Le réalisme socialiste et la censure stalinienne 1935-1953

Cette chronologie doit beaucoup au livre L'Oeil du Kremlin de Natacha Laurent, éditions Privat, 2000.

Films de 1935 à 1953 répertoriés sur kinoglaz.fr  - Bibliographie


1935
  • 1er janvier : suppression des cartes de rationnement introduites en 1930
  • Exploits du mineur Alexeï Stakhanov et début du stakhanovisme.
  • Inauguration du métro de Moscou.
  • Fin de la période de transition entre le cinéma muet et le cinéma parlant, commencée en 1930.
  • Premier festival international du film à Moscou. Au jury : Sergueï Eisenstein, Vsevolod Poudovkine, Aleksandr Dovjenko. Grand prix attribué au studio Lenfilm qui a produit les films Tchapaev, La Jeunesse de Maxime et Les Paysans. Le second festival de Moscou aura lieu en 1959.
  • Conférence nationale du film qui adopte officiellement la théorie du réalisme socialiste mais se préoccupe surtout du manque de scénarios et des problèmes techniques liés à la généralisation du cinéma sonore
  • Parution du livre Le cinéma des millions (Kinematografia millionov) par Choumiatski, directeur du GUKF (structure administrative dirigeant le cinéma de l'Union soviétique). L’auteur y dénonce le formalisme et «l’esprit petit bourgeois» d’un certain nombre de cinéastes parmi lesquels Eisenstein, Vertov, Koulechov.
  • La première version du Pré de Béjine réalisée par Eisenstein est visionnée par le Bureau Politique. Le réalisateur doit reprendre complètement son film dont la deuxième version sera prête au printemps 1937.
  • Après un voyage de deux mois à Berlin, Paris et Hollywood, où il était accompagné notamment du réalisateur Friedrich Ermler et du chef opérateur Vladimir Nilsen, Choumiatski propose la construction d’une cité du cinéma (Kinogorod) sur les bords de la mer Noire en Crimée. Ce projet de «Hollywood soviétique» ne sera jamais réalisé.

Production : 46 films (longs métrages de fiction) dont 33 sonores

1936
  • Premier procès de Moscou, dit "des seize" : Zinoviev, Kamenev et 14 autres sont fusillés.
  • Le VIIIe Congrès des Soviets approuve la nouvelle constitution de l'URSS définie comme pays socialiste sur le chemin du communisme.
  • Ejov remplace Iagoda à la tête du NKVD, début de la grande purge
  • Nouvelle constitution de l'URSS.
  • Victoire du Front populaire aux élections en Espagne, début de la guerre civile et soutien de l'URSS aux communistes espagnols.
  • Mort de Gorki.
  • Nouveau Code de la famille : interdiction de l'avortement qui durera jusqu'en 1955.
  • Fermeture du studio Mejrabpom Films (cf 1924 et 1928). Ses locaux et équipements donneront naissance aux studios Soyouzdetfilm.
  • Le film Anka réalisé au studio Mosfilm par Yvan Pyriev est refusé par la direction de Mosfilm qui licencie pour deux ans le réalisateur. Peu après cette décision, le Kremlin demande à visionner le film. Il plaît à Staline qui en autorise la sortie sous le titre de La Carte du parti. Le film obtient un important succès populaire. Néanmoins la sanction de Mosfilm n'est pas levée.
  • Abram Room termine le montage de son film Le jeune homme sévère d'après un scénario de Youri Olecha écrit directement pour le cinéma sur l'homme nouveau de la société socialiste. Bien que le scénario ait suscité de nombreuses critiques élogieuses dans les milieux littéraires, le film est interdit par le studio de Kiev, où il a été réalisé. Abram Room est licencié. Le film ne sortira sur les écrans soviétiques qu'en 1974.

Production : 50 films (longs métrages de fiction)

1937
  • Deuxième procès de Moscou : 13 condamnations à mort.
  • Début de la purge de l'armée.
  • A Moscou : 31 salles de cinéma montrent en moyenne 11 films par semaine tous soviétiques
  • Le GUKF est remplacé par le GUK, Direction générale du cinéma, toujours dirigé par Choumiaski.
  • De mars à juin 1937, violente campagne de presse contre la deuxième version du Pré de Béjine d'Eisenstein, accusée d'être trop formaliste. Le film fut interdit de sortie, la seule copie conservée a brûlé pendant la guerre. En 1968, Kleiman et Youtkevitch ont réalisé un montage de quelques images du film qui avaient été conservées.

Production : 40 films (longs métrages de fiction)

1938
  • Troisième procès de Moscou dit "des 21" : 18 exécutions.
  • Beria remplace Ejov à la tête du NKVD.
  • La langue russe est obligatoire dans toutes les écoles d'URSS.
  • Accords de Munich entre l'Allemagne, la France, la Grande Bretagne et l'Italie.
  • 8 janvier : arrestation de Choumiaski, accusé de sabotage ayant conduit à la production d'un nombre jugé insuffisant de films. Il sera fusillé en juillet. L'opérateur Vladimir Nilsen subit le même sort. Aussitôt après son arrestation, Choumiatski est remplacé par Semion Doukelski, ancien directeur régional du NKVD.
  • Doukelski nomme une commission chargée de recueillir l'avis des professionnels qui reprocheront le manque de scénarios, le dépassement fréquent des budgets des films et les mauvaises relations entre les professionnels et le GUK (Direction générale du cinéma)
  • Février : une commission chargée de visionner les films une fois terminés et d'en autoriser ou non la sortie est créée par le Bureau Politique. Elle comprend trois personnes dont Doukelski qui y jouera le rôle principal.
  • Mars : création d'un Comité du cinéma placé sous l'autorité directe du Conseil des commissaires du peuple. Il s'agit "d'unifier et d'améliorer la direction des affaires cinématographiques et de régulariser l'industrie du film, sa production et sa distribution."
  • Décembre : le Conseil des Commissaires du peuple décide la suppression des droits d'auteur.

Production : 44 films (longs métrages de fiction)

1939
  • Mars : XVIIIe Congrès du Parti communiste, annonce de la fin des purges massives
  • Pacte germano-soviétique (23 août), début de la 2e guerre mondiale(1er septembre, sans l'Union soviétique), partage de la Pologne (septembre), début de la guerre finno-soviétique(novembre, jusqu'en mars 1940).
  • 3 août : création de la Direction de l'Agit-prop confiée à G. F. Alexandrov [Ne pas confondre avec le réalisateur G.V. Alexandrov] et placée sous l'autorité de Jdanov.
  • Juin : Doukelski est remplacé par Ivan Bolchakov, ancien commissaire du peuple à la Marine.

Production : 57 films (longs métrages de fiction)

1940
  • Annexion, par l'URSS, des Etats Baltes et de la Bessarabie.
  • Massacre à Katyn (région de Smolensk) de 4000 officiers polonais par le NKVD.
  • Assassinat de Trotski à Mexico.
  • Janvier : création de conseils artistiques dans les principaux studios
  • Juillet : les cinq réalisateurs Trauberg, Kozintsev, Romm, Ermler et Alexandrov écrivent une lettre à Staline qui critique sévèrement le fonctionnement du Comité du cinéma, une centralisation excessive et le règne de la bureaucratie.
  • 7 août : une note de la direction de l'Agit-prop adressée aux Secrétaires du Comité central reprend à son compte les critiques formulées par les réalisateurs dans leur lettre à Staline de juillet.
  • 7 août : sortie sur les écrans du film Lénine en 1918 (Ленин в 1918 году), 1939, de Mikhaïl ROMM (Михаил РОММ)
  • 15 août : La Loi de la vie, Le Vieux jockey sont interdits
  • 16 août : un article de La Pravda critique violemment le film La Loi de la vie dans lequel au cours d'une soirée de fête d'étudiants, le secrétaire du komsomol vante l'amour libre et les plaisirs de la bouteille.
  • 22 août : Le Bureau Politique décide de créer une commission chargée de visionner les nouveaux films.
  • 9 septembre : réunion au Comité central de 22 personnes dont Staline et d'autres membres de Bureau Politique, des réalisateurs de La Loi de la vie, de son scénariste Avdeenko et de quelques autres écrivains. Au cours de cette réunion Avdeenko est violemment critiqué. Il sera excludu Parti communiste et de l'Union des écrivains.
  • 23 décembre : le Comité central décide d'organiser une réunion entre représentants des professionnels du cinéma et représentants du Comité central. Cette réunion, prévue pour le 20 janvier, n'aura lieu que les 14 et 15 mai 1941.

Production : 46 films (longs métrages de fiction)

1941
  • 22 juin : Hitler envahit l'URSS. Le 24 juin est créé un Conseil de l'évacuation et le 30 juin est institué le Comité d'Etat pour la défense (GKO) présidé par Staline.
  • 3 juillet : allocution radiodiffusée de Staline.
  • 8 septembre: début du siège de Léningrad qui durera jusqu'au 27 janvier 1944.
  • Octobre : début de la bataille de Moscou qui s'achèvera fin janvier 1942
  • 8 décembre : Pearl Harbor, les Etats-Unis entrent en guerre.
  • 14-15 mai : rencontre officielle de représentants du Comité central avec 46 professionnels du cinéma dont 27 réalisateurs. La réunion est présidée par Jdanov. Parmi les intervenants, sept réalisateurs connus (Alexandrov, Chenguelaïa, Dovjenko, Guerassimov, Youdine, Pyriev et Romm). Les principales critiques des professionnels du cinéma portent sur les contraintes et le conformisme bureaucratiques et s'adressent particulièrement à la direction du cinéma.
  • 2 juin : projet de résolution du Comité central sur la situation et les objectifs du cinéma. Ce projet, qui ne sera jamais finalisé en raison de la guerre, donne en partie satisfaction aux professionnels du cinéma en diminuant le rôle du Comité du cinéma et en donnant un peu plus d'autonomie aux Studios.
  • dès le 25 juin paraissent les premiers films d'actualité sur la guerre. De 1941 à 1945 seront produits 101 documentaires sur la guerre. A cette production s'ajoute celle des films d'actualité et des "albums cinématographiques de guerre" (Boevye Kinosborniki): séries de courts-métrages où se mélangent réalité et fiction et dont certains ont été réalisés par les plus grands réalisateurs de l'époque - Poudovkine, Donskoï, Barnet, Kozintsev, Trauberg, Youtkevitch...)
  • Création des studios de Alma-Ata (Kazakhstan).
  • 4 juillet 1941 : le Comité du cinéma est évacué à Novossibirsk, une partie de ses bureaux regagnera Moscou à partir de janvier 1942.
  • De novembre 1941 à février 1942 : Les studios Mosfilm et Lenfilm sont évacués à Alma-Ata et constituent avec les studios de Alma-Ata le TSOKS (Union centrale des studios de cinéma) qui produira 80% des films soviétiques jusqu'en 1944; le studio Soyouzdetfilm est évacué à Douchambé (Tadjikistan), ceux de Kiev sont évacués à Achkhabad (Turkmenistan). Pendant cette période, les principaux studios seront physiquement séparés du comité du cinéma qui, à partir de janvier 1942, retrouvera ses bureaux moscovites. Cet éloignement explique, au moins partiellement, un certain relâchement de la censure de la fin 1941 au début 1943.
  • Des films interdits après la signature du pacte germano-soviétique parce que jugés germanophobes, tels que Alexandre Nevski, ou des films antifascistes tels que Professeur Mamlok ou La famille Oppenheim, sont à nouveau autorisés.

Production : 64 films (longs métrages de fiction)

1942
  • Début de la bataille de Stalingrad (juillet) qui se terminera par la défaite allemande (2 février 1943)
  • Rencontre de Staline et Churchill à Moscou.
  • Avril : création du Comité antifasciste juif, présidé par l'acteur S. Mikhoels.
  • Le cinéma soviétique privilégie les films qui exaltent le courage du peuple soviétique face à l'ennemi.
  • Le 17 août, une note de la direction de l'Agit-prop dénonce le fait que "dans de nombreuses institutions censées représenter l'art russe, les Russes sont en minorité nationale".
  • Le 20 août à la Maison de l'architecture à Moscou, des cinéastes soviétiques (Eisenstein, Poudovkine, Dovjenko, Karmen...) vantent les mérites du cinéma américain (Chaplin, Ford, Capra...)
  • Octobre : le président du comité du cinéma s'oppose au choix de F. Ranevskaïa pour l'interprétation du rôle de Evfrosina dans Ivan le Terrible. Elle sera remplacée par S. Birman.
  • un certain nombre de personnalités juives du cinéma sont écartées de leurs postes de responsabilité sans raison officielle et remplacées par des non juifs (Trauberg, Raizman, Romm).

Production : 33 films (longs métrages de fiction)

1943
  • 2 février : défaite des Allemands à Stalingrad.
  • 15 mai : dissolution du Komintern.
  • Janvier, Romm écrit à Staline et à G. F. Alexandrov pour dénoncer le bureaucratisme du Comité du cinéma et demander l'organisation d'une réunion d'un groupe de professionnels reconnus du cinéma. Cette réunion sera refusée, Romm sera reçu seul par G.F. Alexandrov.
  • 17 février 1943 : création, au sein de la Direction de l'Agit-prop, d'un secteur cinéma dont la direction est confiée à S. Kovalev.
  • 18 mars : une décision du Comité Central impose au Comité du cinéma de lui présenter les scénarios pour autorisation avant de commencer le tournage. C'est un renforcement du rôle de l'Agit-prop, dirigée par G.F. Alexandrov par rapport au Comité du cinéma dirigé par Bolchakov. Cependant plusieurs films sortent sur les écrans sans avoir été approuvés par le Comité central et malgré les critiques de l'Agit-prop. C'est le cas de Elle défend sa patrie de Ermler, Nasrédine à Boukhara de Protazanov et de Au nom de la patrie de Poudovkine et Vassiliev. A contrario le film Nous, ceux de l'Oural de Koulechov est autorisé par le Comité du cinéma à sortir sur les écrans le 20 décembre 1943 puis interdit début janvier 1944 par le Comité central à la demande de G.F. Alexandrov.
  • Printemps 1943 : le Comité du cinéma envisage de remplacer Mosfilm par un nouveau studio Rusfilm qui serait réservé au cinéma russe et dans lequel ne travailleraient que des Russes. Le projet ne verra jamais le jour et sera abandonné en 1944
  • Novembre : Le Comité Central interdit la publication du scénario, écrit par Dovjenko, L'Ukraine en flammes qui avait pourtant été approuvé par le Comité du cinéma.
  • Fin 1943 : le Comité central décide la création du Théâtre des acteurs de cinéma (teatr kinoaktiora)

Production : 23 films (longs métrages de fiction)

1944
  • Janvier : à la demande de G.F. Alexandrov, directeur de l'Agit-prop, interdiction du film Nous, ceux de l'Oural de Lev Koulechov pourtant sorti sur les écrans le 23 décembre 1943
  • 12 février : une résolution du Comité central d'Ukraine condamne "les erreurs antiléninistes" révélées par le scénario L'Ukraine en flammes et prive Dovjenko de toutes ses responsabilités, en particulier de la direction artistique des studios de Kiev.
  • Début 1944 : Les studios de Mosfilm et de Soyouzdetfilm réintègrent leurs locaux de Moscou qui ont assez peu souffert de la guerre.
  • Février : Création de la Direction du cinéma auprès du Conseil des commissaires du peuple des républiques d'Azerbaïdjan, d'Arménie, de Géorgie et d'Ukraine.
  • Avril - mai : Après l'interdiction par Staline de la diffusion d'un journal d'actualité consacré à la libération de la Crimée, une décision du Comité central du 15 mai critique les journaux d'actualités. La Direction des films d'actualité est supprimée, le studio des films d'actualité est renommé Studio des films documentaires et placé directement sous le contrôle du Comité du cinéma et dirigé par Guérassimov. Les réalisateurs les plus renommés (Alexandrov, Donskoï, Poudovkine, Pyriev, Romm,..) sont invités à réaliser des films documentaires, des récompenses sont prévues.
  • 5 septembre : le Bureau politique approuve la création d'un Conseil artistique à l'intérieur du Comité du cinéma formé de professionnels du cinéma, malgré l'opposition de Bolchakov directeur du Comité du cinéma. Sur 29 membres, 25 sont des créateurs parmi lesquels neuf réalisateurs (G.V. Alexandrov, S.D. Vassiliev, Guerassimov, Pyriev, Poudovkine, Romm, Savtchenko, Tchiaoureli, Eisenstein). Ce conseil doit visionner tous les films produits en URSS et conseiller ou déconseiller leur sortie, mais il n'a pas de pouvoir de décision. Il est présidé par Bolchakov, le vice-président est Pyriev. Membre très actif, Romm s'opposera souvent à Bolchakov. Les avis du Conseil artistique ne sont pas nécessairement suivis ni par le Comité du cinéma ni par le Comité central.

Production : 25 films (longs métrages de fiction)

1945
  • 5 septembre : suppression du Comité d'Etat pour la défense (GKO), créé dans les jours qui ont suivi l'invasion allemande. Le pays est à nouveau gouverné par le Conseil des Commissaires du peuple présidé par Staline.
  • 10-13 avril : la direction de l'Agit-prop réunit plus de 70 personnes pour dresser le bilan de l'état du cinéma dans les différentes républiques. A la quasi unanimité, la réunion dénonce le retard technique dont souffre le cinéma soviétique par rapport notamment au cinéma américain.
  • Juin : la revue Iskousstvo Kino, qui avait été interdite pendant la guerre, est autorisée à reparaître. Les membres du comité de rédaction sont issus du Conseil artistique. Le premier numéro paraît en octobre.
  • 2 juin : 13 acteurs et réalisateurs célèbres envoient à Malenkov (Secrétaire du CC) une pétition pour protester contre l'exiguïté du Théâtre des acteurs qui abritait à l'époque 120 artistes.
  • Août : pour compenser la suppression des droits d'auteur en 1938, une décision du Conseil des commissaires du peuple autorise le Comité du cinéma à attribuer aux scénaristes jugés méritants une prime d'un montant maximum de 80 000 roubles.

Production : 19 films (longs métrages de fiction)

1946
  • Mars : les commissaires du peuple deviennent des ministres. Bolchakov devient ministre du cinéma.
  • 13 avril : une réunion du Bureau politique, présidée par Staline, redistribue les responsabilités au niveau du Secrétariat, Jdanov retrouve le poste de Directeur général de l'Agit-prop et devient le second personnage de l'état au détriment de Malenkov
  • 26 janvier : la première partie d'Ivan le Terrible reçoit le prix Staline, malgré l'avis de la commission de sélection et sur décision personnelle de Staline.
  • 5 mars : le Secrétariat du Comité central interdit la sortie de la deuxième partie d'Ivan le Terrible pour "anti-historicité et anti-esthétisme". A l'issue d'une projection privée du 2 mars, Staline aurait dit "Ce n'est pas un film, c'est un cauchemar". La décision restera secrète jusqu'au début de l'été. Le film restera interdit jusqu'en 1958.
  • 18 avril : dans une réunion de la Direction de l'Agit-prop, Jdanov déclare "Le camarade Staline a dit que nous avions besoin d'une critique objective, indépendante du monde des écrivains, autrement dit une critique que seule la Direction de l'Agit-prop est capable d'organiser."
  • 26 avril : Jdanov réunit une quarantaine de professionnels du cinéma pour leur signifier la nécessité de préparer un nouveau plan de production qui doit "assurer la propagande des qualités que nous estimons naturellement indispensables de développer chez les Soviétiques et de les leur inoculer". Au cours de cette réunion, Romm critique le processus de la censure et dénonce la bureaucratisation de la production cinématographique.
  • 1er semestre, nomination par le Bureau politique de 4 vice-ministres du cinéma dont le réalisateur Kalatozov.
  • 11 mai : Le Secrétariat du Comité central demande à Poudovkine de faire un grand nombre de changements précis à son dernier film, L'Amiral Nakhimov. Cette décision a été vraisemblablement approuvée par Staline à la demande de Malenkov sans intervention de Jdanov. Poudovkine acceptera de faire ces changements et la deuxième version présentée à l'automne sera acceptée.
  • Mai-juin : approbation par le Bureau politique d'un nouveau plan de production cinématographique, création de ministères du cinéma dans différentes républiques. Le plan demande que 11 thèmes soient traités.
  • Mai-juin : modification de la composition du Conseil artistique, le nombre de ses membres passe de 29 à 34, les nouveaux membres sont principalement des responsables politiques mais les professionnels du cinéma restent majoritaires
  • 20 juillet : un article de Koultoura i jizn intitulé "Un film mensonger" critique vivement le dernier film de Kozintsev et Trauberg Des gens ordinaires. Le film sera interdit jusqu'en 1956, il avait pourtant été proposé à la sortie par le Conseil artistique, malgré quelques réticences, le 11 janvier.
  • 4 septembre : résolution du Comité central consacré au cinéma qui condamne 4 films : Une grande vie, L'Amiral Nakhimov, Des gens ordinaires et la deuxième partie d'Ivan le Terrible. Cette résolution était un désaveu des opinions exprimées par le Conseil artistique sur ces films.
  • 12 septembre : réunion du Conseil artistique qui propose un texte intitulé "Adresse du Conseil artistique au ministère du Cinéma et au Comité central". Dans ce texte, le Conseil artistique approuve les reproches faits aux 4 films condamnés mais en rend reponsables les conditions de travail des réalisateurs. La plus grande partie de ce texte est consacrée aux difficultés matérielles que doit surmonter le cinéma soviétique. Le texte est refusé par Bolchakov, ministre du cinéma. Il ne sera pas officiellement transmis mais reste dans le compte rendu de la séance.
  • 14-17 septembre : une réunion, organisée et présidée à Moscou par le Ministre du cinéma avec le soutien du Secrétariat du Comité central, rassemble une soixantaine de professionnels du cinéma parmi les plus connus. Le ministre rend les professionnels responsables des échecs du cinéma soviétique. Un certain nombre de réalisateurs (Romm, S.D. Vassiliev, Pyriev et Donskoï) critiquent violemment le ministère du cinéma et sont soutenus par des applaudissements nourris de l'assemblée. Les principales critiques formulées sont : nombre trop élevé d'instances ayant un pouvoir de censure, manque d'autonomie des professionnels, rémunération insuffisante des scénaristes, non renouvellement des cadres du cinéma...
    Les critiques formulées contre les cinéastes seront utilisées par les responsables de l'Agit-prop contre Bolchakov, ministre du cinéma.
  • 22 novembre : un rapport du ministre du Contrôle d'Etat, intitulé "Les vols massifs du patrimoine public et des biens matériels dans les studios du Ministère du cinéma" est adressé à Beria, K.E. Vorochilov et Jdanov.
  • 16 décembre : résolution du Bureau politique qui vise à rationnaliser la production cinématographique et renforcer le contrôle du ministère du cinéma et des professionnels. La censure des scénarios est réduite au Conseil artistique et au ministre du cinéma. C'est le Conseil des ministres qui valide les plans annuels de production et donne l'autorisation de sortie et l'interdiction des films. C'est le Comité central qui définit le plan thématique annuel (ensemble des sujets que le cinéma doit traiter dans l'année).
  • 1946 : la distribution des films a rapporté 3 milliards de roubles dont seulement un tiers a été investi dans le cinéma.

Production : 23 films (longs métrages de fiction)

1947
  • 28 mars : décision d'organiser des tribunaux d'honneur dans les grandes administrations et institutions pour lutter contre "l'influence nuisible de l'idéologie bourgeoise". Ces tribunaux seront abandonnés en 1948.
  • 26 mai : suppression de la peine de mort qui sera rétablie en 1950
  • Février : Eisenstein, accompagné de l'acteur N.Tcherkassov, est reçu par Staline, entouré de Jdanov et Molotov. Eisenstein mourra un an plus tard sans avoir pu commencer la troisième partie d'Ivan le Terrible.
  • Avril : remaniement du Conseil artistique dont le nombre de membres passe de 34 à 17. Aucun des 17 membres n'est un professionnel du cinéma. La plupart sont des responsables politiques dont quatre sont des membres de la Direction de l'Agit-prop. Le Conseil artistique se réunira en général une fois par semaine. Ses avis sont envoyés systématiquement au Directeur de l'Agit-prop et à Jdanov et, à partir de la fin 1947, au Secrétariat du Comité central et à Staline à partir de janvier 1948.
  • 17 juillet : après avoir visionné le 3 juillet le film Lumière sur la Russie de Serguëi Youtkevitch - la première vision avait eu lieu le 14 novembre 1946 - le Conseil artistique en recommande la diffusion dans les salles. Quelques jours plus tard le réalisateur reçoit l'ordre de remanier son film. La deuxième version sera revue par le Conseil artistique le 16 octobre et le film définitivement interdit le 13 décembre. La première version du film a été détruite et l'interdiction de la deuxième version a été levée après la mort de Staline mais le réalisateur s'est opposé à sa sortie dans les salles.
  • 8 septembre : dans une lettre envoyée à Jdanov, Bolchakov, ministre du cinéma déclare qu'avant la guerre l'URSS possédait 18 000 appareils de projection contre 14 500 en 1945 et qu'il n'avait pas les moyens de réaliser le plan qui prévoyait 43 700 appareils de projection en 1950.
  • 17 septembre : G.F. Alexandrov est limogé de son poste de Directeur de l'Agit-prop et remplacé par Souslov. Jdanov en reste le Directeur général. A nouveau condamné par un tribunal d'honneur en novembre, il recevra un blâme mais sera nommé quelque temps plus tard directeur de l'Institut de philosophie de l'Académie des sciences de l'Union soviétique.
  • 4 octobre : le Comité central décide l'interdiction de la publication dans la presse de toute information sur des films n'ayant pas reçu l'autorisation officielle de sortie.
  • 21 octobre : rapport d'Ilitchev sur "les possibilités de diminuer les dépenses dans le cinéma tout en augmentant les revenus dans ce secteur".
  • Novembre : Gridassov, directeur adjoint de l'Institut national du cinéma, et deux de ses collaborateurs sont limogés à la suite d'une décision d'un tribunal d'honneur.

Production : 23 films (longs métrages de fiction)

1948
  • Janvier : assassinat de Mikhoels, directeur du Théâtre juif de Moscou et président du Comité antifasciste juif.
  • 15-18 mai : l'URSS reconnaît l'Etat d'Israël.
  • 20 novembre : dissolution du Comité anti-fasciste juif, début de la campagne anticosmopolite qui affirme la supériorité du socialisme soviétique et accuse ceux qui soutiennent les valeurs occidentales d'être anti-russes.
  • 11 février : mort de Sergueï Eisenstein, suite à des problèmes cardiaques.
  • 30 mars : une décision du Conseil des ministres prévoit la sortie de 70 nouveaux longs métrages (tous genres confondus), d'augmenter le nombre de copies pour les films de fiction de 700 à 900, d'augmenter le nombre de séances journalières dans les salles, de supprimer un certain nombre d'entrées gratuites.
  • 7 avril : le Secrétariat du Comité central demande au directeur de l' Agit-prop de "charger le camarade Souslov, en collaboration avec des travailleurs du ministère des Finances, d'examiner la possibilité de diviser par deux les sommes dépensées pour la production des films et de préparer des mesures pour multiplier par deux les revenus provenant du cinéma."
  • 5 mai : rapport de Mekhlis, ministre du Contrôle d'Etat, sur l'application de la résolution du 16 décembre 1946 de rationalisation de la production cinématographique. Le rapport dénonce le sous-emploi des artistes du théâtre des acteurs de cinéma et le coût élevé de certaines superproductions (10 millions de roubles pour L'Amiral Nakhimov). Mais il signale surtout le coût élevé de la censure - sans prononcer le mot -.
  • 14 juin : résolution du Bureau politique qui réduit de 69 à 53 le nombre de films du plan de production pour 1948. En fait, seulement 16 seront réalisés.
  • Juillet : le Bureau politique supprime la Direction de l'Agit-prop et la remplace par un secteur (otdel) de l'Agit-prop. Les effectifs avaient au préalable été réduits de 20%
  • août : le Comité central autorise le ministère du Cinéma à diffuser 50 films étrangers (en 1947 huit films étrangers avaient été diffusés). Les raisons de cette décision semblent essentiellement financières. Ces films sont choisis dans un ensemble de "films trophées" récupérés pendant la guerre qui compte 8813 titres dont 3023 films de fiction essentiellement américains, allemands et français.
  • 10 août : résolution du Conseil des ministres sur la "réorganisation des studios de cinéma et les mesures permettant d'augmenter les profits réalisés par l'industrie cinématographique". Les studios les moins importants (Erevan, Bakou, Minsk, Alma-Ata, Tachkent, Riga) sont transformés en lieux de production de films de fiction et de documentaires. Le Studio de Sverdlovsk est réduit à la production de films éducatifs. Le Théâtre des acteurs de cinéma est réorganisé et renommé Studio des acteurs
  • 31 août : mort de Jdanov d'une crise cardiaque. Il est remplacé par Malenkov. Le 13 janvier 1953, un article de la Pravda accuse "les médecins du complot des Blouses blanches" d'avoir assassiné Jdanov. Ce sera le prétexte à une nouvelle purge contre les juifs.
  • septembre : création de Gosfilmofond qui, d'abord conçu pour héberger et restaurer les films étrangers, s'occupera très vite de la conservation des films soviétiques et deviendra l'une des plus grandes archives cinématographiques du monde.

Production : 17 films (longs métrages de fiction)

1949
  • 25 janvier : création du Comecon (l'OTAN a été créée le 4 avril).
  • fin janvier : Staline crée une commission chargée d'enquêter sur le Parti de Leningrad et dirigée par Malenkov. Quelques mois plus tard, un certain nombre de personnes accusées de "liens avec le groupe antiparti de Léningrad" sont arrêtées et exécutées en 1950 (A.A. Kouznetsov, Popkov, Voznessenski.
  • Septembre : première bombe A soviétique (l'explosion a eu lieu le 29 août et est officiellement annoncée le 25 septembre)
  • 1er octobre : l'URSS reconnaît dès sa fondation la République populaire de Chine et rompt avec Tchang Kaï-Tchek
  • - interdiction de diverses publications et organisations culturelles liées au Comité antifasciste juif. Nombreuses arrestations d'intellectuels dont certains seront déportés en Sibérie et d'autres exécutés en 1952. - les cinématographies occidentales sont très critiquées, les films étrangers, à l'exception de ceux qui viennent des démocraties populaires, disparaissent des écrans.
  • Janvier : un rapport du ministre du cinéma à l'attention de Staline annonce que, suite aux décisions du Conseil des ministres du 10 août, les effectifs des employés du cinéma ont diminué de 21%, les dépenses concernant la production en 1948 ont baissé de 30%.
  • Janvier : adoption du plan de production cinématographique qui prévoit la production de 19 longs métrages de fiction dont trois en couleur.
  • 24-28 février : réunion au ministère du cinéma au cours de laquelle un certain nombre de cinéastes d'origine juive sont accusés, par le ministre et aussi certains réalisateurs (Alexandrov, Poudovkine...), d'être les fondateurs d'un "groupe antipatriotique de partisans de l'esthétisme bourgeois et du cosmopolitisme". Parmi les accusés : Bleiman, Youtkevitch, I.Z. Trauberg, N.A. Kovarski, Soutyrine, Otten. Plusieurs sont exclus des postes qu'ils occupaient.

Production : 18 films (longs métrages de fiction)

1950
  • 12 janvier : rétablissement de la peine de mort pour les espions, les traîtres et les saboteurs (elle avait été supprimée en 1947).
  • Vague d'exécution dans les camps de prisonniers.
  • 31 août : Un article de l'officiel Koultoura i jizn condamne la baisse de production cinématographique.
  • 14 décembre : mort du réalisateur Igor Savtchenko au cours du tournage de Taras Chevtchenko

Production : 13 films (longs métrages de fiction)

1951
  • Novembre : début de "l'affaire mingrélienne" : arrestation en Géorgie d'un groupe de cadres mingreliens.
  • Publication par la Pravda d'un projet de Khrouchtchev prévoyant la disparition des villages traditionnels au profit de vastes "agrovilles".
  • publication par la revue Iskousstvo Kino d'un article de Poudovkine : Le système Stanislavski au cinéma.

Production : 9 films (longs métrages de fiction)

1952
  • condamnation et exécution de nombreuses personnalités d'origine juive.
  • 10 mars : l'URSS propose la réunification de l'Allemagne pour dissuader la RFA de participer à la Communauté de défense européenne
  • 5-14 octobre : XIXe congrès du PCUS : objectifs d'augmentation de la production de 80% pour l'industrie lourde, 60% pour les biens de consommation, 40 à 50% pour les céréales.
  • octobre : lors du XIXe Congrès du parti, Malenkov lance une campagne d'augmentation de la production.

Production : 24 films (longs métrages de fiction)

1953
  • Janvier : "complot des blouses blanches"
  • 5 mars : mort de Staline. G. Malenkov, Président du Conseil des ministres et membre du Secrétariat du Comité central, fait figure de successeur de Staline.
  • 14 mars : Malenkov démissionne du Secrétariat mais reste Président du Conseil des ministres. Khrouchtchev occupe le poste de Premier secrétaire du Parti communiste (le poste de Secrétaire général qu'occupait Staline n'est pas pourvu), il sera officiellement confirmé à ce poste le 13 septembre.
  • 27 mars : première amnistie
  • 4 avril : réhabilitation des médecins du « complot des blouses blanches »
  • 12 août : l'Union soviétique possède la bombe H.
  • 23 décembre : Exécution de Béria
  • Construction de studios à Bakou, Riga, Tachkent et Minsk
  • début de la reconstruction des studios Mosfilm et Lenfilm
  • 13 janvier : la Pravda accuse "les médecins du complot des blouses blanches" d'avoir assassiné Jdanov.
  • 30 septembre : mort de Vsevolod POUDOVKINE. Son dernier film, La Moisson (Возвращение Василия Бортникова) réalisé en 1952, est souvent considéré comme annonciateur du dégel

Production : 45 films (longs métrages de fiction)