"Le cinéma russe semble se refermer sur lui-même"

Interview de Joël Chapron,

responsable à Unifrance des pays d'Europe centrale et orientale et "correspondant étranger" du Festival de Cannes par Elena Kvassova-Duffort et Jacques Simon (Kinoglaz.fr), Paris, le 29 avril 2013.

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Chaque année, nous faisons un bilan de l’année culturelle passée. Dans le domaine des relations franco-russes, quels ont été les événements les plus marquants de l’année 2012 ?

Bonne question. Dans les relations franco-russes cinématographiques, je dirais qu'il n’y a rien eu. Dans les événements cinématographiques russes qui ont eu une incidence sur les événements cinématographiques en France, il y en aurait deux : « l’affaire Depardieu » et la nomination du nouveau gouvernement russe (mai 2012) avec un nouveau ministre de la Culture dont les orientations diffèrent fondamentalement, à mon sens, de celles de son prédécesseur. Avec une prééminence de l’image de la Russie, d'un pays fort, positif, etc., qui doit être mise en avant. C’est le cercle de la politique nationale, mais cela aura forcément une incidence sur les relations avec le monde entier et avec la France. On revient à une période où on faisait comprendre aux festivals internationaux que ce ne sont pas les bons films qui sont choisis, que l’on doit en choisir d’autres, que ce n’est pas une bonne image que l’on choisit, que l’on doit choisir une image plus positive, que l’on fait exprès de choisir des films noirs, difficiles, alors qu’il faut choisir des films sympathiques et gais… Néanmoins, entre mai 2012 et mai 2013, je n’ai pas à l’esprit d'événements qui soient particulièrement marquants.


Depuis juin 2012, il y a quelques films qui sont sortis : Dans la brume, Faust.

Absolument. Il y a eu 5 films sortis en 2012 : Elena, Faust, Portrait au crépuscule, le documentaire Water, le pouvoir secret de l'eau et La Mouette [film de 1970, mais qui n’était jamais sorti en salle en France]. Dans la brume n’est sorti que le 30 janvier 2013. Et c’est le seul film russe qui soit, pour le moment, sorti en 2013. En juin devrait sortir le film Friends From France d’Anne Weil et Philippe Kotlarski, qui est une coproduction de la France et de la Russie. La productrice russe est Kira Saksaganskaïa et, pour l’instant, il n’y pas d’autres sorties prévues. Mais, pour revenir à la question, ce ne sont pas des événements capitaux franco-russes non plus dans le domaine du cinéma.


Pour le calendrier 2013-2014, avant notre prochaine rencontre annuelle, qui sera la dixième, à part le Festival du cinéma russe à Honfleur (du 26.11 au 01.12), aucun événement concernant le cinéma russe n’est prévu ?

Non.


Ma question est liée à l’impression que j’ai eue lorsque je préparais cette interview. Il semble que dans le domaine des relations franco-russes, d’une certaine façon, nous sommes revenus au point de départ. Dans le passé, nous avons beaucoup parlé de la promotion du cinéma russe en France et de la volonté politique pour le faire, et aujourd’hui on apprend que le Département international du Fonds de soutien au cinéma est supprimé.

Oui, tout à fait. C’est pour cela que je dis que ce n’est pas juste lié à la France. C’est la politique générale adoptée depuis onze mois. Avec des nouvelles directives du ministère de la Culture, des nouvelles directives de la personne en charge du cinéma au ministère de la Culture, Monsieur Demidov. Effectivement, le cinéma russe semble en train de se renfermer sur lui-même, politiquement parlant : le but principal est de ramener les spectateurs russes dans les salles russes. Le reste importe peu, on n’est pas du tout dans l’ouverture internationale, on a même entendu dire que c’était inutile de faire des coproductions et donc on est vraiment en train de reculer.


Pouvons-nous reprendre tout cela point par point ? Faire augmenter le nombre des spectateurs russes dans les salles russes – en faisant comment ?

C’est la question récurrente partout. Tous les pays ont envie de voir la part de marché de cinéma national augmenter. La question est : comment y arriver ? Parce que, quand les films ne sont pas capables d’y arriver tout seuls, les politiciens se disent : "on va mettre des quotas". Soit ce sont des quotas positifs : il faut tant de films nationaux en pourcentage dans les salles ; soit des quotas négatifs : il faut un maximum de films étrangers de tant de pour cent. On a entendu parler, dans les débats qui ont eu lieu, et de quotas positifs et de quotas négatifs. Pour l’instant tout est repoussé (NDLR : le 6 mai 2013, le gouvernement a officiellement décidé de ne pas soutenir la proposition de loi visant à ne plus exonérer de TVA les films étrangers - ce qui conduisait mécaniquement à rendre plus chers leurs billets -, considérant que cela contrevenait aux accords de l’OMC), mais c’est clair que c’est dans l’air du temps. Les politiciens russes estiment qu’il faut remettre les films russes à l’ordre du jour. Ils estiment que les jeunes Russes sont mal élevés avec les blockbusters américains.

Il y a aussi la question de la reprise de ces fameux films "de commande" sur des thèmes que le ministère de la Culture voudrait voir filmer. La liste, disponible sur le site du ministère de la Culture, est assez impressionnante et contient tout et n’importe quoi : les difficultés et succès des instituteurs dans les classes primaires, le métier de pompier… En publiant cette liste, le ministère de la Culture incite les producteurs "globalement privés" à trouver des scénarios et des metteurs en scène idoines pour des projets qui seront financés par l’État.

Le problème est que ces films-là, la plupart du temps, personne ne veut les voir - ils furent nombreux par le passé… Certains gros projets porteurs de thèmes patriotiques et financés par le Fonds ont commencé à sortir : 1812 : la ballade des uhlans d’Oleg Fessenko a attiré 187 000 spectateurs pour un budget de 5 M$ ; Le Match d’Andreï Malioukov a généré 2,2 M$ pour un budget de 10 M$... Gagarine, premier homme dans le cosmos doit sortir le 30 mai et j’attends de voir le nombre d’entrées. On ne peut pas dire que La Légende n°17 soit un film à visées particulièrement patriotiques, parce que, pour le coup, Valeri Kharlamov fut une vraie légende du hockey sur glace dans les années soixante-dix et le film est porté par une publicité énorme. Tous les films dont les thèmes sont listés par l’État, qui sont censés mettre en avant tel ou tel point de société, sont, à mon sens et dans leur grande majorité, voués à l’échec, mais tout ça fait partie de la même politique : redorer l’image du cinéma russe, essayer de ramener des spectateurs pour les films russes en Russie et changer l’image du cinéma d’auteur russe, c'est-à-dire ne plus faire des films aussi noirs, déprimants, et que les gens n’ont pas spécifiquement envie de voir, mais qui, pour certains, s’exportent et font les beaux jours des sélections des festivals internationaux.

Je suis le premier à trouver que le cinéma russe est effectivement souvent déprimant, mais on sélectionne des films que l’on a vus, ce n’est pas nous qui les avons faits ! La vraie question est : pourquoi les films déprimants et noirs sont-ils cinématographiquement meilleurs que les films gais et sympathiques ? Pourquoi sont-ils qualitativement meilleurs, je n’ai pas de réponse à cette question. Peut-être faut-il se dire que les cinéastes les plus intelligents sont aussi les plus talentueux et que leur intelligence les conduit à s’interroger sur la société qui les entoure - or celle-ci, à leurs yeux, ne semble ni gaie ni sympathique ?

Concernant les salles, elles continuent de se construire : 3 142 écrans au 31 décembre 2012. Toutes les villes de plus de 250 000 habitants sont maintenant équipées de salles de cinéma, et 90 % des villes de 100 000 à 250 000 habitants le sont aussi. Ce sont des chiffres encourageants. Mais, pour la première fois en 2012, il y a eu une chute de la fréquentation et personne n’arrive vraiment à savoir à quoi cette chute est due. Elle n’est pas énorme, 2% (passant de 159,5 millions de billets vendus en 2011 à 156,3 en 2012), mais c’est la première fois que cette fréquentation baisse depuis 1998. Cela fait quinze ans qu’elle était en hausse. Cela n’a pas d’impact proportionnel sur le box-office, car celui-ci, avec les films en 3D, plus chers, et l'ouverture de salles continue de croître.


Il y a eu des changements à la tête du Fonds de soutien au cinéma. Si je comprends bien, ce qui a été incriminé à Monsieur Sergueï Tolstikov, qui en était le directeur depuis sa "refondation" il y a quatre ans, c’est le système de financement à travers les sociétés-leaders qui n’a pas marché.

Sergueï Tolstikov avait été mis en place pour gérer l’architecture du financement des sociétés-leaders (NDLR : voir les interviews des années précédentes). Ces sociétés-leaders devaient être subventionnées pour investir dans des films à grand spectacle commerciaux russes et pour les aider à les sortir en salle. Il en a fait fabriquer, mais, quand ils sont sortis, ces films n’ont pas ramené beaucoup de spectateurs dans les salles et on l’accuse donc globalement d’être responsable de la chute de la part de marché nationale : il n’aurait pas fait produire les "bons" films, car, s’ils avaient été bons, ils auraient ramené les spectateurs dans les salles. C’est la raison officielle : il n’a pas réussi à augmenter la part de marché russe. D’où, aussi, l’apparition de propositions de loi sur les quotas : puisqu’on n'est pas capable de ramener les Russes dans les salles de cinéma, on va les y contraindre, soit en obligeant les salles de cinéma à passer plus de films russes, soit en interdisant aux distributeurs de sortir plus qu’un certain nombre de films étrangers, soit en augmentant le prix de ces derniers.


Mais est-ce que vous pensez que le système de sociétés-leaders qui a été introduit il y a à peu près trois ans était un bon modèle qui aurait pu fonctionner ? Ou bien est-ce juste une nouvelle aventure russe qui sera oubliée dans quelque temps ? Est-ce que l’argent attribué aux sociétés-leaders a été bien utilisé ? Voit-on cet argent à l’écran ?

Il ne faut pas oublier qu’un film prend du temps à fabriquer : quand vous lancez la production d’un film, entre l’idée et le moment où le film sort, l’écriture du scénario, le temps de trouver le complément de financement (parce que ces films ne sont jamais financés à 100 % par l’État), le tournage, la post-production…, il peut s’écouler trois-quatre ans. Je ne parle même pas du dernier film d’Alexeï Guerman ! Je trouve donc de mauvaise foi d’accuser Tolstikov de ne pas avoir soutenu les bons films et de ne pas les avoir fait faire en quantité suffisante. Ce n’est pas trois ans qu’il fallait lui laisser, c’est dix au moins.

J’ai, par ailleurs, toujours été dubitatif sur le système. L’habitude des Russes de chaque fois réinventer l’eau chaude me paraît toujours curieuse. C’est un système qui n’existe nulle part ailleurs. En France, on n’a jamais eu ce système d’aide aux sociétés : on aide les films. Mais, est-ce un bon système ou un mauvais système… Pour l’instant, ce n’est pas le système qui est remis en cause. Il y a, aujourd’hui, dix sociétés aujourd’hui qui sont subventionnées par le Fonds du cinéma.


Si le système de sociétés-leaders reste en place, qu’est-ce qu’Anton Malychev va faire différemment de ce que faisait Sergueï Tolstikov ?

Il n’a, pour le moment, pas dit qu’il allait faire autrement : il a dit qu’il allait continuer. Les relations Tolstikov-Medinski (le ministre de la Culture) n’étaient pas bonnes et c’étaient deux idéologies qui se confrontaient. Tolstikov a essayé de faire en sorte qu'un maximum de films soient produits et un maximum de films différents ; il a toujours mis en avant la diversité, la variété, le Fonds étant partenaire de Vyssotski comme d’Elena. Or je pense que c’est une idéologie qui n’est pas du tout dans l’air du temps de la Russie depuis un an. Je ne vois pas comment Anton Malychev pourrait faire remonter la part de marché du cinéma national. Il y a, certes, deux succès importants cette année : Métro et La Légende n°17. Si, à la fin de l'année, la part de marché remontait à 20 %, j’imagine bien que l’on dira que c’est grâce à Anton Malychev, alors que c’est grâce aux producteurs qui ont mis ces films en place avant son arrivée. Métro est en production depuis deux ans et cela ne date pas de Malychev. Tout cela est fallacieux. Et fatigant.


Quelle est la part de marché du cinéma national en Russie par rapport aux autres pays ? C’est inférieur ?

La part de marché nationale en Russie en 2012 est d’environ 15,2%. C’est sensiblement au niveau de celle qu’ont la Pologne, les Pays-Bas et la Norvège. C’est nettement inférieur à la Turquie (la plus haute de part de marché nationale de toute l’Europe : 46,6%), à la France (40,2%), au Royaume-Uni (32,1%), au Danemark (28,5%) ou à la Finlande (28%). Mais des grands pays de cinéma comme l’Espagne (19,3%) ou l’Allemagne (18,1%) ont des résultats que la Russie ne peut guère envier (NDLR : Tous ces chiffres sont issus des premières estimations de l’Observatoire européen de l’audiovisuel).

Il est à noter qu’aucun de ces pays n’a de quotas !

Et, comme je l’ai déjà dit dans une des interviews, il faut, à mon sens, mettre en place des systèmes incitatifs et pas un système basé sur l’interdiction (surtout quand on parle de la Russie, il y a de mauvais souvenirs..). Je mentionne toujours le système du réseau européen Europa-Cinemas : c’est un vrai système incitatif.

Et si on doit interdire des films, lesquels ? J’en ai déjà parlé la dernière fois : il y aura une concentration sur les blockbusters étrangers. Si vous limitez le nombre de films étrangers vous allez évidemment prendre Bruce Willis et laisser de côté François Ozon et Woody Allen. Et, si vous mettez en avant le cinéma russe, vous allez avoir plus de séances pour Métro et moins pour Elena, parce qu’on va mettre en avant les films qui rapportent le plus et il y aura donc une concentration plus importante à ce niveau-là. C’est curieux de penser que c’est mieux pour le cinéma russe…


Et en ce qui concerne l’activité internationale du Fonds, elle est complètement arrêtée ?

Oui : le Département international a été fermé du jour au lendemain le 26 avril 2013.


Ce qui doit sembler très étrange aux partenaires étrangers du Fonds, c’est que tous les accords signés par le Département international ont été annulés. Notamment les accords concernant les académies franco-, germano- et italo-russes, l’accord avec le Marché du film de Cannes pour les Red Square Screenings, etc. J’ai cru comprendre que ces accords devraient être resignés par le ministère de la Culture.

C’est ce qui est annoncé. Même s’ils veulent le faire, cela va être très compliqué, parce que le Fonds avait un statut juridique qui lui permettait globalement de travailler en assez grande indépendance et de mettre en place des accords internationaux avec des institutions internationales, privées comme le Marché du Film ou publiques comme le CNC. Ce que le statut du ministère de la Culture ne permet pas. Dès que le ministère de la Culture est impliqué dans la signature d’un accord international, c’est un enfer de bureaucratie. Le ministère de la Culture globalement ne peut pas signer seul un accord, puisque tout ce qui concerne l’international passe aussi par le ministère des Affaires étrangères. Pour peu que cela concerne les échanges d'étudiants, cela passe aussi par le ministère de l'Intérieur pour des problèmes de visas...


Avec la disparition du Département international du Fonds, avec la disparition de l’Académie franco-russe, qu’avons-nous perdu concrètement, ici, en France ?

Franchement, pour l’instant, je ne sais pas, il est trop tôt pour le dire. D’abord, je ne suis même pas sûr que le CNC et tous les producteurs, distributeurs et exportateurs français soient au courant. Si l’on ne prend que l’Académie, il y avait quatre volets : l’aide au développement de projets, l’aide à la sortie de films en France, le patrimoine et la formation. Le plus facile à récupérer, c’est la formation parce que l’Ambassade de France s’en occupe et elle faisait déjà venir des étudiants russes à la FEMIS et dans les autres écoles de cinéma.

Sur le papier, on perd beaucoup ; en réalité, peu de films ont été aidés. Je pense qu’il ne faut pas tout mélanger. L’Académie franco-russe n’a pas vraiment très bien fonctionné. Alors que je crois que l’Académie germano-russe a très bien fonctionné et je pense que c’est les Allemands qui vont vraiment perdre beaucoup plus que nous. Ce que l’on perd, c’est la volonté affichée, en tout cas officiellement, politiquement, de faire se rapprocher les cinéastes russes et français.


Il y a donc absence totale d’intérêt vis-à-vis de la coproduction internationale, de la promotion du cinéma russe à l’étranger ?

Je pense que, pour l’instant, ce qui leur importe, c’est que l’on revienne au système soviétique : éduquer le Russe de base avec des films russes et des livres russes et fermer la porte à l’international.


Et mettre un bon paquet d’argent dans la production sans pouvoir le récupérer grâce aux ventes à l’international ?

Pour l’instant, vu le peu de films qui ont été vendus, financièrement cela ne va pas leur manquer. Mais c’est vraiment une question d’idéologie et de propagande, d'idéologie à la base. Ils estiment que la mondialisation a fait beaucoup de mal à la formation des Russes, qu’il est temps de revenir à des valeurs nationales et de mettre en avant des produits nationaux. Cela devient un vecteur de politique important, avec les valeurs russes, orthodoxes, pour venir contrebalancer les influences néfastes qu'apporte la mondialisation. Tout cela me rend assez pessimiste sur l’avenir.


À Cannes, il y a finalement 3 films russes ?

Deux et demi, dirais-je ! À la Semaine de la critique, il y a Capitaine (Maïor / Major) de Youri Bykov dont le premier film Vivre ! était déjà très bien. Ce film est produit par Alexeï Outchitel et Kira Saksaganskaïa, de même que le film de Taïssia Igoumentseva Corps et biens (Otdat kontsy) qui sera montré en sélection officielle, hors compétition ; Taïssia avait gagné le Premier Prix de la Cinéfondation l’an dernier et le règlement de Cannes stipule que le premier long-métrage des récipiendaires sera montré au festival s’il n’a été montré nulle part avant. Pour la société Rock, la société de production d’Alexeï Outchitel et Kira Saksaganskaïa, c’est une belle réussite qui vient à point nommé, puisque la société fête ses vingt ans cette année ! Aucun des deux films n’est coproduit par l’étranger, celui de Bykov a été soutenu par le Fonds du cinéma ; celui d’Igoumentseva, par le ministère de la Culture.

À la Cinéfondation, il y a le film La Norme de la vie. Comme l'année dernière, le film a été envoyé directement par l'étudiant réalisateur (Evgueni Bialo) et non par l'école dont ils sont tous deux issus (Les Cours supérieurs de mise en scène et de scénario).

Je signale, à toutes fins utiles, que les deux longs-métrages russes sont les deux seuls représentants de tout l’ancien bloc communiste, puisque aucun long-métrage polonais, tchèque, hongrois, roumain… n’a trouvé grâce aux yeux des directeurs des trois comités de sélection cannois.


Vous ne regrettez pas que les films comme Métro et La Légende n°17, qui sont de grands succès en Russie en ce moment, ne soient pas montrés à Cannes ?

Je n'ai pas vu La Légende n°17. Métro est un film de genre à grand spectacle avec des effets spéciaux très bien faits, mais il est difficile de montrer un tel film à Cannes, même en séance spéciale la nuit, alors qu'il existe des films américains de même genre, qui sont plutôt meilleurs sur le plan technique et surtout qui montrent des stars connues. Métro est bien fait et c’est très bien qu'il ait été fait en Russie et par des Russes, mais cela ne suffit pas pour une carrière internationale.


Existe-t-il en fait des critères techniques pour être sélectionné au Festival de Cannes ? Par exemple, un son original est-il primordial ? Car les films russes sont connus pour être entièrement post-synchronisés.

Mais les films italiens aussi ! La post-synchronisation pénalise les acteurs s’ils se font post-synchroniser par d'autres acteurs, parce qu’ils n’auront, dans ce cas, jamais un prix d’interprétation (Marie Bonnevie, dans Le Bannissement d’Andreï Zviaguinstev, était post-synchronisée en russe par Elena Liadova). Quand un acteur se post-synchronise lui-même, c’est possible.


On doit annoncer aujourd'hui même un complément au programme de Cannes ? Y aura-t-il des films russes ?

En effet, Cannes va faire l'annonce officielle aujourd'hui de Cannes Classics. C'est la section qui a été inventée il y a sept ou huit ans par Thierry Frémaux et qui met en valeur de belles restaurations de vieux films. C'est dans ce cadre qu'avait été montré il y a quelques années le film Soy Cuba de Kalatozov. À ma connaissance, il n'y a pas de films russes. J'ai été sollicité par les Géorgiens en février à propos du film Les Montagnes bleues d’Eldar Chenguelaïa (dont c'est le 80e anniversaire cette année), mais la restauration n'était pas encore commencée, donc c'était impossible pour cette année. Le même problème s'est posé pour Les Chevaux de feu de Paradjanov.


Annexe

Liste de films 2012 – 2013  sur lesquels Joël Chapron a voulu attirer notre attention, en plus des films sélectionnés au Festival de Cannes :

  • Arventour (Арвентур), 2013, d’Irina Evteeva (ирина Евтеева) (film d’animation).
  • Oui et oui (Да и да), 2013 de Valeria Gai Guermanika (Валерия Гай Германика)
  • Nepal forever (Непал форева), 2012, d’Aliona Polounina (Алена Полунина)
  • La Honte (Стыд), 2013, de Youssoup Razykov (Юсуп Разыков), produit par Vladimir Malychev
  • Voyage d’hiver (Зимний путь), 2012, Sergueï Taramaev (Cергей Тарамаев) et Lioubov Lvova (Любовь Львова)
  • Dialogues (Диалоги), 2013, d’Irina Volkova (Ирина Волкова)

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