Ciné-club Ukrainien


Espace culturel et d’information de l’Ambassade d’Ukraine

22, avenue de Messine, Paris 8ème
Métro Miromesnil - Tel. 01 43 59 03 53

Entrée libre
Réservation souhaitée au 01 43 59 03 53


Site officiel





Mardi 1er juin 2010, 19h

 

LES SCEAUX DE L’HETMAN
(ГЕТЬМАНСЬКІ КЛЕЙНОДИ)
vo





 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1993, 87 mn, coul.

Scénario : Serhiї Diatchenko, Léonide Ossyka

Réalisation : Léonide Ossyka

Photographie : Vadim Illienko

Décors : Inna Bytchenkova

Musique : Volodymyr Houba

Son : Bohdan Mykhnevytch

Inteprétation : Serhiї Romaniouk, Loudmyla Yefimenko, Lès Serdiouk, Svitlana Kniazeva, Boris Khmelnytskyi, Volodymyr Kolada, Volodymyr Holoubovytch, Kostiantyn Stepankov, Taїssia Lytvyvenko, Vladyslav Kryvonohov, Svitlana Krout.

Genre  : drame historique


Synopsis

Après la mort de l’Hetman Bohdan Khmelnytskyi, l’Ukraine se déchire pour sa succession. D’un côté, la majorité des officiers supérieurs cosaques qui ont soutenu Khmelnytskyi lors des guerres contre les Polonais, de l’autre les prorusses regroupés autour du colonel Martin Pouchkar qui ambitionne de devenir le maître de l’Ukraine, appuyé par une partie des Cosaques Zaporogues opposés à l’élection du nouvel Hetman Ivan Vyhovskyi. Les sceaux de feu l’Hetman gardés par sa fille Olèna sont convoités par Zahrava qui n’hésite pas à enlever la femme et les deux enfants de Jourba, fidèle serviteur de l’Hetman.



Opinion

Léonide Ossyka, qui depuis Zakhar Berkout (1971) espérait monter une superproduction historique, réalise en 1993 le dernier film de sa carrière Les Sceaux de l’Hetman, d’après le roman de Bohdan Lepkyi L’Abîme. Interdit en Ukraine Soviétique, le roman décrit les événements de 1659 sur fond d’infamies, de forfaitures et de luttes intestines de la noblesse cosaque. L’Ukraine risque de perdre son indépendance car la Russie ne la considère plus comme un pays ami mais comme l’objet de son expansion territoriale, passant outre le traité d’alliance qu’elle avait signé avec elle en 1654. Le sujet est traité à la limite du film d’aventures avec des héros exempts de contradiction. Après maints rebondissements et un duel final entre Zahrava (Boris Khmelnytskyi) et Valko Bossakivskyi (Serhiї Romaniouk), les sceaux seront enterrés, à l’insu de tous, par Olèna (Loudmyla Yefimenko) et Valko qui s’en iront vivre avec la mémoire des lieux. Filmé dans une authentique propriété cosaque, Les Sceaux de l’Hetman ne s’inscrit pas dans la série des western-borchtch, méthode décriée par Léonide Ossyka à l’encontre des réalisateurs comme Boris Chylenko (La Vallée noire) ou Serhiї Omeltchouk (La Marche des Cosaques). Pas vraiment un film à thèse ni film d’auteur, il est un dernier adieu au cinéma et à l’Ukraine auxquels le réalisateur se consacra corps et âme, avec ses acteurs fétiches, Svitlana Kniazeva, Kostiantyn Stepankov, Lès Serdiouk et tant d’autres. Le personnage central est interprété par le quadragénaire Serhiї Romaniouk dont la première apparition sur les écrans annonce l’un des plus grands acteurs du cinéma ukrainien contemporain.

Au moment de la sortie du film, il était intéressant de comparer la crise politique, économique et culturelle des toutes premières années de l’indépendance de l’Ukraine de 1991 avec le thème du film sur l’époque cosaque communément appelée les Temps de la ruine. La projection dans l’actualité immédiate était frappante : lutte pour le pouvoir, résistances passéistes, sentiment de semi-liberté ou de semi-indépendance où chacun se repent mais n’en fait qu’à sa tête. Souvent en avance ou en adéquation avec son temps, Léonide Ossyka termine sa carrière à un moment clef de la renaissance de sa patrie. L’Histoire retiendra que Les Sceaux de l’Hetman était en cours de réalisation lors de la remise solennelle des Grands Sceaux de la République Nationale d’Ukraine par le président en exil Mykola Plaviouk au président en exercice Léonide Kravtchouk. La hache de guerre était définitivement enterrée.

Dans la foulée, Ossyka n’entreprendra pas son nouveau long métrage, Dovbouch, mis en chantier scénaristique et liste d’attente depuis plus de vingt ans, car jugé trop coûteux. Dans un ultime effort, il se lancera avec Lès Serdiouk, dans un projet sans lendemain. Après quelques jours de tournage, Et ne nous soumets pas à la tentation est abandonné, faute d’argent. Le réalisateur décèdera en 2001, après Ivan Mykolaїtchouk (1987) et Serge Paradjanov (1990), les deux grands ténors du courant de l’Ecole de Kiev.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 4 mai 2010, 19h

 

LES CLOCHES DE PAILLE
(СОЛОМ’ЯНІ ДЗВОНИ)
vostf


Avec le concours d’Arkeion Films




 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1987, 142 mn, coul.

Scénario : Youriї Illienko

Réalisation : Youriї Illienko

Photographie : Youriї Illienko

Décors : Alexandre Danylenko, Alexandre Cheremet

Son : Bohdan Mykhnevytch

Montage : E. Soummovska

Directeur de production : Mykola Vesna

Inteprétation : Lès Serdiouk, Pylyp Illienko, Serhiї Pidhornyi, Mylhaїlo Holoubovytch, Nina Matvienko, Loudmyla Yefimenko, Borys Galkine, Maїa Boulgakova, Serhiї Haletiї, Mykola Mouraviov, Natalia Soumska, Olga Soumska, Vassyl Tsybenko, Dmytro Tsapenko, Loudmyla Lobza, Victor Demertach.

Genre  : drame psychologique


Récompenses : Prix du meilleur acteur à Lès Serdiouk au XXVIème Festival International du film de Karlovy Vary de 1988. Prix décerné à Youriї Illienko pour sa contribution au développement du cinéma ukrainien au Festival républicain de Dnipropetrovsk en 1988.


Synopsis

Quelqu’un a tiré sur Vilhota, père du collabo Yourko, tué naguère par les partisans. Vilhota, qui fut en cheville avec les fascistes, cache soigneusement ce fait connu de tout le monde et du jeune Sachko que soupçonne le milicien chargé de l’enquête. Se sentant menacé, Vilhota veut se débarrasser du milicien et de Sachko avant que n’intervienne Yakiv Tcherneha, le père de Sachko.



Opinion

C’est avec Les Cloches de paille que prend fin, en pleine perestroïka, la période de contrainte idéologique du cinéma de Youriї Illienko. Au Festival de Dnipropetrovsk, le Prix de la contribution personnelle au développement du cinéma ukrainien lui est remis en 1988, dès son retour de Toronto, où il fut l’invité d’honneur au Festival du film ukrainien en compagnie des poètes et scénaristes Ivan Dratch et Dmytro Pavlytchko. Il y avait montré ses œuvres maîtresses, Une source pour les assoiffés, La Nuit de la Saint-Jean, mais son dernier opus Les Cloches paille ne fut projeté qu’en huis clos dans une salle communale.
Ne subissant plus la pression idéologique brejnévienne, par laquelle il avait perdu la lucidité de regard du cinéma d’auteur de ses débuts, Illienko amorce une transition vers un art plus libéré. Les personnages de sa dramaturgie, bons et méchants, rouges ou bruns, paient une dernière fois leurs trahisons mutuelles et paranoïa lassante par nettoyage ethnique et éthique. Et si ce film reste en-deçà des films à constat social de ses confrères Mykhaїlo Biélikov (La Désintégration), Léonide Ossyka (Entrez, assoiffés), ou des films tentés par l’argument commercial de Roman Balaїan (Le Fileur) et de Viatcheslav Krychtofovytch (Femme seule désire rencontrer), il suit le postulat logique et immuable des propres choix thématiques du réalisateur. Ces choix sont empruntés à la littérature soviétique ukrainienne centrée sur l’Histoire, comme le confirme sa filmographie tout entière.
Tiré du récit de l’écrivain Yevhen Houtsalo La Zone morte, ce dixième long métrage de Youriї Illienko se passe de musique, comme jadis dans Une source pour les assoiffés, mais porte un titre métaphorique, allusif aux bruissements mélodiques des champs de seigle communément appelés cloches de paille. Relayées par la voix de la chanteuse Nina Matvienko, ces mélopées traduisent les misères d’une nation soumise aux maintes invasions et occupations ennemies. Elles épousent les réminiscences de la réalité filmophanique, entrelacée de scènes d’une extrême violence autour d’une population traumatisée par l’occupation allemande et la police supplétive. La scène de la pendaison, l’insoutenable scène où un nouveau-né est jeté sur un toit de chaume dévoré par le feu, évoquent la barbarie nazie dans l’Arc-en-ciel de Marc Donskoï. Irréaliste, celle du réveillon de Noël met en émoi toute une famille contrainte de manger une nourriture dans une écuelle vide, sous l’œil d’un officier allemand. Au fil du récit filmique, la caméra de Youriї Illienko annonce son retour aux impulsions oniriques et surréalistes, notamment dans les plans aériens expressément chagalliens. L’interminable séquence, où apparaissent en enfilade wagons et compartiments d’un train, véritable morceau d’anthologie fixant dans un long travelling les parias et les nantis de la population au sortir de la guerre, est digne d’une invention fellinienne. L’interprétation très convaincante de Lès Serdiouk dans le rôle de Vilhota, sans doute le plus émouvant de sa carrière, de Loudmyla Yefimenko dans le rôle de la démente, et de Pylyp Illienko dans celui de Yachko, atteste d’une direction d’acteur maîtrisée qui avait fait défaut au réalisateur pendant la stagnation. Les Cloches de paille met fin à la longue série de films qui stigmatisaient la participation des collabos à l’occupation allemande. Les frères Vadim et Youriї Illienko seront les premiers à revenir sur cette période sombre à travers leur nouveau film Le Dernier bunker (1990). Ils essaieront d’évacuer les clichés antinationalistes sans toutefois prétendre réhabiliter le maquis nationaliste, mais le replacer dans son contexte historique par rapport à la tournure que prennent les événements dans le nouveau paysage politique de l’Ukraine en marche vers son indépendance.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 6 avril 2010, 19h

 

AÉROGRAD
(АЕРОГРАД) vostf









 

Restauration numérique : Centre National Alexandre Dovjenko, IBS d’ART 2006, Kiev

Production : Mosfilm, Ukraїnfilm, 1935, 78 mn, nb.

Scénario : Alexandre Dovjenko

Réalisation : Alexandre Dovjenko
Assistants-réalisateurs : Youlia Solntseva, Stépan Kevorkov

Photographie : Edouard Tissé, Mikhaïl Guindine, Nikolaї Smirnov

Décors : Alexeï Outkine, Victor Panteleiev

Musique : Dimitri Kabalevsky
Texte des chansons : Victor Goussev

Son : Nikolaї Timartsev

Directeur de production : Oleg Kokhan

Inteprétation : Stépan Chahaїda, Stépan Chkourat, Sergueï Stoliarov, G. Tsoї, Boris Dobronravov, Nikolaї Tabounassov, Léonide Kan, I. Kim, Elena Maximova, Evguenia Melnikova, Volodymyr Ouralskyi.

Genre  : ciné-poème patriotique

 


Synopsis

Ami de Dersou Ouzala, le chasseur de tigres et frontalier Stépan Hlouchak poursuit deux saboteurs japonais dans la taïga. Après avoir tué le premier, il retrouve l’autre chez son ami Khoudiakov, lui-même en cheville avec les Japonais. Des vieux-croyants, manipulés par le koulak Chabanov, s’opposent à l’édification d’une ville sur la côte du Pacifique. Le soulèvement réprimé, Hlouchak exécute Khoudiakov pour trahison, alors que, par centaines, des avions déferlent sur la taïga, amenant les constructeurs d’une future cité.



Opinion

N’hésitant pas à s’expatrier à Moscou après la grande famine en Ukraine de 1932-33, Alexandre Dovjenko connaît un double exil l’éloignant à la fois de sa terre natale et de son univers créatif qu’il réimagine en Extrême-Orient, lors d’une longue expédition pour les repérages de son nouveau film, Aérograd. Avec le scénariste Alexandre Fadéiev, qui avait vécu sa jeunesse en Sibérie, il parcourt à l’automne 1933 la taïga, mais des divergences dans la conception même du film les séparent dès leur retour à Moscou. C’est finalement le réalisateur lui-même qui écrit le scénario, très différent du projet primitif. Tout en se prévalant du réalisme socialiste naissant, son scénario penche plutôt vers un romantisme pathétique et hymne à l’avenir radieux. Confronté pour la première fois à un paysage non-ukrainien, il trouve dans l’immensité du site un exutoire poétique, photographié par Edouard Tissé, qui n’altère en rien le style du tandem Dovjenko-Demoutskyi. Dans des conditions climatiques souvent très hostiles, il lance un défi au temps, à l’espace et à l’action. Plaidoyer héroïque et lyrique sur le patriotisme soviétique par sa forme, film de défense par son contenu, Aérograd demeure une synthèse de l’imaginaire et du visionnaire. Mais c’est aussi une mystification chère à l’âme slave qui abolit la notion du temps, recule les limites de l’espace et active la complexité des digressions philosophiques pour ne servir que le support idéologique et politique, la défense de la patrie contre l’infiltration d’espions insaisissables. Partant du projet de la construction de nouvelles villes qui serviront de base de défense aérienne sur la côte Pacifique, afin de parer à une éventuelle invasion japonaise de la Sibérie orientale, Aérograd reste invisible dans le film parce que futur objectif militaire dont l’emplacement est suggéré au cours d’une conversation avec Staline par Dovjenko lui-même : « Nous devons créer une ville au bord de l’océan, un second Vladivostok… Aérograd n’est pas une fiction d’artiste, mais la réalité de notre temps. Et si la ville n’existe pas encore, ce n’est pas bien grave. » Cité utopique, Aérograd reste un prétexte. Un jeune Tchouktche, courant 80 soleils pour y venir étudier, ne se sent nullement rebuté par son inaccessibilité. Si Aérograd n’existe pas encore, il le bâtira. Et si ce film d’anticipation s’inscrit dans la production de films appelés films de défense, aux avant-postes d’un cinéma de plus en plus martial, alimenté par des bandes vulgarisatrices traitant de la préparation militaire, il est d’abord un film sur la taïga et sur les hommes de la taïga. Humaniste, Dovjenko s’attarde sur la communauté des vieux-croyants, vieux-ritualistes schismatiques, réfractaires à la réforme de 1653. Pourchassés, vivant au fin fond de la taïga, ils sont utilisés par les Japonais en vue de leurs propres buts de conquête. Comme dans tous ses films précédents, le réalisateur traite le thème de la mort se fondant dans la magnificence du décor naturel. Lorsque le traître affronte sa propre exécution, c’est à la mort tragique d’André de Taras Boulba que pense le réalisateur. Dovjenko, qui depuis Zvenyhora a la fâcheuse manie d’hypertrophier les happy-end de ses films par des défilés militaires, n’échappe pas, une fois de plus, à cet exercice bolchevisant : parachutistes, aviateurs, marins, convergent par centaines vers Aérograd. Ceci conforte sa servile soumission dans la terreur stalinienne, lorsqu’il affirme qu’il se considère comme un combattant, un militaire dans les troupes du Parti. Proposé comme plat de résistance au Premier Festival kolkhozien de Kiev à l’automne 1935, âprement discuté et divisant les spécialistes, Aérograd ne tardera pas à quitter l’écran. Ayant trouvé asile à Moscou puis envoyé en Sibérie pour voir de quel bois il devait se chauffer, Dovjenko sera interpellé par Staline lors de la remise du Prix Lénine pour sa contribution à l’évolution de la cinématographie soviétique : « Il a encore une dette. Il nous doit un Tchapaiev ukrainien ». Le réalisateur retournera donc à Kiev pour tourner Chtchors dans un studio spécialement construit à cet effet. Son exil devenait-il alors un véritable asile plutôt qu’une double résidence pour cinéaste en mal de soutien ou en mal d’avenir ? À vrai dire, le cinéaste avait tout simplement une colossale aptitude à s’orienter dans les événements politiques et de passer à travers les purges et les confrontations directes avec le maître du Kremlin.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 2 mars 2010, 18h45

 

MELODIE POUR ORGUE DE BARBARIE
(Мелодія для шарманки) vosta



Projection suivie d’une intervention d’Eugénie Zvonkine auteur d’une thèse de doctorat intitulée « Les états de la dissonance dans l’œuvre de Kira Mouratova, 1958-2009 ».







 

Production : Studio d’Odessa, Sota Cinema Group, 2009, 153 mn, coul.

Scénario : Kira Mouratova, Vladimir Zouiev

Réalisation : Kira Mouratova

Photographie : Vladimir Pankov

Décors : Yevhen Holoubenko

Musique : Volodymyr Sylvestrov

Directeur de production : Oleg Kokhan

Inteprétation : Roman Bourlaka, Olena Kostiouk, Natalia Bouzko, Jean Daniel, Gueorgui Deliev, Renata Litvinova, Nina Rouslanova, Oleg Tabakov, Mykola Sliozka, Pylyp Panov.

Genre  : comédie dramatique

 


Récompense : Meilleur rôle féminin (Prix FIPRESCI) à Olena Kostiouk, au XXXIème Festival International du Film de Moscou 2009 ; Grand Prix au 38ème Festival Kinochok des pays de la CEI et des Pays Baltes (Anapa), 2009.

Synopsis

Le jour de Noël, le petit Nikita et sa demi-sœur Aliona dorment appuyés l’un contre l’autre dans un train qui les emmène en ville. Plus tard, nous comprendrons qu’ils sont à la recherche de leurs pères respectifs. Leur itinéraire semé d’embûches les mène à travers tous les lieux emblématiques de l’Ukraine contemporaine…



Opinion

Ce long-métrage est le dernier en date de Kira Mouratova, une cinéaste soviétique puis postsoviétique, aujourd’hui classée par Andrei Plakhov, l’un des critiques russes les plus en vue, comme l’une des « grands classiques vivants ». Réputée pour être une cinéaste marginale, Mouratova parvient à étonner et déranger avec chaque nouveau film. « Je ne représente aucune école, je n’en crée aucune et je n’en ai créée aucune, clame-t-elle. Tu es ce que tu es. Par exemple, je dis : je dois plaire en premier lieu à moi-même, et ensuite il me serait agréable de plaire aussi à l’humanité. Mais même si je ne le disais pas, je ne pourrais rien faire d’autre. Je peux dire : celui-ci, il fait des films pour l’argent, mais même pour l’argent, il fait aussi comme il sait, autrement dit, comme il aime, ce qu’il aime, ce qui lui plait. De toute façon, les gens font ce qu’ils peuvent, ce qui leur est caractéristique. »
Mélodie pour orgue de Barbarie, qui raconte l’histoire de deux orphelins à la recherche de leurs pères respectifs, n’échappe pas à la règle et se présente comme un film surprenant. Il semble prendre la suite de films-contes mouratoviens tels que Le Milicien amoureux (1992) où l’intrigue démarrait lorsqu’un milicien trouvait un bébé dans un chou. Il apparaît, en effet, de prime abord comme un conte de Noël, car il est émaillé de références aux grands classiques littéraires du genre tels que Le Petit garçon à l’arbre de Noël du Christ de Dostoïevski ou encore La Petite fille aux allumettes d’Andersen. L’imagerie de Noël parsème le film sous forme de sapins synthétiques aux couleurs criardes, qui surgissent dans la gare, le supermarché, le casino et les rues de la ville et qui sont vendus dans le train, ou encore sous forme de cartes postales et de chants de Noël. Mais cette imagerie est détournée ou inversée. Le conte de Noël se révèle être un anti-conte non seulement dans sa narration, mais également et surtout dans son refus de l’empathie et du miracle divin. La société que le parcours des enfants permet au spectateur de découvrir est une société éclatée, où se côtoient des personnages isolés et incapables de communiquer. Plus encore, des espaces entiers de cette société autiste semblent dédiés aux pratiques solitaires et soliloquantes. C’est le cas pour le supermarché, où l’action du film vient s’échouer. Si le film se refuse à être un simple conte, il ne se satisfait pas non plus de refléter l’état du monde contemporain. À travers quelques éléments, nous sentons sourdre dans la structure du film une temporalité mythologique.


 

Eugénie Zvonkine

 



Mardi 2 février 2009, 19h

 

DANIEL DE GALICIE
( Данило, князь Галицький ) vo



Projection suivie d’une intervention de Iaroslav Lebedynsky, historien et enseignant à l’INALCO.





 

Production : Studio d’Odessa, 1987, 100 mn, coul.

Scénario : Olès et Yaroslav Loupiї

Réalisation : Yaroslav Loupiї

Photographie : Victor Kroutine

Décors : Yevhen Lyssyk

Musique : Volodymyr Houba

Son : Anatoliї Netrebenko

Montage : T. Prokopenko

Directeur de production : Olga Senina

Inteprétation : Victor Yevgrafov, Ivan Havrylouk, Serhiї Bystrytskyi, Mykhaїlo Hornostaї, Nourmoukhan Jantourine, Bolot Beichenaliev, Ernest Romanov, Bohdan Stoupka, Youriї Grebenchtchikov, T. Haïdouk, Vira Kouznetsova, S. Mertsalo, Kostiantyn Artemenko, M. Volkov, S. Maksmyntchouk, Youriї Doubrovine, E. Savitskis

Genre  : film historique

 


Synopsis

Au XIIIème siècle, Daniel, l’éminent souverain de l’État de Galicie-Volhynie, est le dernier prince à résister à la Horde de Batou. Inféodé, Daniel tente de former une coalition avec le Pape, le roi de Hongrie, les princes de Pologne et de Lituanie. Mais le projet d’une croisade des puissances catholiques échoue. En 1255, Daniel repousse seul une ultime fois les hordes mongoles des marches de l’Europe.



Opinion

Lancée en 1985 par Mikhaïl Gorbatchev, la perestroïka ne tarda pas à inciter l’industrie du cinéma à se restructurer en unités de production indépendantes. Bien que la liberté de création, définie au mois de mai 1986 par le Vème Congrès de l’Union des cinéastes de l’URSS, s’avéra totale, depuis la conception jusqu’à la commercialisation des films, la carence en matière scénaristique freina inévitablement la réforme proposée par le Syndicat des cinéastes ukrainiens - passer à l’autofinancement et à l’économie du marché. La situation était telle que la Commission d’attribution du Prix Dovjenko pour le meilleur scénario décida de ne pas le décerner en 1987, faute de sujets valables. Cependant, dans le paysage débridé de la perestroïka, la première hirondelle du printemps arriva du Studio d’Odessa, qui de tout temps avait cultivé la différence avec les studios de la capitale, en livrant un film de Yaroslav Loupiї sur l’histoire de l’Ukraine du Moyen-âge, Daniel de Galicie. Impensable de par son sujet il y a quelques années encore, la réalisation du film rencontra néanmoins des résistances bureaucratiques, réactivées pour la circonstance. Récrit inlassablement depuis huit ans, le scénario de l’écrivain Olès Loupiї, frère du réalisateur, mettait en lumière une page essentielle de l’histoire de l’Ukraine à l’époque où sa partie occidentale aurait pu devenir une place forte de l’Europe et restaurer l’autorité des princes kiéviens. Tournant in situ en pleine ébullition indépendantiste – Loupiї est originaire de la région de Lviv -, le réalisateur se heurta aux apparatchiks locaux paniqués. Même le directeur de production, Olga Senina, fut atterré par les atermoiements de l’administration qui repoussait sans cesse les autorisations de tournage. Paradoxalement, on lui fit croire qu’il n’y avait plus en Galicie de prairies ou de champs en jachère, de chemins vicinaux sans poteaux électriques, de paysages écologiquement propres, sans cheminées et sans avions agricoles. Comme pour La Terre de Dovjenko, mais pour d’autres raisons, on ne pouvait trouver une paire de bœufs dans toute la région, et c’est de la lointaine Russie que furent acheminés des chevaux. L’acteur Ivan Havrylouk, qui tenait le rôle du prince Vassylko, fut même pris à partie par le KGB qui fouilla son passé pour savoir si certains membres de sa famille n’avaient pas frayés avec les nationalistes. Et pourtant, le film de Loupiї n’avait rien de l’idéalisation historique trop souvent reprochée au cinéma ukrainien. Au moment où commençaient à craquer les fondements de l’empire soviétique, il focalisait sur le thème du rassemblement des terres slaves, prenait ses distances avec l’Église uniate, et ne revenait pas sur les campagnes de Daniel contre les Hongrois, les Polonais et les Teutons, dont les descendants restaient des alliés temporels au sein du Pacte de Varsovie. Très proche de Zakhar Berkout par son thème, sa facture et sa composition musicale que signa Volodymyr Houba, Daniel de Galicie représentait une œuvre rare dans le cinéma ukrainien avec, dans le rôle-titre, l’acteur russe Victor Yevgrafov qui avait fait une courte apparition dans le film Yaroslavna, reine de France de Igor Maslennikov (1983). Dans des tonalités sombres et sans interprétation normative, Yevgrafov imprima un regard d’une grande noblesse, avivé par la prescience du futur, et s’acquit de son rôle dans un ukrainien parfait. Pour les historiens, Daniel de Galicie est considéré comme l’un des tout premiers films-phare ukrainiens émergeant via la perestroïka.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 12 janvier 2009, 19h

 

REZ-DE-CHAUSSÉE
(Перший поверх) vostf



En présence de l’auteur, avec le concours d’Arkeion Films





 

Production : Odessa Films Productions, 1990, 65 mn, nb.

Scénario : Olga Mikhailova

Réalisation : Igor Minaiev

Photographie : Volodymyr Pankov

Décors : Anatoliї Naoumov

Musique : Anatoliï Dergatchev

Son : Igor Riabinine, Dina Iasnikova

Montage : Polina Roudykh

Inteprétation : Ludmila Davydova, Evguenia Dobrovolskaia, Maxime Kisselev, Svetlana Krioutchkova, Nikolaï Tokar

Genre  : drame psychologique

 


Récompense : Prix spécial du Jury et Prix de la meilleure interprétation féminine pour Evguenia Dobrovolskaia au Festival de Genève en 1990


Synopsis

Un soir d’été, Nadia est arrêtée par la police, mais l’agent auxiliaire Serguei la laisse s’échapper du fourgon. Peu de temps après, ils se rencontrent à l’entrée d’une discothèque. Nadia séduit sans peine ce timide policier, l’emmène chez elle et lui fait découvrir l’amour. Le temps passe, Serguei croit posséder Nadia pour lui seul…



Opinion

Second long métrage d’Igor Minaiev, Rez-de-chaussée relate une histoire d’amour entre un policier et une jeune prostituée. Le film est tourné en quatre semaines avec un budget restreint, dans des décors réels et un dénuement parfois total. Tout en évitant l’écueil du film politique, Igor Minaiev livre une description acerbe de la société gorbatchévienne dans ses détails quotidiens. Régime en décrépitude, marginalité étrange et réalisme perestroikien servent d’arrière-plan à un duel charnel entre Evguenia Dobrovolskaia et Maxime Kissiliev, les deux révélations du film. Mais ce sont sans doute le choix esthétique du noir et blanc, l’élégance à la Lynch, quelques détours cinéphiliques par Truffaut ou Mouratova qui trahissent et attisent la passion de Minaiev pour les grandes histoires d’amour universelles. Plutôt que de tracer un parallélisme avec la Nouvelle vague, il convient de parler ici d’un cinéma mouvant, sans retenue, en rupture totale avec l’académisme oppressant du cinéma soviétique, où le drame trouve son épiphanie scénique dans une codépendance et un huis clos destructeur. Perçu comme une transposition de Carmen dans la société soviétique de la fin des années 80, Rez-de-chaussée a valu à son réalisateur d’excellentes critiques à l’étranger. Igor Minaiev, qui a choisi la France par amour pour le cinéma, est le seul réalisateur d’origine ukrainienne à avoir été sélectionné deux fois à La Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, en 1988 et 1990. À ce propos, il confia au boulimique d’images et découvreur de talent Pierre-Henri Deleau : « Il y a de nombreuses années, j’ai fait un rêve étrange. L’été. Le soleil. Le ciel bleu. Une petite ville inconnue. D’un côté, la mer. De l’autre, les collines, ça ressemble beaucoup à la Crimée. Peut-être est-ce Yalta ? Je ne sais pas. Je me promène au bord de la mer. Il souffle une brise légère. Il y a des fleurs devant chaque maison. Elles sont toutes blanches et toutes en porcelaine. Je lève la tête vers les arbres, eux aussi sont tous en fine porcelaine transparente. Et toute cette végétation tinte comme des milliers de clochettes d’argent. Tout à coup, quelqu’un prononce un mot mystérieux. Qui est-ce ? Un passant ? Je ne m’en souviens pas. Je me réveille avec ce mot inconnu dans la tête, me demandant ce que peut signifier « Croisette ». 1988. Cannes au mois de mai. Il tombe des cordes. Je suis sur la Croisette, devant le Palais Croisette. Dans quelques minutes débutera la première de mon film Mars froid. À la Quinzaine des réalisateurs !... Je ne dors pas, mais ça ressemble à un rêve. Ce fut le plus grand jour de ma vie. En tant que réalisateur, je suis né à la Quinzaine, et dans une famille exceptionnelle. J’y suis revenu, en 1990, avec mon deuxième film, Rez-de-chaussée. Ce film avait été produit par le Studio d’Odessa et présenté par une société allemande. Tout était sens dessus dessous. Seule, la Quinzaine restait une constante. Comme la première fois (et, j’en suis sûr, comme toujours) c’était chaleureux, amical, cordial. Il faut ajouter : avec liberté, égalité, fraternité, sans pathos. » Bientôt, le cheminement artistique de Minaiev s’est concrétisé en France par trois autres longs métrages, dont le dernier, Loin de Sunset Boulevard, véritable chef-d’œuvre visuel et émotionnel, le place parmi les plus surprenants de sa génération.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 8 décembre 2009, 19h

 

LA VIE ET LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE ROBINSON CRUSOÉ
(Життя та дивовижні пригoди Робінсона Крузо), vf





 

Production : Studio d’Odessa, 1972, 92 mn, coul.

Scénario : Félix Mironer, d’après le roman de Daniel Defoe

Réalisation : Stanislav Govoroukhine

Photographie : Oleg Martynov

Décors : Sergueï Youkine

Musique : Andreï et Evgueni Guevorgian

Son : Edouard Hontcharenko, Raïssa Vatsyk

Montage : Valentyna Oliïnyk

Inteprétation : Evgueni Jarikov, Irakli Khizanichvili, Valentin Koulyk, Leonid Kouravliov, Vladimir Marenkov, Alexeï Safonov

Genre  : film d’aventures

 


Distinction : Prix de la meilleure photographie au Festival d’Alma Ata, 1973


Synopsis

Marin d’York parti sur les mers en quête d’aventures, Robinson Crusoé se retrouve naufragé sur une île déserte au large de l’Orénoque. Confronté à la nature, principalement constituée d’une jungle, il apprend à survivre dans la solitude. Après vingt-quatre années de solitude, Vendredi, un indigène, fait irruption dans sa vie.



Opinion

L’histoire du cinéma mondial regorge d’adaptations tirées du plus célèbre roman de Daniel Defoe, à commencer par la bande de onze minutes de Georges Méliès (1902). Parmi les longs métrages, on retiendra surtout la version d’Edward Sutherland, avec Douglas Fairbanks dans le rôle-titre (1932), et celle de Luis Buñuel (1954). Le cinéma soviétique, quant à lui, livra deux superbes versions, l’une en 1947, stéréophonique, de Alexandre Andrievsky, l’autre en 1972, en sovscope, de Stanislav Govoroukhine, sans doute la plus touchante, produite par Studio d’Odessa. Réalisée en pleine stagnation brejnévienne, cette dernière est aussi l’une des rares à sortir de la thématique et géographie traditionnelles soviétiques de l’époque, car de tout temps le Studio d’Odessa se tourna vers la mer et les voyages au long cours. Cette histoire narrant l’aventure du marin écossais Alexander Selkirk, inspira d’innombrables écrivains qui s’attachèrent à fixer des récits de survie insulaire, calqués les uns sur les autres, d’où le terme de robinsonnade, anthroponyme inventé par Karl Marx. La littérature populaire ukrainienne n’y échappa pas, et ce ne fut qu’en 1919 que parut à Kiev un Robinson ukrainisé sous la plume de Igor Fediv et de Val. Zlotopolets, Fils d’Ukraine (Син Украïни), dont le héros Mykola Nalyvaïko deviendra l’otaman de la Nouvelle Ukraine, l’île où le destin l’avait conduit. Évidemment, ce ne fut pas cette robinsonnade nationaliste que Govoroukhine porta à l’écran mais le scénario de Félix Mironer. Séduisant par sa vaste réflexion sur le comportement humain, ce film pour la jeunesse est émaillé de scènes étonnamment poétiques, et soutenu par une musique des frères Guevorgian, d’Albinoni et Vivaldi. Dès sa sortie, La Vie et les aventures extraordinaires de Robinson Crusoé obtint un succès international sans précédent, et fut le film de production ukrainienne le plus vendu à cette époque. Des USA à l’Inde, de Trinidad au Japon, il sera le titre le plus réclamé : 28 pays l’achèteront en 1973, 15 en 1974, 29 en 1975, 24 en 1976. Ingénieur géophysicien passé à la réalisation par la télévision, Stanislav Govoroukhine intégra le Studio d’Odessa en 1966, où il travailla pendant un quart de siècle en qualité de metteur en scène et de scénariste, livrant des films de l’extrême (La Verticale), ou catastrophe (Le Jour de l’ange), des polars (Les Dix petits nègres) et autres films d’aventures tirés de la littérature américaine.


 

Lubomir Hosejko

 



Vendredi 27 novembre 2009 à 19h

 

FAMINE 33 (ГОЛОД 33), vostf

 

Projection suivie d’une intervention de Jean-Louis Panné, historien et éditeur






 

Production : Lisbank, Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, Fest-Zemlia, 1991, 95 mn, nb/coul

Scénario : Serge Diatchenko, Lès Taniouk

Réalisation : Olès Yantchouk

Photographie : Vassyl Borodine, Mykhaїlo Kretov

Décors : Valeriї Bojenko

Musique : Victor Patsioukevytch, Mykola Kalondionok

Son : Victor Briountchouhine

Montage : Natalia Akaїomova

Producteur exécutif : Olexiї Tchenychov

Inteprétation : Heorhiї Moroziouk, Halyna Soulyma, Petro Beniouk, Léonide Yanovskyi, Olexiї Horbounov, Maxim Koval, Olia Kovtoun, Kostiantyn Kazymyrenko, Neonila Svitlytchna.

Consultant : James Mace

Genre  : drame

 


Distinction : Grand Prix au Premier Festival Panukrainien de Kiev, Fest-Zemlia, 1991
Prix Henri Langlois Européen aux Quatrièmes Rencontres Internationales du Cinéma du Patrimoine de Vincennes 2009

Synopsis

Embrigadés par le Kremlin pour appliquer une solution brutale face à une paysannerie hostile à la collectivisation, vingt-cinq mille jeunes activistes communistes et repris de justice déferlent sur les terres riches et fertiles de l’Ukraine. Rafles meurtrières, profanation des lieux de culte, réquisition des dernières réserves de nourriture, silos à grain pourrissant gardés, frontières fermées entre la Russie et l’Ukraine, barrages aux abords des grandes villes afin d’empêcher les affamés d’y pénétrer, sans-abri errant et mourrant comme des mouches, anthropophagie, infanticide, servent de toile de fond à la lente agonie d’une famille dont l’unique survivant sera un petit garçon, Andriїko. Andriїko sait où est dissimulé le calice de l’église que son père aurait pu vendre ou restituer aux autorités pour sauver toute sa famille de l’atroce famine. Mais, caché dans un arbre, le calice doit être bu jusqu’à la lie.



Opinion

Bien avant sa nomination à la tête de l’Ukrderjkinofond, Youriї Illienko avait invité Olès Yantchouk, auteur d’un court métrage de fin d’études remarqué (Pour la route), à travailler au sein de l’unité de production Zemlia (Studio Alexandre Dovjenko de Kiev) sur le thème de la famine de 1932-33. Le projet était d’autant plus prémédité qu’en 1984 deux cinéastes d’outre-Atlantique d’origine ukrainienne, Slavko Novytskyi et Youriї Louhovyi, avaient produit et réalisé, un documentaire sur le Holodomor (La Moisson du désespoir - Harvest of Despair ) qui fit le tour des chaînes de télévision du monde entier.
Écrit à partir de témoignages recueillis dans les villages parmi les survivants de la famine, le scénario de Lès Taniouk et Serge Diatchenko est cependant très vite dépassé par la nécessité d’en faire une chronique fictionnée montrant le visage de la mort organisée, rationalisée. C’est Lès Taniouk qui conseille au jeune réalisateur de lire le roman Le Prince jaune de Vassyl Barka (Жовтий князь, paru dans sa traduction française chez Gallimard en 1981), écrivain, poète et essayiste ukrainien exilé aux Etats-Unis, témoin oculaire de la violence génocidaire stalinienne. La rencontre entre les scénaristes, l’écrivain et le réalisateur aboutit à un scénario original, Famine 33.
Lancé en 1989, le financement du film est lui aussi singulier puisque monté à partir d’une souscription nationale ou de dons, et non grâce à l’avance sur recettes de l’État soviétique qui ne reconnaît pas le génocide stalinien. Aux quelque 400 000 roubles collectés, un prêt d’un million de roubles est octroyé par la Lisbank de Oujhorod, en Ukraine occidentale. Réalisé dans la région de Poltava où l’on trouve encore des villages intacts datant de la famine de 1932-33, le film est enregistré en noir et blanc, avec quelques tableaux en couleurs, procédé typique du cinéma pictural qui renforce la noirceur du monde et des hommes. Traités en flash-back, les plans en couleurs déroulent les souvenirs joyeux du temps où la famille était heureuse. Sous l’œil d’une caméra exempte de naturalisme excessif ou d’imagerie sulpicienne, quelques scènes choc s’imposent : le charnier de la fosse commune où brûlent les corps des révoltés, exécutés pour avoir mendié un quignon de pain pour leur progéniture ; un jeune homme mangeant de la chair humaine pris de folie ; des moissonneurs ressemblant étrangement avec leur faux à des spectres de la mort, sous la garde de policiers armés. Quelques métaphores coulées et plans expressionnistes rehaussent la qualité esthétique du film, heurté par un montage alternatif parfois décousu, mais gommé par la perfection du jeu des grands acteurs de l’écran ukrainien, Heorhiї Moroziouk (le père), Halyna Soulyma (la mère), Olexiї Horbounov et Petro Beniouk (les activistes communistes).
Pour les critiques et les historiens, Famine 33 entrera dans l’Histoire du cinéma ukrainien comme un film charnière qui oscille entre esthétique facile, empruntée au courant de l’Ecole poétique de Kiev, et la volonté du réalisateur d’en faire une œuvre incontournable. Sélectionné in extremis, le film est montré le 12 novembre 1991 au Premier Festival Panukrainien de Kiev et obtient le Grand Prix. Y assistent les représentants de la Lisbank qui, après l’ovation au jeune débutant, annulent sur le champ la dette et deviennent, par la force des choses, les sponsors majeurs du film. En récompense, le 30 novembre, la veille du référendum sur l’indépendance de l’Ukraine, Famine 33 est programmé à la télévision ukrainienne avec le logo de la Lisbank pour décourager le piratage. Ravivant la conscience nationale chez les spectateurs qui n’ont ni oublié ni pardonné le crime stalinien, la diffusion du film à une heure de grande écoute poussera indubitablement un nombre non négligeable de citoyens indécis à voter pour l’indépendance. Yantchouk révélera plus tard qu’il chercha à rencontrer Lazare Kaganovitch, l’ancien dirigeant communiste qui mit en œuvre le génocide sur l’ordre de Staline. Le dernier jour du tournage, il apprit en rentrant avec son équipe à l’hôtel que Kaganovitch s’était éteint paisiblement le jour même.
Dix-huit ans après sa réalisation, ce film non distribué en Occident obtint le Prix Henri Langlois Européen aux Quatrièmes Rencontres Internationales du cinéma du Patrimoine de Vincennes 2009. Plus qu’un accessit honorifique, ce Prix sera considérée en Ukraine comme une haute distinction. Mais à l’instar du Holodomor, toujours pas reconnu comme génocide par l’ensemble de la communauté internationale, le film de Yantchouk reste quant à lui méconnu du public occidental.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 3 novembre à 19h



Séance autour du thème du Holodomor





DESTINS. Maria Vlasivna Balas (Долі. Марія Власівна Балас), vo


Production : Ukrkinokhronika. Service cinématographique d’État du Ministère de la culture et du tourisme d’Ukraine. 2008, 20 mn. coul.

Réalisation : Pavlo Faréniouk

Photographie : Bohdan Pidhirnyi, Alexandre Mokhnatko

Son : Léonide Moroz, Youriї Rastorhyiev

Chargé de production : Olena Moskalenko

Régie : Olena Nykyforova

Genre  : documentaire


Synopsis

Monologue de Maria Vlasivna Balas, habitant Vilchanka près de Bila Tserkva. Son récit édifiant sur les villageois pendant la famine de 33, les réquisitions, la survie, les enlèvements, la banalisation de l’anthropophagie, dépasse l’imaginaire humain.



L’ANNÉE TRENTE-TROIS (Тридцять-третій), vo


Production : Ukrkinokhronika. 1989, 60 mn. coul/nb

Scénario : Mykola Laktionov-Stezenko, Oxana Kotlar

Réalisation : Mykola Laktionov-Stezenko

Photographie : Vitaliї Hrychkiv

Genre  : documentaire


Synopsis

Premier essai et travail de mémoire réalisé en Ukraine Soviétique sur la famine artificielle de 1932-33, basé sur des témoignages de survivants et des documents photographiques inédits, provenant d’un lot de 400 négatifs sur verre retrouvé chez un particulier du village de Novoserhiïvka dans le Donbass. Ce premier documentaire du gendre ne fut diffusé à la télévision ukrainienne que plusieurs années après l’indépendance sous le titre Témoins oculaires du Holodomor 1933.



LA FLAMME DE JAMES MACE (Свіча Джемса Мейса), vo


Production : Agence Stojary. Service cinématographique d’État du Ministère de la culture et du tourisme d’Ukraine, 2008, 55 mn. coul/nb

Scénario : Igor Kablak

Réalisation : Natalia Souchtcheva

Photographie : Youriї Niesterov

Musique : Yaroslav Odryn

Genre  : documentaire


Synopsis

Plusieurs personnalités du monde scientifique et culturel font l’éloge de James Mace, citoyen américain, chercheur postdoctoral à l’Institut ukrainien de Harvard qui s’est spécialisé dans le domaine de la famine en Ukraine de 1932-33. Directeur exécutif de la Commission américaine sur le Holodomor, à Washington, il quitta les États-Unis en 1993 pour se fixer à Kiev où il poursuivra ses recherches jusqu’à sa mort en 2004.



Opinion

Les trois films présentés font partie d’une série de dix documentaires, éditée par le Service cinématographique d’État du Ministère de la culture et du tourisme d’Ukraine en 2008. Ces documentaires ont été réalisés par plusieurs réalisateurs de renom, tels Pavlo Faréniouk, qui a obtenu le Prix Taras Chevtchenko 2009 pour l’ensemble de son œuvre, Mykola Laktionov-Stezenko, Alexandre Koval ou Volodymyr Vassyliev.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 6 octobre 2009 à 19h

 

L’ATTENTAT (Атентат. Осіннє вбивство в Мюнхені)

vosta

 

Projection suivie d’un débat animé par Wolodymyr Kosyk (Université Ivan Franko de Lviv)






 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, Olès Film, 1995, 110 mn, nb. coul.

Scénario : Vassyl Portiak

Réalisation : Olès Yantchouk

Photographie : Vassyl Borodine

Décors : Vitaliї Chavel

Musique : Volodymyr Hronskyi

Son : Bohdan Mikhnevytch

Montage : Natalia Akaїomova

Inteprétation : Valeriї Lehin, Maryna Mohylevska, Orest Ohorodnyk, Yaroslav Mouka, Yuriї Odynokyi, Olès Sanine, Mykola Boklan, Youriї Mouravytskyi, Peter Bejger, Boris Klymenko, Alexandre Gereles, Gino Ivantsiv, Valeriї Pravotorov, Lubomir Markevytch, Petro Matichek, Halyna Soulyma.

Genre  : drame historique

 


Synopsis

Alors que la Seconde Guerre mondiale est terminée, l’UPA (Armée Insurrectionnelle ukrainienne) se bat toujours contre l’envahisseur soviétique. Harcelés par les régiments du MVD, des groupes de résistants réussissent à gagner l’Occident pour déposer leurs armes aux Américains et crier au monde la barbarie des Soviétiques. À Munich, où vit dans la clandestinité le chef de l’organisation nationaliste, Stépan Bandera, et d’où il dirige la résistance, les services secrets soviétiques s’activent. Un agent secret prépare un attentat contre lui.



Opinion

Les obstacles financiers que rencontre le réalisateur Olès Yantchouk lors de la préparation de son second long métrage, L’Attentat, sont révélateurs du favoritisme entretenu dans les studios de la capitale. S’agissant de traiter un thème aussi sensible que la résistance du maquis nationaliste de Bandera, le jeune cinéaste a visiblement moins de chance d’obtenir les fonds nécessaires à la réalisation de son film que, par exemple, le vétéran Hryhoriї Kokhan, qui réalise sans peine Aurores perdues, l’histoire de kolkhoziens aidant l’UPA contre l’ennemi bolchevique. Pourtant, Yantchouk réussit à monter le financement de la production grâce à un heureux concours de circonstances. Invité au Festival du Film forum de New York, Yantchouk avait présenté son premier opus, Famine 33, le 15 décembre 1993, le jour même où passait La Liste de Schindler de Steven Spielberg. Le lendemain des articles sur les deux films étaient publiés dans le New York Times, le Daily News et le New York Post. L’énorme différence entre les deux budgets était frappante : 28 millions de dollars pour le film de l’Américain et seulement 150 000 pour celui de Yantchouk. Cette information flatta le lobby ukrainien des États-Unis et plus particulièrement l’Ukrainian Congress Committee of America. La majeure partie du budget pour le nouveau film de Yantchouk fut sitôt réunie par d’anciens résistants émigrés. Aussi, parce qu’il s’était vu refuser le financement de son projet par Serge Vorobiov, directeur des Studios Alexandre Dovjenko, au profit de Kokhan, Yantchouk créa sa propre unité de production, l’Olès Film.
Yantchouk, qui n’a pas connu cette sombre période de l’Histoire, se charge de redorer l’image de l’UPA ternie par les services de propagande soviétiques. Assisté dans son travail de recherche par le scénariste spécialisé en la matière, Vassyl Portak, le réalisateur restitue de manière très documentée la lutte des nationalistes ukrainiens contre l’Armée Rouge à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. L’action débute en 1947, où l’UPA adopte de nouvelles formes de combat et remonte jusqu’en 1959, l’année où le chef des indépendantistes Stépan Bandera est assassiné à Munich par Bohdan Stachynskyi, un agent du KGB. Le film est enregistré en noir et blanc, hormis le prologue et l’épilogue, pour des raisons stylistiques que suscite cette armée de l’ombre habillée d’uniformes hétéroclites, mais aussi pour éviter l’écueil de l’effet carte postale que peuvent donner les splendides paysages des Carpathes. L’Attentat est tourné aux Studios Alexandre Dovjenko, sur la base d’un partenariat, mais n’a aucune chance d’exploitation commerciale en Ukraine, hormis en Galicie, tout comme les documentaires sur l’UPA et Stépan Bandera de Alexandre Kossynov et Mykhaїlo Satchenko, de Léonide Moujouk ou de Mykhaїlo Djyndjyrystyi. Véritable sosie de Bandera, l’acteur Yaroslav Mouka, incarne son rôle de manière convaincante et inspirée.
Tourné dans l’esprit des fictions de ses collègues, tels Le Dernier bunker de Vadim Illienko, Aurores perdues de Hryhoriї Kokhan, Nuits rouges de Arkadiї Mykoulskyi, Pas de glas pour nos morts de Mykola Fédiouk, ou L’Or des Carpathes de Victor Jyvoloub, ce second long métrage de Yantchouk reste le point de départ d’un postulat, d’une carrière vouée au thème de la lutte des indépendantistes ukrainiens, notamment avec L’Indompté (2001) et La Compagnie héroїque (2004). Ces films sont emprunts de patriotisme et d’héroïsme, de sentiment individuel revanchard ne relevant pas forcément d’une idéologie affirmée, mais d’une volonté froide et militante de rappel des contentieux dans la mémoire collective.


 

Lubomir Hosejko

 



Mardi 1er septembre 2009, à 19h

 

LE PISSENLIT EN FLEUR (Цвітіння кульбаби)

 



 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1992, 77 mn, coul., vo.

Scénario : Oleg Martian

Réalisation : Alexandre Ihnatoucha

Photographie : Vadim Illienko

Décors : Petro Slabynskyi

Musique : Youriї Chevtchenko

Son : Serhiї Batchi

Inteprétation : Alexandre Myronov, Lina Harnaka, Anatole Diatchenko, Oleksiї Horbounov, Arseniї Tymochenko, Hanna Soumska, Boris Molodan, Bohdan Lyssenko, Tetiana Lazareva, Alexandre Bondarenko, Victor Stepanenko.

Genre  : drame psychologique

 


Synopsis

Tribulations d’un jeune repris de justice en cavale. Victime d’une méprise, à cause de son mauvais caractère, il est poursuivi par les policiers qui le tuent, au moment même où l’Ukraine accède à l’indépendance.



Opinion

Au début des années 90, ce sont principalement des films sur la criminalité qui essaient tant bien que mal de résister à la déferlante américaine. Le Pissenlit en fleur est le premier long métrage de l’acteur Alexandre Ihnatoucha.
Bien que portant un titre bucolique, le film dénonce la brutalité policière. La traque musclée est jalonnée de survivances de la culture soviétique à laquelle s’accrochent les vieux retraités, très vite évacuées par l’occidentalisation des jeunes. Édifiante du point de vue sociologique et politique, une grande réflexion sur le passage à l’indépendance donne le ton à une course-poursuite. La cavale du héros devient alors prétexte à un survol de l’Histoire, sur les lieux mêmes où l’Ukraine perdit jadis son indépendance. Sa rencontre avec une jeune Lettone, indépendantiste dans l’âme, sur le site de la bataille de Poltava et sur la terre du fondateur de la littérature ukrainienne Ivan Kotliarevskyi, n’a rien d’une ballade touristique. Pédant, élevé dans la fierté nationale, il avoue qu’il se cultiva pendant ses huit années de détention et que les livres ne manquaient pas, les dissidents non plus. Tout au long du film, des extraits de discours du Président Léonide Kravtchouk scandent les journées décisives qui ont amené l’Ukraine à l’indépendance : « Dans notre pays, il n’y aura plus jamais de soldat ennemi, de même qu’aucun soldat ukrainien n’ira souiller une terre étrangère. » Ce passage en douceur vers la démocratie est traduit de manière très républicaine dans les plans où le colonel qui mena la traque se métamorphose en officier de sécurité du Président lors de la Fête nationale. L’action est menée tambour battant, sur des images de Vadim Illienko et une bande-son saturée de tubes occidentaux, disco soviétique, rock national et chansons populaires.


 

Lubomir Hosejko

 

Séance précédée par la projection des actualités de la télévision ukrainienne du 24 août 1991.



Mardi 2 juin 2009, à 19h

 

LA NUIT DE LA SAINT-JEAN

 



 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1968, 89 mn, coul., vostf.

Scénario : Youriї Illienko

Réalisation : Youriї Illienko

Photographie : Vadim Illienko

Décors : HPetro Maksymenko, Valeriї Novakov

Musique : Léonide Hrabovskyi

Son : Léonide Batchi

Inteprétation : Laryssa Kadotchnikova, Boris Khmelnytskyi, Yevgueni Fridman, Boryslav Brondoukov, Mykhaїlo Illienko, Victor Pantchenko, Kostiantyn Yerchov, David Yanover, Jemma Firsova, Sachko Serhienko, M. Silis.

Genre  : drame poétique

 


Synopsis

Le pauvre Petro (B. Khmelnytskyi) et Pédorka (L. Kadotchnikova), fille d’un riche paysan, se voient refuser leur mariage. Envoûté par le sorcier Bassavriouk (E. Fridman), Petro tue un enfant pour se procurer de l’or et épouser Pédorka. Obsédé par son crime, il devient fou et laid. Pour comble de malheur, il périt dans sa maison incendiée. Pédorka part en pèlerinage à Kiev expier leur faute commune. Mais en chemin, elle se fait violer par les Tatars.



Opinion

Tiré de la nouvelle éponyme de Nicolas Gogol, elle-même truffée de légendes et de contes populaires, La Nuit de la Saint-Jean de Youriї Illienko est un film poétique et fantasmagorique qui s’inscrit dans le courant de l’Ecole poétique de Kiev. Il confirme une personnalité distincte dans le cinéma ukrainien à travers laquelle le cinéma pictural, hérité de Paradjanov, obtient ses lettres de noblesse. Mais, à l’instar de Zvenyhora de Alexandre Dovjenko, cette oeuvre stupéfiante suscite le plus de controverses dans le milieu professionnel et artistique. Elle indigne les uns, ravit et enchante les autres, parce que le réalisateur s’évertue à filmer des œuvres de la littérature classique en chefs-d’œuvre insolites, impulsifs et esthétisants, où la forme prend le pas sur le contenu. Découplée des êtres et des choses, elle oscille entre le monde réel et le monde des masques. Il en sort une fresque convulsive aux images surréalistes et chagalliennes entremêlant lyrisme, humour, satire et féeries. Rendant parfois la compréhension du film difficile avec une métaphore très concentrée – par exemple, Pédorka donnant le sein à une hache – et une composition très plastique de l’image, ce cocktail est d’autant plus étonnant qu’il contraint le spectateur peu averti à devenir actif. En plus de sa fonction émotionnelle, la couleur a dans le film son contenu rationnel et symbolique. L’acteur, dont le jeu est relégué au second plan, est lui aussi une tache de couleur. Il va dans le sens du grand thème gogolien – la beauté est l’opération du diable – livré à une imagination débridée de l’auteur qui use de la variation comme d’un concept catharsistique. Ainsi l’on admet chez Illienko que la comédie simule le réel, le drame romantique travestit l’ironie, et la tragédie philosophique se substitue à la mystification.
Illienko a aussi l’art et la manière de s’attaquer aux tabous historiques qui dépassent largement le cadre éthique et social de la première partie du film. La dérision est poussée à son paroxysme dans la séquence de la mascarade organisée par les sbires de Potemkine pendant le voyage de la Grande Catherine en Ukraine : village en trompe-œil construits à la hâte sur les rives du Dniepr, figurants recrutés pour tenir le rôle de moujiks endimanchés, chants et danses ad libitum. La politique d’oppression y est clairement dénoncée. Dans l’épisode dramatique de l’agression de Pédorka, c’est tout le destin tragique de l’Ukraine, maintes fois envahie et soumise, qui est symbolisé. Pour Illienko, la question fondamentale reste celle de la confrontation entre le Bien et le Mal, thèmes essentiels de l’œuvre de Gogol. Sorti à la même époque queViї (Le Roi des gnomes), autre film tiré d’une nouvelle de Gogol et réalisé en Russie par Kostiantyn Yerchov et Gueorgui Kropatchev, privé de distribution à l’échelle de l’Union et à l’étranger, mais autorisé pour une brève apparition en Ukraine, La Nuit de la Saint-Jean est boudé par la presse, puis interdit jusqu’en 1987. Raison invoquée : abus d’exotisme, Gogol hypertrophié. Ce mépris vis-à-vis d’une œuvre de talent est considéré en Ukraine comme une offense directe à Gogol, auquel la critique reprocha en son temps un manque d’imagination et, selon Biélinski, des symptômes d’irréalisme mystique. Pour leur part, les censeurs y virent une déification de la caméra, des élucubrations visuelles versant dans l’art pour l’art et un biologisme sous-jacent dans le personnage de Pédorka. Plus grave encore, sa condamnation ultérieure pour exaltation de l’identité nationale et déviationnisme nationaliste, et son exclusion du registre des films.


Anecdote
Alors qu’Illienko terminait son film, le directeur du Festival de Venise, conseillé par quelqu’un de Moscou, se rendit à Kiev pour le contacter en vue d’une sélection. Le KGB n’autorisant pas le visionnage du film, Illienko outrepassa les ordres et montra le film dans son intégralité. A la suite de quoi, le directeur lui promit le Lion d’or à Venise, car il ne fallait rien attendre du Festival de Cannes, le film n’étant pas commercial. Comme le KGB ne souhaitait sa présence ni en France, ni en Italie, on décida d’envoyer le réalisateur à Prague. Les événements voudront qu’à la dernière minute, au lieu du cinéaste, on y envoya les tanks de l’Armée Rouge.

 

Lubomir Hosejko



Mardi 5 mai 2009, à 19h

 

UNE, DEUX, LES SOLDATS MARCHAIENT

 




 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1976, 86 mn, coul. vf.

Scénario : Boris Vassiliev, Cyril Rapoport

Réalisation : Léonide Bykov

Photographie : Volodymyr Voïtenko

Décors : Heorhiï Prokopets

Musique : Gueorgui Dmitriev

Son : Nina Avramenko

Inteprétation : Léonide Bykov, Volodymyr Konkine, Olena Chanina, Mykola Hrynko, Léonide Bakchtaiev, Mykola Sektymenko, Boris Koudriavtsev, Bogdan Beniouk

Genre  : film de guerre

Distinction  : Prix Taras Chevtchenko, 1977

 


Synopsis

Devant le monument de la Victoire se rassemblent les enfants de ceux qui sont morts en défendant leur patrie lors de la Deuxième Guerre mondiale. Evocation par un officier du souvenir de son père mort très jeune au combat. Ils n’étaient que 18 jeunes komsomols en embuscade près d’un pont où devaient passer des blindés ennemis.



Opinion

Des trois films de guerre sortis simultanément en 1976 aux Studios Dovjenko de Kiev - Septembre, mois d’angoisse de Léonide Ossyka, Les Carpathes, troisième volet de la trilogie de Timothée Levtchouk Le Chant de Kovpak, et Une, deux, les soldats marchaient de Léonide Bykov -, seul le dernier peut s’apparenter à une comédie dramatique. Nettement en dessous de son film précédent, Seuls les anciens vont au casse-pipe, le dernier film de Léonide Bykov a été réalisé pendant les années noires de la stagnation brejnévienne. S’il est vrai qu’après l’effet brutal de la réorientation idéologique du début des années 70 le cinéma ukrainien retrouva en partie sa capacité créatrice, dès 1976, il ne le fit qu’en adhérant à la nouvelle culture du cinéma brejnévien, cinéma bolcho-prolo-buro-technocratique, mais encore cinéma de guerre. Cependant, l’humour débridé du réalisateur rompt ici avec le genre conventionnel ou épigonique. Au tournant de la guerre froide, alors que l’Armée Rouge s’armait jusqu’aux dents, à trois ans de l’invasion de l’Afghanistan, le sujet est traité sur le mode antihéroїque avec un certain culot. La scène centrale, où le caporal Sviatkine (Léonide Bykov) affronte au mépris de la mort un Tigre allemand comme un vulgaire tigre de papier, est une véritable prouesse. Chez Bykov, la verve lyrique et humaniste est particulièrement émouvante dans la séquence du savon volé, autre cliché-accessoire résiduel de l’imagerie familière. Confronté à un cas humanitaire d’exception - la découverte dans le paquetage d’un homme de rang d’un morceau de savon volé qu’il voulait envoyer à sa mère -, le lieutenant Sousline (Volodymyr Konkine) émet un verdict clément : au nom de toute la section, le larcin sera expédié à la mère nécessiteuse. Sur le plan de la conception, le réalisateur opta pour la chronologie inversée afin de rematérialiser la perspective mémorielle éclatée. Pour ce film, qui draina près de 36 millions de spectateurs, Léonide Bykov obtint, en 1977, la plus haute distinction de la RSS d’Ukraine, le Prix Taras Chevtchenko, ce qui, à l’époque de la déculturation forcenée brejnévienne, relevait d’une absurdité totale, puisqu’en principe le prix récompensait une œuvre à consonance nationale à l’échelle de toutes les républiques et minorités de l’URSS.

 

Lubomir Hosejko



Mardi 7 avril 2009, à 19h

 

LE CINÉMA EXPÉRIMENTAL de OKSANA CHEPELYK
En présence de la réalisatrice

 



Suivi d’une intervention de Christian Lebrat,
cinéaste, vidéaste, directeur des Editions Paris Expérimental



Oksana Chepelyk est née en Ukraine, où elle vit et travaille aujourd’hui. Elle a étudié à l’Institut des Beaux-Arts de Kiev entre 1978 et 1984. A la suite de ces études, elle a approfondi son cursus à Moscou (1986-1988) et a participé au programme d’étude au CREAC de Paris (1996), au Residency Program du Banff Center pour les Arts, au Canada (1998), et au Bauhauss-Kolleg, Dessau, Allemagne (2000). Artiste multimédia, elle travaille avec la vidéo, la performance, la photographie, l’installation, la peinture. Reconnue en Ukraine, Oksana Chepelyk a largement exposé à travers le monde et a reçu de nombreux prix.




CHRONIQUES DE FORTINBRAS, vosta, 30 mn, coul. 2001



Production : Ukrkinokhronika, Ministère de la Culture et des Arts d’Ukraine
Directeur de production : Valentyna Vynnytchenko, Tamara Lobanova
Scénario et réalisation : Oksana Chepelyk
Assistant réalisation : Svitlana Kondrachova
Photographie : Volodymyr Pika, Bohdan Pidhirnyi
Montage : Taïssia Boïko
Son : Léonide Moroz
Musique : Alexandre Nesterov
Interprétation : Iryna Androssova, Guenadiï Korjenko, Heorhiï-Hryhoriï Pylypenko, Rostyslav Loujetskyi, Viatcheslav Barabolia

Transposition allégorique sur la culture et la société post-communiste ukrainiennes, conçue à partir de l’essai éponyme de l’écrivaine Oksana Zaboujko. L’imaginaire mythologique et métaphorique y est induit par des événements du passé, réhaussés de quelques extraits tirés des films de Dovjenko ou de Savtchenko. Les références au poète Taras Chevtchenko et à son approche de la condition féminine sont représentées par le corps d’une femme profané par des nains répulsifs. Ces derniers symbolisent le sexe fort face à une Ukraine passive. Par le truchement de l’absurde et du grotesque, l’argumentaire shakespearien tient compte également de l’irrationalité poétique dans la littérature ukrainienne.



CONTE DE TCHERNOBYL, vosta, 9 mn 20, coul. 2006



Scénario, réalisation et montage : Oksana Chepelyk
Musique : Michael Delia, Stephan Stanza, Alexandre Nesterov
Interprétation : Oksana Chepelyk, Annika Saarinen, Inka Saarinen, Slavko Chepelyk, Viatcheslav Chepelyk

Conte expérimental et paradigmatique sur l’évolution de l’espèce humaine face aux catastrophes violentes et inhabituelles. De minuscules personnages se meuvent sur le corps tatoué d’une femme enceinte. Dans un environnement multidimensionnel, la forme ovoïdale du ventre souligne la forme primaire de la pysanka et l’image du globe terrestre.


GENÈSE, vosta, 6 mn, coul, 2005

Production : Progetti Dadalumpa (Italie-Ukraine)
Réalisation : Oksana Chepelyk
Photographie : Oksana Chepelyk, Alexandre Talko

Malgré son caractère symbolique, l’opus se soumet à l’événement non fictionnel de la naissance d’un enfant pendant la Révolution orage. L’accouchement a lieu simultanément avec l’occupation par les manifestants de la Place de l’Indépendance à Kiev. Le propos du film n’empiète pas sur le discours politique, seul comptent l’espace, le socium et l’existence de la vie.


LES DIRIGEANTS ET LEURS JOUETS PRÉFÉRÉS, vosta, 15 mn, coul. 1998

Réalisation : Oksana Chepelyk
Assistant réalisation : Jennifer Woodbury
Photographie : Craig Lewis
Directeur artistique : Sara Diamond
Voix : Sharla Sava, Jeff Derksen
Son : Paul Herspiegel

Vidéo basée sur la performance éponyme de l’auteur « Piece of shit », réalisée au Banff Center pour les Arts au Canada en 1998. L’essai met en confrontation la sexualité et la politique, les illusions des masses et les manipulations des idées à la fin du siècle écoulé.


CHANGEMENT DE TEMPS, vosta, 6 mn, coul. 2004

Réalisation et photographie : Oksana Chepelyk
Production : UCLA, Ukraine

Démystification sur la vidéosurveillance et son ubiquité en tant que fournisseur de sécurité face à la culture de la peur. Pour de nombreuses applications de reconnaissance de faciès, la technique du détournement est devenue courante. Un anneau portant huit commutateurs de caméra est installé sur un piédestal. En un mouvement circulaire, les caméras capturent le visiteur, debout sur le socle du cercle intérieur. Le visiteur est alors confronté à sa propre image projetée sur un double écran. L’espace fait fonction à la fois de métaphore des phénomènes sociaux et de récipient contenant l’imaginaire créatif.


GÈNE TEXTUAIRE, vosta, 6 mn, coul. 2004

Réalisation : Oksana Chepelyk en collaboration avec Jorge Pereira

L’idée du projet a recours à la notion de communication interculturelle des langues et des identités, de la génétique et des nouvelles technologies numériques. L’auteur utilise l’idée lacanienne sur le rapport inéluctable entre les diverses formations de l’inconscient et le langage à travers lequel elles se manifestent. Les mutations des langues s’opèrent autour des questions sociales et éthiques en combinant la génétique, la peau artificielle, le cyber-organisme, le réseau. Grâce à l’Internet, on peut traduire un texte dans plusieurs langues. L’interactivité fixant le texte sur le visage de l’internaute fait fonction de génothèque, et paramètre les coordonnées dans l’espace en coordonnés invisibles. Selon sa position spatiale, le visage est conçu en fonction de sa langue et change d’une langue à l’autre.


LE CHŒUR DES MALENTENDANTS, vosta, 6 mn, nb, 2004

Réalisation : Oksana Chepelyk
Photographie : Olena Poroshan

Concept basé sur une performance réalisée par un chœur de malentendants au Centre Culturel des Malentendants de Kiev. La notion de l’Europe unie, traduite par l’absence du timbre vocalique, y est perçue comme un non-sens de l’Europe divisée entre l’Est et l’Ouest. De manière empirique, la gestuelle des doigts et des mains se transforme en métaphore existentielle et transfrontalière.


LA TOUR VIRTUELLE, vosta, 5 mn, coul. 2000

Scénario : Oksana Chepelyk, Zoran Eric, Zoran Pantelic
Réalisation : Oksana Chepelyk
Photographie : Oksana Chepelyk, Bettina Bachem, Zoran Pantelic
Montage : Martin Maria Leckert

Un ballon s’élève dans les airs avec une caméra, créant une connection symbolique entre la ville et les habitants des favelas. La nuit tombée, la surface du ballon devient l’écran de projection d’une vidéo montrant les vues aériennes enregistrées le jour. Les spectateurs présents durant cette performance ont aussi le loisir de se voir et s’y reconnaître. Cet espace de communication est créé grâce à l’installation de la Virtual See Tower. Les jours venteux, elle devient The Virtual Migration Tower.

UTOPIE URBAINE MULTIMÉDIA, vosta, 10 mn, coul. 2002

Production : Oksana Chepelyk, Fondation Bauhauss Dessau (Allemagne)
Réalisation et photographie : Oksana Chepelyk
Texte et voix : Esther Anatholitis

Opus traitant de la mondialisation des outils de communication à travers les alliances politiques et leurs structures, dans le but de créer un nouveau paysage culturel. L’objectif est de dévoiler le masque du totalitarisme soft des nouveaux médias et de la dictature culturelle.




Mardi 3 mars 2009, à 19h

 

LE MIRABEAU

 


 

vostf.
Projection inédite suivie d’un débat animé par Wolodymyr Kosyk.

Production : UKRAЇNFILM, Studio de Kiev
1930, 55 mn, nb, muet.

Scénario : Anton Agalarov, Arnold Kordioum, Kostiantyn Matiach

Réalisation : Arnold Kordioum

Photographie : Joseph Rona, Youriї Tamarskyi, Alexandre Pankratiev

Inteprétation : Lidia Ostrovska, Serge Minine, L. Negri, Petro Massokha, Volodymyr Sokyrko, Volodymyr Lissovskyi, Arnold Kordioum, D. Loubtchenko, N. Reimers, M. Mykhaїlov, K. Stepanov, R. Orlov

Genre  : drame historico-révolutionnaire

 


Synopsis

Venue soutenir la contre-révolution en Ukraine, la marine française impose le blocus du port d’Odessa. Mais la fraternisation des rouges avec les marins du cuirassé Mirabeau va empêcher le massacre des ouvriers et des paysans par les forces interventionnistes et oblige ces dernières à lever le blocus. Lancés sur leurs tatchankas, les détachements de la Première Division de la Steppe foncent vers la ville.

 

 

Opinion

D’abord responsable du Parti aux Studios de Yalta et d’Odessa, Arnold Kordioum réussit à s’imposer en tant que metteur en scène dès 1926 avec des films à thème internationaliste, notamment Le Mirabeau qui connaîtra un remake en 1966 avec L’Escadre appareille vers l’Ouest de Myron Bilinskyi et Mykola Vinhranovskyi. Ce drame historico-révolutionnaire, consacré à l’intervention des forces de l’Entente pendant la Guerre civile en Ukraine, fut l’un des tout premiers films, où l’image de la France apparaît dans la production cinématographique ukrainienne.
Au début du mois d’avril 1918, les troupes sous l’autorité de l’hetman Pavlo Skoropadskyi envahirent la Crimée au grand soulagement d’une partie de la population, qui voyait ainsi un semblant d’ordre revenir. Mais le 13 novembre, quelques jours après l’armistice du 11 novembre 1918, une flotte franco-anglaise composée notamment de cinq cuirassés français, franchit les Dardanelles, afin de défendre les intérêts des Alliés et chasser les unités allemandes qui occupaient le territoire de l’Ukraine suite à la Paix de Brest-Litovsk. Sous le commandement du vice-amiral Dejay, l’escadre française se présenta devant Odessa avec les cuirassés Mirabeau et Justice. Le 17, le Général Borius débarqua des troupes et installa le général russe Grichine-Almazov comme gouverneur de la ville, après avoir chassé les derniers contingents ukrainiens et allemands. Après une occupation relativement calme, la ville fut reprise par les troupes de l’ataman Grigoriev en avril 1919.
La notion de solidarité internationaliste étant un trait caractéristique du cinéma soviétique, Arnold Kordioum exploite un argument non fallacieux : grâce à la propagande bolchevique, les marins français refusent de tirer sur les ouvriers. Comme les matelots du cuirassé Potemkine, ils n’obéissent pas à leurs officiers et hissent sur le mât du croiseur Mirabeau le drapeau rouge. Cependant, il semble bien que, dans la réalité, ces mutineries n’avaient rien de spontané mais, bien au contraire, qu’elles avaient été préparées par différents mouvements politiques et syndicaux. Une centaine de mutins furent condamnés dont plusieurs à des peines de détention. En juillet 1922, une amnistie générale libéra l’ensemble des mutins de la Mer Noire, sauf André Marty qui le sera en 1924. Il y a, à vrai dire, un véritable absent dans ce film : le personnage de Jeanne Labourbe, une communiste française vivant à Odessa qui tenta de rallier à la cause des soviets les soldats occidentaux et qui fut faite prisonnière par les blancs puis passée par les armes. Elle est relayée par une ouvrière bolchevique œuvrant dans la clandestinité. Un timide face-à-face entre les forces belligérantes se résume à de gros plans de gueule de canons obturés ou de baïonnettes pointées vers un ennemi lointain. Malgré l’excellente interprétation de Lidia Ostrovska, la clandestine, de Serge Minine, le chef de l’organisation bolchevique, et quelques scènes de masse bien réglées, l’intensité dramatique du sujet ne parvint pas à pallier une ligne conductrice quelque peu étriquée. Ayant appris le métier sur le tas, Kordioum avait une fâcheuse tendance au mimétisme. Dans Le Mirabeau, l’influence du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein paraît on ne peut plus saisissante, et la dramaturgie moins pathétique.

 

Lubomir Hosejko



Mardi 3 février 2009, à 19h - en présence de l’auteur

 

LE MÉTROPOLITE ANDRÉ

 




 

vosta.

Production : Olès Film, Ministère de la culture et du tourisme d’Ukraine, Studio National Alexandre Dovjenko de Kiev
2008, 129 mn, coul..

Scénario : Mykhaïlo Chaievytch, Olès Yantchouk

Réalisation : Olès Yantchouk

Photographie : Vitaliï Zymovets

Décors : Vitaliï Yasko, Roman Adamovytch

Musique : Volodymyr Gronskyi

Son : Natalia Dombrouhova, Kateryna Kel

Montage : Natalia Akaiomova

Inteprétation : Serhiï Romaniouk, Taras Postnikov, Roman Hryniv, Iryna Mak, Fedir Stryhoun, Yevhen Nychtchouk, Taras Jyrko, Orest Ohorodnyk, Halyna Deliavska, Lembit Ulfsak, Oxana Voronina, Victoria Yantchouk, Yanouch Youkhnevytch, Yaroslav Moukha, Oleh Tsiona, Oleh Trepovskyi, David Oxenyk, Anatoliï Bevz, Oleh Dratch

Genre  : drame historico-biographique

 


Synopsis

Promis à une belle carrière militaire, mais visité par la grâce dès son enfance, le jeune André se tourne vers la prêtrise. Devenu évêque, il œuvre pour la réunification des chrétiens orientaux. Parce qu’il défend des persécutés, catholiques, juifs et orthodoxes, il est surveillé par les diverses autorités d’occupation, russe, polonaise, allemande ou soviétique, et bientôt empoisonné par l’un de ses serviteurs.

 

 

Opinion

Cinquième long-métrage de Olès Yantchouk, Le Métropolite André s’inscrit dans le thème favori du cinéaste, l’exploration de l’Histoire de l’Ukraine du XXème siècle. Il est aussi le premier à être consacré entièrement à l’homme d’église André Cheptytskyi, hormis le film de propagande anticlérical Ivanna, réalisé par Victor Ivtchenko (1960), où l’acteur Dmytro Stepovyj incarnait épisodiquement le vieux métropolite et où l’église uniate était la cible d’une campagne antireligieuse d’une grande envergure. Issu d’une famille de l’aristocratie ukrainienne, de longue date polonisée et latinisée, André Cheptytskyi embrassa la vie monastique et le rite oriental ancestral pour accéder au siège métropolitain de Lviv en 1900. Devenu chef suprême de l’église gréco-catholique ukrainienne, il connut pendant 44 ans les bouleversements provoqués par deux guerres mondiales, la révolution bolchevique, l’exil en Russie, la pacification polonaise, l'invasion nazie suivie de l'occupation soviétique. Sa grande idée était l'unité des orthodoxes et des catholiques de rite byzantin, concrétisée par l'érection d'un patriarcat à Kiev. Soucieux de son clergé et du bien spirituel et matériel de ses fidèles, ce prélat sut mettre en place des structures propres à une hiérarchie de langue et de tradition ukrainiennes et de droit canonique oriental. Son activité prodigieuse en Europe et ses voyages dans le Nouveau monde lui donnèrent un visage légendaire surmontant la tentation nationale et identitaire pour répondre à une foi droite et universelle.
Le film de Olès Yantchouk ne prétend pas parcourir toute la vie et l’œuvre du métropolite qui fut considéré par le pouvoir soviétique comme ennemi de la nation ukrainienne. Le réalisateur y exploite la rumeur de l’empoisonnement du prélat par les services spéciaux soviétiques, rumeur qui ne fut jamais confirmée, ni par les historiens, ni par l’Eglise uniate elle-même, mais amalgamée avec celle de l’évêque Youriï Romja, évêque de Moukatchevo, empoisonné au curare, en 1947, sur son lit d’hôpital. Le film fut mis en chantier à la sortie de la Révolution orange, aussi l’on devine très vite l’intention du réalisateur de tracer un parallèle entre la tentative d’empoisonnement du président Victor Youchtchenko et l’empoisonnement supposé du métropolite. Soutenu par la caméra très hiératique de Vitaliï Zymovets, l’acteur Serhiï Romaniouk incarne avec brio le rôle-titre dans ce film un peu trop sacralisé et où le personnage de Joseph Slipyi, successeur du métropolite, reste complètement effacé, comme si le réalisateur voulait éviter de dévoiler le sujet de son prochain film.



 

Lubomir Hosejko



Mardi 13 janvier 2009, à 19h

 

L’HOMME À LA CAMÉRA

 

musicalisé par Volodymyr Shpinov,
séance en présence de l’auteur


 

Production : VOUFKOU, Studio de Kiev
1929, nb, muet, 1h.07mn

Scénario : Dziga Vertov

Réalisation : Dziga Vertov

Photographie : Mikhaïl Kaufman, Gleb Troyansky

Montage : Elizaveta Svilova, Dziga Vertov

Genre  : documentaire

 

Distinction :Œuvre citée parmi les douze meilleurs documentaires de tous les temps au Festival International de Mannheim, en 1964.


Synopsis

Un jour de la vie à Odessa. La ville s’éveille le matin. Un homme filme tout à l’improviste : les rues animées, le travail, les machines, les loisirs. A midi, la pause, puis le rythme reprend de plus belle, l’agitation grandit, la caméra s’emballe, les images se bousculent. Un œil mécanique se ferme, le soir tombe, la ville s’endort.

 

 

Opinion

Après lui avoir commandé, en 1928, la réalisation d’un film de propagande, La Onzième année, la Direction générale photocinématographique d’Ukraine (VOUFKOU) apporte une nouvelle fois son soutien à Dziga Vertov pour sa création la plus audacieuse et la plus achevée, L’Homme à la caméra. Dans ce film expérimental proche de l’écriture automatique, où le montage joue un rôle central, se chevauchent quatre lignes conductrices : l’opérateur en quête d’images, la vie au quotidien du citoyen lambda, la monteuse rivée à sa table de montage, le spectateur observant l’écran. La destruction volontaire du récit, assurée par un montage d’une complexité rigoureuse, et l’absence totale d’inter-titres, n’altèrent en rien le relevé diégétique spatio-temporel : une grande ville d’Ukraine sous la NEP – le film est tourné sur le vif à Kiev, Kharkiv et Odessa -, en plein processus institutionnel dit de l’indigénisation. Partout, l’ukrainien envahit progressivement le paysage socioculturel. Enseignes, calicots, panneaux publicitaires, administrations, journaux, signalétique sont photographiés au hasard, non pas pour les besoins d’une propagande superflue, mais en tant qu’éléments différentiels, témoins iconiques d’une volonté qui s’opère plus en surface qu’en profondeur. Surchargés d’allitérations visuelles, de collages, de surimpressions à échelles différentes, de dédoublements ou d’inversements de l’image et, en guise de bouquet final, d’un enchaînement ultrarapide de plans courts, le film reste incompris du public, rejeté par la critique pour fétichisme technique et infantilisme. Ce film fondateur de la théorie sur le ciné-œil reste un hommage de l’homme à sa nouvelle conquête mythique - la caméra, qui, sous l’aspect technique et esthétique, se conjugue à la première personne. Vertov cherche, en réalité, à en faire une sorte d’essai sur la morphologie filmique en s’interrogeant sur les capacités de l’œil humain et du médium lui-même. En réinventant l’espace quotidien de la vie d’une cité, ce manifeste futuriste préfigure, en quelque sorte, le futur dispositif de vidéosurveillance des grandes agglomérations d’aujourd’hui.

 

Lubomir Hosejko



Mardi 16 décembre 2008, à 19h

 

ZAKHAR BERKOUT

 




 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev
1971, coul. 1h.37mn, vostf

Scénario : Dmytro Pavlytchko

Réalisation : Léonide Ossyka

Photographie : Valeriï Kvas

Décors : Mykhaïlo Rakovskyi

Son : Anatoliï Tchornootchenko

Musique : Volodymyr Houba

Genre  : épopée historique tirée du roman éponyme de Ivan Franko.

 

Interprétation : Ivan Havrylouk, Antonina Leftiï, Kostiantyn Stepankov, Boryslav Brondoukov, Ivan Mykolaïtchouk, Vassyl Symtchtytch, Bolot Beïchenaliev, Fédir Panassenko, Volodymyr Prokofiev.


Premier prix et Prix de la meilleure photographie au Festival « Molod’ molodym » de Dnipropetrovsk, 1971.
Prix de la meilleure création dans la catégorie épopée historique au Festival pansoviétique de Tbilissi, 1972


Synopsis

Chef d’une communauté libre des Carpathes, Zakhar Berkout s’oppose à l’invasion des hordes mongoles sur le chemin de l’Europe. Loin de se résigner au pouvoir des boyards, Berkout dénonce la félonie du voïvode Touhar Vovk, rallié aux Mongols et désavoué en cela par sa fille Myroslava, amoureuse de Maxime Berkout. Au terme d’un combat incertain, les montagnards attirent l’armée de Bouroundaï dans un défilé qu’ils inondent. Mais Maxime, retenu en otage, trouve une mort héroïque.

 

 

Opinion

Manifestement influencé par le cinéma de Kaneto Shindo et d’Akira Kurosawa, Léonide Ossyka livre une superproduction, équivalente des films de la même époque, Le Dit de Roustam du Tadjik B. Kimjagarov ou Gerkus Mantas du Lituanien M. Gedris, des œuvres exhumant des pans d’histoire du Moyen-Âge dominé par la violence.
L’idée du film revient cependant à Hryhoriï Yakoutovytch, décorateur sur les Chevaux de feu de Paradjanov, qui travaillait à l’époque sur une série de gravures, inspirées des chroniques médiévales. Après le pittoresque Zakhar Berkout de Joseph Rona tourné en 1929 aux Studios d’Odessa (film muet non distribué et considéré comme perdu), dans l’histoire du cinéma ukrainien, le film de Léonide Ossyka est le premier à être entièrement consacré à la Rous’ kiévienne. Il met en lumière les derniers îlots de résistance à l’expansionnisme féodal des princes kiéviens et galiciens et à la propagation du christianisme dans les vallées les plus reculées des Carpathes, où vivent en totale autarcie des microsociétés patriarcales. Pour garder les marches du royaume, les princes attribuent des terres inexplorées aux nobliaux. La tribu de la vallée de Toukhla est celle qui résiste le plus longtemps au prince Daniel, préoccupé, après le saccage de Kiev et de Terebovla, par l’invasion imminente des Mongols que souhaitent certains boyards.
Le film fut tourné in situ, d’abord dans les Carpathes, avec les habitants de Toukhla, Skole, Klymets, descendants des montagnards qui arrêtèrent un moment les hordes mongoles. Pour des raisons climatiques et économiques, il le fut aussi en Kirghizie, mais se heurta aux difficultés que représentaient l’altitude à laquelle devaient s’effectuer les prises de vues et l’impossibilité d’acheminer les groupes électrogènes. A défaut de projecteurs, de grands miroirs réfléchissants éclairèrent des scènes grandioses sous un soleil de plomb, méthode empruntée à Perestiani (Les Diablotins rouges).
Pour certains, le film d’Ossyka reste marqué par un manichéisme militant qui, au second degré, peut être perçu comme une mise en garde contre le péril jaune. Cependant, cette ultime création de l’Ecole poétique de Kiev est doublée d’un patriotisme sui generis, à cent lieues d’un sentiment supranational comme l’exige la culture marxiste. Initialement, le film n’est soumis à aucune doctrine délétère ou théorie de la lutte des classes, rappelant que les Carpathes sont les derniers contreforts de l’Europe libre, où depuis la nuit des temps se manifeste une résistance politique, religieuse, économique et culturelle. Cependant, avant que ne s’abatte une chape de plomb sur les dernières résistances artistiques et intellectuelles en Ukraine, et avant que le film d’Ossyka ne soit interdit d’écran dès 1972, Zakhar Berkout a juste le temps de franchir le rideau de fer. Présenté en France aux Journées de Poitiers, en 1973, il restera néanmoins un chef-d’œuvre inconnu à l’étranger.
Ce film a aussi le mérite d’être interprété par les piliers de l’Ecole poétique de Kiev, et notamment par Antonina Leftiï (Myroslava), qui joue son plus beau rôle dans le cinéma ukrainien, Ivan Havrylouk (Maxime), Ivan Mylolaïtchouk (Lubomir), Boryslav Brondoukov (Bouroundaï), Bolot Beïchenaliev (Péta, le superbe chef mongol aux yeux d’argus). Mais la palme de l’interprétation revient à Kostiantyn Stepankov qui, par sa performance dramaturgique shakespearienne ne cède en rien à celle de Symtchytch dans le rôle-titre
C’est dans le plan final qu’est crypté le dernier message de l’Ecole de Kiev et, dans une certaine mesure, de la cinématographie ukrainienne tout entière. Il est le dernier maillon d’une chaîne constitué par un demi-siècle de cinéma dont les fondements furent jetés par Alexandre Dovjenko, l’inspirateur de plusieurs générations de cinéastes ukrainiens et étrangers.

 

Lubomir Hosejko



Mardi 4 novembre 2008, à 19h

 

L’OISEAU BLANC MARQUÉ DE NOIR

 


 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev
1971, coul. 1h.39mn, vf

Scénario : Youriї Illienko, Ivan Mykolaїtchouk

Réalisation : Youriї Illienko

Photographie : Vilen Kaliouta

Décors : Anatoliї Mamontov

Son : Leonid Batchi

Musique : orchestre populaire de Hlynnytsia

Genre  : épopée lyrique et historique

 

Interprétation : Larissa Kadotchnikova, Ivan Mykolaїtchouk, Bohdan Stoupka, Youriї Mykolaїtchouk, Vassyl Symtchytch, Natalia Naoum, Djemma Firsova, Alexandre Plotnikov, Oleg Polstvine, Mykhaїlo Illienko, Leonid Bakchtaiev, Volodymyr Chakalo, Mykola Oliїnyk, Kostiantyn Stepankov.


Médaille d’or, Festival International de Moscou, 1971
Prix du Jury, Festival International de Sorrento, 1972


Synopsis

Bucovine, 1939. Pour nourrir sa nombreuse progéniture, Lès, un contrebandier et musicien, s’en va louer ses fils un jour au marché. Le cadet est placé chez le prêtre dont la fille, Dana, affole tous les gars alentour. Bientôt, la Bucovine devient soviétique, puis la guerre arrive. Les frères choisissent chacun leur camp. Dana va se marier avec Boris, un soldat russe, mais Orest l’enlève pendant les noces. Ensemble, ils prennent le maquis nationaliste. Le front s’éloigne. Amante excédée, Dana rentre au village et éconduit son ex-fiancé démobilisé. La paix est longue à revenir. Les hommes combattent confusément dans la rancune et la haine.

 

 

Opinion

Troisième long métrage de Youriї Illienko et superproduction tournée en 70 mm, L’Oiseau blanc marqué de noir est l’une des dernières manifestations de l’Ecole poétique de Kiev. Cosigné par Ivan Mykolaїtchouk et Youriї Illienko, le scénario part de l’idée archétype des vieux films bolcheviques : jeter dans des camps opposés les fils d’une même nation. L’idée originale de cette tragi-comédie revient à Ivan Mykolaїtchouk qui ne fit que raconter ce qu’il a vu et entendu pendant son enfance. Il a vécu dans les Carpates, la région où se déroulent les évènements et où chaque personnage exprime le drame d’une population déchirée par son contentieux idéologique et politique. Drame social et humain vécu par une modeste famille pendant la réorganisation géopolitique de la Bucovine de 1939 à 1950, L’Oiseau blanc marqué de noir est avant tout la rencontre de deux Ukraine qui ne se connaissent pas. Tour à tour occupée par les Turcs, les Russes, les Autrichiens et les Roumains, la Bucovine septentrionale devient soviétique en 1940. Envahie par les Allemands, elle sera définitivement annexée à l’Ukraine soviétique en 1947. Pour la première fois depuis la mort de Staline, un réalisateur ukrainien réussit une investigation poussée sur une période relativement récente et douloureuse de l’histoire de l’Ukraine, tout en s’appuyant sur le concept universel du Bien et du mal et en discourant sur le sens de l’existence auquel l’homme ne peut donner une réponse, même devant la mort. Les fameuses bandes noires fascistes que l’on arrive pas très bien à situer dans le film sont, en réalité, les maquisards de l’Armée Insurrectionnelle ukrainienne qui combattent à la fois les armées allemandes et soviétiques, les sympathisants communistes et les collabos de tout poil. Bien que primé au Festival de Moscou, le film n’a pas eu de diffusion commerciale en Ukraine. Reçu avec froideur par les responsables du Parti communiste de la région de Lviv, il fut frappé d’interdiction pour ses intentions ouvertement idéalistes et son discours passéiste, trop dangereux pour être montré à la population de la Galicie, foyer du nationalisme ukrainien. C’est au secrétaire général du PCU Petro Chelest, lui-même blâmé pour avoir idéalisé sa nation dans son ouvrage intitulé Notre Ukraine soviétique, qu’incomba, le 10 novembre 1971, de dénoncer publiquement cette dérive. Et pourtant, chez Illienko, toutes les conditions préalables à la réalisation d’un film bolchevique, prônées en son temps par Dovjenko, étaient réunies : contenu social, portrait collectif de la nation, cinéma de poésie. A ces préceptes, Illienko ajouta une forte connotation politique, un enracinement régional très prononcé, des ressources profilmiques et techniques extrêmement percutantes. L’Oiseau blanc marqué de noir était-t-il, dans ces conditions, une œuvre à doublure réactionnaire, comme le fut La Terre de Dovjenko selon Demian Biedny. Ici encore, les avis restent partagés. Illienko rappelait plutôt Dovjenko à la sortie de Arsenal, faisant acte de foi et d’allégeance au Parti. Les quelques dizaines de milliers d’Ukrainiens qui ont eu la chance de voir le film se sont sentis fatalement visés par rapport à leur conviction idéologique antérieure et à leur appartenance politique du moment.

 

Lubomir Hosejko



Mardi 7 octobre 2008, à 19h30

 

LIBÉRATION

 


 

Copie restaurée en 2006 par le Ministère de la culture et du tourisme d’Ukraine

 

Production : Studio de Kiev, 1940, nb, 61 mn, sonore, vostf

Scénario : Alexandre Dovjenko

Réalisation : Alexandre Dovjenko, Youlia Solntseva

Assistant-réalisateur : Lazare Bodyk

Photographie : Youriї Iékeltchyk, Hryhoriї Alexandrov, Mykola Bykov, Youriї Tamarskyi

Son : Alexandre Babiї

Décors : Moritz Umanskyi

Musique : Boris Latochynskyi

Genre : documentaire

 

Synopsis

Septembre 1939. Les troupes soviétiques annexent le territoire de la Galicie devenue entre temps polonaise. Parmi elles, le réalisateur emmenant ses opérateurs jusqu’au contreforts des Carpates. Des meetings se suivent un peu partout. Celui de Lviv scelle la réunion des deux peuples séparés.

 

 

Opinion

Alors qu’il venait de donner le premier tour de manivelle de Taras Boulba en Crimée, Dovjenko est rappelé à Kiev pour organiser l’expédition d’équipes d’opérateurs en Ukraine occidentale lors de son annexion  à l’Ukraine Soviétique le 17 septembre 1939. Avec ses opérateurs, Iékeltchyk, Alexandrov, Bykov et Tamarskyi, Dovjenko va sillonner pendant deux mois les terres de la Galicie. De cette équipée, il tire mieux qu’un simple reportage, une chronique historique accompagnée d’un commentaire incisif. On découvre un Dovjenko tribun, haranguant les foules de Lviv, Ternopil, Stanislav, Kolomyia, Kossiv, Boryslav, jouant sur la sensibilité patriotique de la population. Dovjenko montre un peuple effectivement libéré de la tutelle polonaise, mais un peuple riche et civilisé. Un peuple qui connaît la saveur de la liberté, malaisée à dissimuler devant la caméra. Il va de soi que le film ne montre pas la vague de répression qui suivit l’entrée des troupes soviétiques en Galicie. C’est avec Libération que Dovjenko insuffle un nouveau style au documentaire ukrainien auquel se réfèreront directement les films issus de la même expédition : Bucovine, terre ukrainienne de Youlia Solntseva et Lazare Bodyk, réalisé en juillet 1940 sur la région nouvellement investie par l’Armée rouge ; La Perle des Carpates de Mykhaїlo Chapsaї, Lviv soviétique et Kiev reste et sera soviétique de Yakiv Avdienko.

 

Lubomir Hosejko


Mardi 9 septembre 2008, à 19h30


Les noms soulignés indiquent des liens vers une page de kinoglaz.fr



Qui mourra aujourd’hui, 1967, nb, 30 mn, vostf.

Film de fin d’études, interdit à l’époque soviétique.

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev

Scénario : Victor Merejko et Victor Hrès

Réalisation : Victor Hrès

 

Opinion

Prenant pour sujet l’histoire d’un détachement de soldats dans le désert, ce film de fin d’études fut mis aussitôt à l’index et n’est toujours pas restauré de nos jours. Accompagné de superbes images en noir et blanc, le thème de la soif y est traité sur le mode du western.

 

Une pluie battante, 1969, coul., 30 mn, vostf.

Production : Ukrtéléfilm

Scénario : Victor Merejko et Victor Hrès

Réalisation : Victor Hrès

Photographie : Vitali Zymovets

Décors : Volodymyr Tsyrline

Musique : Igor Kroutykov

Interprétation : Stanislav Borodokine, Sacha Kolosnitsyn, Olga Osypova.

 

Opinion

Entre cinéma poétique et néo-réalisme italien, cette miniature cinématographique qui met en exergue le Kiev des sixties autour des premiers émois amoureux d’un petit garçon, a obtenu le Prix de la meilleure réalisation au Festival de Leningrad en 1969 et la Nymphe d’Or au Festival de Télévision de Monte-Carlo en 1970.

 

La Fin des dieux, 1988, nb, 30 mn, vostf.

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev/Studio Début.

Scénario : Jevhen Houtsalo

Réalisation : Andriï Dontchyk

Photographie : Mykhaïlo Kretov

Décors : Alexandre Danylenko

Interprétation : Yaroslav Havrylouk, Boryslav Brondoukov, Guennadiï Harbouk, Loudmyla Lobza, Tetiana Nazarova, Heorhiï Moroziouk, Volodymyr Olexienko

 

Opinion

Réalisation du scénario éponyme non terminé de Dovjenko et inspiré d’extraits de son journal.