L’action se déroule pendant les années difficiles du communisme de guerre. L’ingénieur Los est las de la vie sur Terre et de ses innombrables tracas, c’est avec enthousiasme qu’il construit un appareil destiné à aller jusqu’à la planète Mars. Après une scène de jalousie avec sa femme, il la tue et il s’envole sur Mars accompagné de deux personnes : Goussev, un soldat de l’Armée Rouge démobilisé qui rêve d’exporter la Révolution sur la planète Mars et un détective à la poursuite de Los. Sur Mars, Los est séduit par Aelita, la reine de la planète. Mais Los et ses compagnons sont arrêtés et emprisonnés avec les esclaves. Grâce à l’aide d’Aelita, Goussev réussit à s’enfuir et il organise une révolte des esclaves. Au moment où cette révolte est sur le point de réussir, Aelita trahit ceux qu’elle avait aidés et Los, furieux, se réveille alors dans la gare de Moscou et comprend que ses aventures sur Mars n’étaient qu’un rêve, et qu’il n’avait pas tué sa femme. Il décide de rester définitivement sur la Terre
Opinion de R .N. Yourenev, dans Essais sur l’histoire du cinéma soviétique et publiée dans Le Cinéma Russe et Soviétique du Centre Georges Pompidou :
Selon Mejrabpom. le problème essentiel posé par Aelita était d'en faire un film à grande mise en scènc pouvant soutenir la concurrence des films étrangers. Mejrapom ne ménagea pas les dépenses. Les plus grands maîtres furent appelés, à commencer par l'écrivain Alexeï Tolstoï (qui d'ailleurs ne participa que très peu à la rédaction du scénario tiré du roman, ayant confié cette tâche au dramaturge A. Faïko et au réalisateur F. Ossep). Pour la mise en scène, le meilleur réalisateur du cinéma prérévolutionnaire, Yakov Protazanov, fut invité et ce dernier choisit un groupe de travail expérimenté et talentueux. Une publicité tapageuse précéda la sortie du film. Sur les pages de la Kinogazetta on vit les mots mystérieux « Anta... Adeli... Outa... » (c'étaient les signaux que le héros du film transmet depuis Mars). Lcs réalisatcurs donnèrcnt des interviews grandiloquentes.
Le succès du film ne répondit pas aux espoirs. Dans la presse parurent des critiques froides, même négatives : « La montagne a accouché d'une souris » écrivaient les Izvestias, considérant que les qualités artistiques du film n'étaient pas à la hauteur de la publicité qui lui avait été faite. Mais les spectateurs vinrent tout de même volontiers voir le film. Égalant le succès des Diablotins rouges par le nombre des spectateurs, Aelita eut un public nombreux, plus nombreux que les films à grand spectacle étrangers. II ne faut pas amoindrir la valeur artistique du film.
Ses défauts essentiels étaient son manque de précision et son éclectisme. Les scénaristes et le réalisateur n'avaient pas compris l'idée progressiste d'Alexeï Tolstoï qui avait opposé la Terre (l'Union Soviétique), à la culture triste et décadente de Mars, à l'époque où la plus grande partie des utopistes bourgeois idéalisaient les contrées fantastiques et parlaient avec pessimisme de la Terre. Les auteurs du scénario suivirent, non pas Tolstoï, mais les utopistes fuyant la réalité, séduits par la possibilité de faire un film brillant avec l'exotisme de Mars, en comparaison du prosaïsme de la Russie révolutionnaire. Heureusement que la réalité fut tout autre.
Les facteurs indiscutablement positifs étaient la grande expérience du metteur en scène, le soin avec lequel avaient été réalisés les décors, les costumes, le maquillage, la qualité de la photographie et l’interprétation des acteurs, quoique hétérogène.
Pour Protazanov. Aelita fut comme un laboratoire où il élabora la voie dans laquelle il se dirige dans ses films ultéricurs. Les scènes décadentes et modernistes de Mars disparurent de ses autres films. Le mélodrame issu des films prérévolutionnaires (les scènes de Los avec sa femme) fut surmonté. La ligne comique et excentrique fut poursuivie dans les films Le Tailleur de Toriok et autres auxquels participa Ilinski. La ligne satirique de l'homme de la NEP s'élargit dans les comédies satiriques (principalement lorsqu'elles étaient basées sur un matériel occidental). Et enfin. le drame de moeurs psychologique trouva son origine dans le réalisme des scènes de Goussev.