ils boivent.

Comment avez-vous trouvé vos acteurs ?
On pourrait croire que si j’ai tourné jusqu’à maintenant avec des non-professionnels, c’est un choix délibéré, mais pas du tout. Pour mon premier film, je cherchais des acteurs professionnels. Or j’avais peu de moyens et je n’ai pas trouvé d’acteurs qui correspondaient à ce que j’avais en tête. J’ai tenté le tout pour le tout en faisant appel aux gens du village et le résultat a été surprenant, au-delà de mes espérances. Pour le second film, j’ai de nouveau cherché des acteurs professionnels, qui se sont révélés impossibles à gérer pendant le tournage. Se sentant en position de supériorité par rapport à des villageois, ils étaient détestables sur le plateau, me disant comment je devais tourner telle ou telle séquence. Ils avaient un avis sur tout et le film en pâtissait. Je les ai donc renvoyés jouer les divas à Moscou et à St Petersbourg et j’ai de nouveau fait appel à des non-professionnels. Pour Baboussia, j’ai découvert des acteurs en province, doués et généreux, qui se fondaient dans mon histoire et ne contrastaient pas avec les non-professionnels. Il y a eu une bonne alchimie entre les membres de l’équipe. C’est donc juste une question de chance si cette fois j’ai trouvé les acteurs que je cherchais ; j’ai même eu souvent l’impression d’avoir un petit coup de pouce d’en Haut quand j’étais dans le doute. Par exemple, pour le personnage d’Ivan (le gendre), j’ai retrouvé par hasard la photo qu’un acteur m’avait donnée il y a 12 ans pour « Oh vous mes oies ». Je ne l’avais pas retenu à l’époque et j’avais oublié jusqu’à l’existence de cet acteur qui a été parfait dans le rôle d’Ivan. Idem pour Baboussia : j’étais sur le point de renoncer à faire ce film, car j’avais auditionné pas mal d’actrices et qu’aucune ne me convenait pour incarner Baboussia. J’ai vu par hasard une photo chez quelqu’un. J’ai rencontré cette femme qui s’est avérée trop âgée, mais sa fille qui lui ressemblait trait pour trait, a accepté de jouer le rôle. Encore une fois, ma bonne étoile m’a aidée. Je dois avouer que j’ai aussi un faible pour les paysages de mon film : le traîneau filant sur la neige, l’arbre couvert de givre dans la nuit, près de la fenêtre. La région est extraordinaire, la lumière est splendide. La campagne russe est plus qu’un décor, elle est aussi importante que les personnages et déteint sur leur caractère.

Le tournage s’est il effectué dans des conditions difficiles ?
Un tournage est toujours un moment extrêmement difficile pour un réalisateur. La neige et le givre sont magnifiques sur la pellicule, mais quand il faut travailler 16h par jour les pieds dans la neige, sans toilettes correctes ni endroit pour se réchauffer, pour s’entendre dire à la fin de la journée que toutes les heures supplémentaires des figurants ne seront pas payées, aller annoncer cela à des villageois transis, je ne qualifierai pas cela de facile. Heureusement que j’avais un coproducteur français, Jean Bréhat (3B Productions), et que l’aide directe du Ministère de la Culture française est arrivée à point nommé. Sans elle le film n’aurait pas pu se faire et le tournage n’aurait pu reprendre que l’hiver suivant ; il a plu pendant deux semaines, la neige a fondu, c’était fichu pour tourner la suite à moins d’un miracle : l’argent de la partie française est arrivé et il a regelé à –30 ! Les péripéties en plein tournage usent le moral des troupes et font vieillir prématurément un réalisateur. Je dois ajouter que le regard critique mais toujours bienveillant de Jean Bréhat a énormément enrichi Baboussia.

Que sont devenus les acteurs de « Dans ce pays là » ?
J’ai fait de nouveau appel à Anna Ovsiannikova pour incarner la sœur de Baboussia. Les autres actrices travaillent sur différents projets. Chez les gens du village, « Zaika » est mort, « Ziganok » aussi, mon frère est très malade. « Skouridine » continue à s’occuper de ses bêtes et à faire des oiseaux en bois. On s’écrit de temps en temps.

Pourquoi avoir attendu si longtemps depuis « Dans ce pays là» ?
Je ne fais pas de cinéma pour gagner de l’argent. Pour moi, le cinéma est ce qu’il restera de moi après ma mort. Attendre plusieurs années entre deux films n’est pas un problème. J’ai refusé plusieurs scénarios dans le passé. J’ai profité de ces années pour voyager en Russie et à l’étranger par le biais de festivals de cinéma. Cela m’a permis d’aller à la rencontre du public, de mieux le connaître.

Ne vous sentez-vous pas trop jeune pour faire un film sur Baboussia ?
J’ai connu récemment plusieurs tragédies personnelles qui m’ont obligée à évoluer. Mais un jeune de 20 ans pourrait tout à fait faire ce genre de film si cela correspond à ce qu’il ressent. Ce n’est pas une question d’âge, mais de vécu. Ma grande peur était justement que les jeunes ne se sentent pas concernés. Mais c’est tout le contraire, j’ai vu beaucoup de jeunes rire et pleurer lors des projections. Nous sommes tous concernés. Les souffrances et la culpabilité vis à vis de nos proches sont le lot de tout un chacun. Si après avoir vu Baboussia, une ou deux personnes se sentent l’envie ou le besoin de faire un geste vers leurs proches, cela justifierait amplement l’existence de mon film.
Propos recueillis par Christel Vergeade

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